Dans un topic officiellement consacré à l’orientation politique des trictraciens mais qui aborde des sujets aussi passionants que la définition de l’anarchisme, les images dans lesquels nous sommes élevés, la relation foi-politique, l’objectivité et tout ça, Richard propose l’ouverture d’un sujet sur notre perception du don. Et comme je trouve que c’est une bonne idée, je m’y colle.
Pour vous le don, qu’est ce que c’est ?
Pour moi c’est la seule expression possible d’une liberté complète
(et puis comme ça je répond aussi à la question sur la liberté…)
Pour ceux qui n’ont pas vraiment le temps de ce topic à l’air certes passionnant mais certainement chronophage, de quels sortes de dons s’agit-il ?
Eric dit:Pour moi c'est la seule expression possible d'une liberté complète
"C'est donner des trucs."
Voilà, vous avez deux définitions :
- une au ras des paquerettes (XavO)
- une avec beaucoup de recul (Eric)
Il ne nous reste plus qu'à trouver tout ce qui peut aller au mileu.
Plus sérieusement, le don, c'est une manière de vivre. Je ne sais pas si cela à avoir avec la liberté, mais je sais que c'est plus que faire oeuvre par devoir de charité ou de solidarité (rayer la mention inutile suivant votre sensibilité). Soit on oriente sa vie sur le "recevoir", soit on intégre le don avec plus ou moins d'importance. Cela ne peut pas se faire simplement : cela joue évidemment sur des considérations pratiques mais surtout sur notre identité, nos valeurs, notre sensibilité au regard d'autres personnes et du coup sur toute la société via les relations interindividuelles.
arthemix dit:Pour ceux qui n'ont pas vraiment le temps de ce topic à l'air certes passionnant mais certainement chronophage, de quels sortes de dons s'agit-il ?
Ben justement, on peut se demander si le don de biens, le don de temps ou le don d'organne sont vraiment des choses très différentes... Et oui, c'est prise de tête et chronophage...
Eric dit:Ben justement, on peut se demander si le don de biens, le don de temps ou le don d'organne sont vraiment des choses très différentes...
... je ne pense pas.
Tu ne peux donner que ce que tu as (du temps, des biens, des organes). Donner ce n'est pas "se priver de", ça peut aussi être "faire profiter à quelqu'un quelquechose qu'on possède et que l'on estime superflu pour soi et qui seront plus utilies à d'autres" (je ne sais quoi faire de mon temps, de mon argent, de mon sang, mes organes ne me serviront plus lorsqu je serai mort...).
Eric dit: Pour moi c'est la seule expression possible d'une liberté complète
c'est une définition toute spirituelle.
concrètement, je crois que même dans les ong les mieux intentionnées, on n'est aussi dans une logique de prospection telle que la liberté disparait au profit de l'efficacité.
je veux dire que les associations ou organisations qui reposent sur les dons ont tellement besoin de donateurs qu'elles utilisent les mêmes méthodes que le marketing commercial traditionnel.
la notion de liberté me parait s'estomper...
VeHer dit: (je ne sais quoi faire de mon temps, de mon argent, de mon sang, mes organes ne me serviront plus lorsqu je serai mort...).
pas seulement...
je peux très bien savoir quoi faire de mon temps, de mon argent, et vouloir le donner : là est la vraie liberté, je trouve.
edit : ce n'est pas "se priver de", non plus, c'est plus dans le sens du partage.
plutot que “je ne sais quoi en faire…”, je n’en ai pas besoin, ça ne m’est pas nécessaire, même si ça peut m’être utile.
J’ai plus de satisfaction si je sais que quelqu’un d’autre que moi va en profiter. Le don n’est pas un sacrifice.
VeHer dit:plutot que "je ne sais quoi en faire...", je n'en ai pas besoin, ça ne m'est pas nécessaire, même si ça peut m'être utile.
J'ai plus de satisfaction si je sais que quelqu'un d'autre que moi va en profiter. Le don n'est pas un sacrifice.
pour moi ça va un peu au-delà : non seulement ça ne m'est pas nécessaire, mais ça ne me serait pas indispensable : j'en ai besoin mais d'autres en ont encore plus besoin.
J’aurai tendance à séparer le don en plusieurs catégories :
La charité et philanthropie : c’est le riche qui donne au pauvre par humanisme / culture / habitude / bonne conscience / …
Le débarras : je donne mes vielles affaires à Emmaüs
Le cadeau utile : j’offre / j’achète une chose à qq’un qui ne peut se le payer
Le don de soi : c’est une forme d’amour
L’offrande : c’est un acte spirituel
Aumône ou obole : c’est une façon de donner pour ne pas s’impliquer
L’altruisme ou la générosité : c’est plutôt une façon d’être qui conduit à toute sorte de don
Kouynemum dit:Eric dit: Pour moi c'est la seule expression possible d'une liberté complète
c'est une définition toute spirituelle.
concrètement, je crois que même dans les ong les mieux intentionnées, on n'est aussi dans une logique de prospection telle que la liberté disparait au profit de l'efficacité.
je veux dire que les associations ou organisations qui reposent sur les dons ont tellement besoin de donateurs qu'elles utilisent les mêmes méthodes que le marketing commercial traditionnel.
la notion de liberté me parait s'estomper...
Alors oui ma définition est toute spirituelle, ça va d'ailleurs dans l'idée de Richard qui disait que la perception que chacun a du don est étroitement liée à sa croyance et à ses convictions.
Ceci dit, je suis salarié d'une Eglise qui prêche l'absolue gratuité de l'amour de Dieu mais qui ne vit que des dons de ses membres, alors le besoin de donateurs des associations et organisations et la tension entre don libre et necessité de susciter le don, je connais un petit peu (une plaisanterie récurrente entre le trésorier de la paroisse et moi c'est "mais pourquoi diable cet imbécile de Luther a-t-il condamné le système des indulgences ?")
Mais c'est à mon avis là que se pose un problème de définitions. Si je donne pour sauver mon âme, parce que je veux que mon Eglise (ou n'importe quoi d'autre) vive, parce que je crois que c'est nécessaire à la survie de l'espèce, je ne suis plus dans le don. Je suis, respectivement, dans l'échange, dans la participation, dans l'équité (on peut multiplier et nuancer ces termes)mais pas dans le don. Attention, il n'y a aucune notion morale dans mon discours, je ne dis pas "le commerce c'est mal" ni "la participation c'est bien, mais le don c'est mieux", simplement j'essaye de poser des distinctions entre différents motifs de partage...
Richard dit: Aumône ou obole : c’est une façon de donner pour ne pas s’impliquer
L’altruisme ou la générosité : c’est plutôt une façon d’être qui conduit à toute sorte de don
c'est dur comme séparation.
ça voudrait dire d'une certaine manière que certaines formes de dons sont "meilleures" que d'autres.
je connait des gens qui donnent sans s'impliquer, mais c'est un début, non?
et je ne connais pas beaucoup de vrais altruistes...
Eric dit: Mais c'est à mon avis là que se pose un problème de définitions. Si je donne pour sauver mon âme, parce que je veux que mon Eglise (ou n'importe quoi d'autre) vive, parce que je crois que c'est nécessaire à la survie de l'espèce, je ne suis plus dans le don. Je suis, respectivement, dans l'échange, dans la participation, dans l'équité (on peut multiplier et nuancer ces termes)mais pas dans le don.
si je te suis, le don est toujours gratuit, et n'a sa source que dans l'autre et même pas dans le "besoin" de l'autre.
c’est drôle parce que ça rejoint un peu une réflexion personnelle que je suis en train de mener sur l’empathie.
qu’est-ce-que l’empathie ? comment ça se manifeste ? comment en faire une ligne de conduite dans la vie de tous les jours ? etc…
la notion de liberté que tu introduis dans l’acte de donner, c’est un élément que je pourrais aussi intégrer.
comme le don, manifester de l’empathie à l’égard de ses congénères ça ne rapporterait rien sinon effectivement d’apporter la dimension de liberté que porte en soi tout acte gratuit.
Kouyne, quand tu donnes 1 euro à un clodo, il sera content mais tu sais que ce n’est pas vraiment de ça qu’il à besoin.
Par contre si en plus tu lui demande comment il va, c’est pas pareil.
Tu quittes l’aumone pour une autre sorte de don…
J’ai juste voulu marquer la différence entre un don qui t’implique et celui qui ne t’implique pas (puisque j’en étais à distinguer les dons)
Maintenant, je suis d’accord que toute forme de don est acceptable dans son sens et son essence.
Toute sauf une que je n’ai pas mis dans ma liste et qu’Eric à souligné.
C’est un don très fréquent : je donne parceque je veux recevoir.
Comme dit Eric, dans ce cas on quitte le don pour un échange donc une forme de commerce.
J’ai un peu survolé, mais je me range plutôt du coté de Richard. Pour moi, le mot “don” recoupe des choses très très différentes. Donner de l’argent à une ONG, faire la charité à un mendiant, offrir un cadeau à un être cher, donner de son temps et de ses compétences à une association, donner ses vieilles fringues à Emmäus sont vraiment des actions très différentes, que ce soit dans leur finalité ou dans leur motivation.
arthemix dit:J'ai un peu survolé, mais je me range plutôt du coté de Richard. Pour moi, le mot "don" recoupe des choses très très différentes. Donner de l'argent à une ONG, faire la charité à un mendiant, offrir un cadeau à un être cher, donner de son temps et de ses compétences à une association, donner ses vieilles fringues à Emmäus sont vraiment des actions très différentes, que ce soit dans leur finalité ou dans leur motivation.
la définition spirituelle d'Eric et celles matérielles de Richard ne sont pas incompatibles.
en tout cas, je ne les situe pas sur le même plan mais elles ont en commun l'absence de contre-partie.
Kouynemum dit:(...) de l'absence de contre-partie.
Voilà un aspect important du don.
Je crois qu'il y a 2 extrèmes.
Le don de soi (sans limite, même jusqu'à la mort) et le don "commercial".
Entre ces 2 formes extrèmes, on peut imaginer qu'on espère plus ou moins un retour pour chaque type de dons.
Même l'altruisme est une façon de se définir aux yeux des autres.
Le retour que l'on attend est d'être perçu comme qq'un de généreux (ou en tout cas d'éviter d'être perçu comme un affame avare)
Il y a un bon exemple : Bill Gates
Vu les fortunes qu'il donne on peut facilement le classer dans la catégorie altruiste (vu que personne d'autre ne fait de dons plus important sur cette planète)
Mais est-il vraiment généreux (par nature) voir philanthrope ?
En théorie l'altruisme est une composante de la philanthropie : le don est un acte naturel, qui n'attend rien en retour.
Pourquoi utilise t-on le verbe donner pour des choses assez éloignées du don ?
> donner un coup au lieu de frapper
> donner un coup de fil au lieu de téléphoner
> donner un cours de tennis (alors que c’est payant)
…
Pour les linguistes, est-ce une particularité de la langue française ?
En français, quand tu veux être certain que les gens comprène le sens de ton don, tu dois dire “don gratuit” !
C’est ti pas dingue ça ?
Je ne suis pas certain que le don, y compris dans les formes les plus nobles définies précédemment, dans ce topic soit sans contre-partie.
Qu’est-ce qui nous pousse à agir, à donner plutôt qu’à ne pas le faire ? C’est forcément parce que l’on se retrouve davantage dans la 1ère situation que dans la 2nde. Dire qu’il n’y a pas de contre-partie c’est nier l’aspect totalement central de la “gratification morale” que le don procure à son auteur.