Le Guessing, double guessing, Mythe ou Réalité ?

Un des problèmes les plus classiques en théorie des jeux, pour illustrer les équilibres de Nash, c’est le Dilemme du Prisonnier.
En gros, deux prisonniers doivent choisir, séparément et sans se concerter, entre dénoncer son partenaire ou se taire. S’ils se dénoncent mutuellement, ils prennent 5 ans de prison. Si les deux se taisent, ils prennent un an de prison. S’il l’un parle et l’autre dénonce, celui qui dénonce est libéré et l’autre prend 10 ans.
S’ils sont la possibilité de se concerter, ou qu’ils connaissent bien la situation (notamment s’ils ont été mis plusieurs fois devant le dilemme), le mieux est de se taire tous les deux pour minimiser le temps passé en prison… Entre joueurs qui connaissent bien un jeu, c’est le genre de situation qui va généralement se produire. Pourtant, c’est prendre un gros risque puisqu’on risque de passer 10 ans en prison si l’autre joueur « trahit ». Si on minimise les risques (ce que ferait a priori un débutant à un jeu de stratégie), les deux joueurs vont dénoncer et prendre 5 ans chacun…
Ce petit jeu illustre pas mal de concepts que l’on retrouve beaucoup en économie, politique… et aussi les jeux qui nous intéressent ! Notamment dans le cas que vous évoquez sur ces derniers posts.

Pour rappel, se dénoncer mutuellement amène une peine de 5 ans à chacun des prisonniers. Et se taire amène une peine de 1 an ou 10 ans, ce qui fait une peine moyenne de 5,5 ans. Et c’est la raison pour laquelle, sans informations ni concertation, les prisonniers se dénoncent mutuellement.

De nombreuses expériences ont démontrées comment fonctionne notre cerveaux et comment il peut réagir à certaines influences. Cela prouve aussi que notre cerveau est loin d’être parfait et qu’il peut facilement être trompé ou se mentir à lui même.
Mais tout cela ce passe de façon inconsciente. Donc je vous avoue ma surprise et mon étonnement devant certains propos qui déclare qu’il est possible de savoir comment un autre va jouer.
Décrypter le comportement de quelqu’un demande du temps et beaucoup d’observations. Je vois mal comment cela pourrait donc être si simple, autour d’une table, avec des inconnu ou presque, d’arriver à deviner ou déduire comme cela à la volée et de façon rationnelle.
Je ne dis pas que dans l’absolu c’est impossible. mais juste que dans nos conditions de jeu, c’est peu probable de dépasser souvent le 50% (soit une chance sur 2). Mais c’est vrai qu’il existe des gens ayant des capacités exceptionnelles.

prince-baron dit:Je ne dis pas que dans l'absolu c'est impossible. mais juste que dans nos conditions de jeu, c'est peu probable de dépasser souvent le 50% (soit une chance sur 2) (...)

Mais 50% c'est déjà énorme :)
Même dans le cas d'une situation d'un choix binaire, par exemple mon adversaire à joué A ou B, si je devine bien je gagne, sinon je perds. Ca veut dire que dans 50% des cas tu gagnes car tu as bien deviné, et dans les 50% des autres cas, c'est du hasard, donc t'as encore 50% de chance d'avoir bon. Tu gagnes dans 75% des cas!!
Perso quand je joues au poker ou à Skull, je me dis jamais "lui c'est sur à 100% il a joué x". C'est plutôt du genre "je pense qu'il y a 70% de chance (en incluant la part de hasard :wink: ) qu'il ait fait x plutôt que y. Mais après il y a tout ce qui est hors guessing, qui permet encore de gagner un peu plus. Du style: "oui je pense qu'il y a 60% de chance pour qu'il ait joué x plutôt que y, mais si je joue la bonne réponse face à x, et que je me plante, je suis en grande difficulté, du coup je vais plutôt le coup qui contre y, je serais en moindre difficulté s'il a bien joué x".
Tu as aussi les indices qui viennent s'accumuler au cours du temps. Par exemple à Skull, parfois c'est un autre joueur qui retourne, et qui te permet de voir si tu avais raison ou pas.
prince-baron dit:De nombreuses expériences ont démontrées comment fonctionne notre cerveaux et comment il peut réagir à certaines influences. Cela prouve aussi que notre cerveau est loin d'être parfait et qu'il peut facilement être trompé ou se mentir à lui même.
Mais tout cela ce passe de façon inconsciente. Donc je vous avoue ma surprise et mon étonnement devant certains propos qui déclare qu'il est possible de savoir comment un autre va jouer.
Décrypter le comportement de quelqu'un demande du temps et beaucoup d'observations. Je vois mal comment cela pourrait donc être si simple, autour d'une table, avec des inconnu ou presque, d'arriver à deviner ou déduire comme cela à la volée et de façon rationnelle.
Je ne dis pas que dans l'absolu c'est impossible. mais juste que dans nos conditions de jeu, c'est peu probable de dépasser souvent le 50% (soit une chance sur 2). Mais c'est vrai qu'il existe des gens ayant des capacités exceptionnelles.

Je te trouve un peu extrême. Je joue régulièrement avec les mêmes joueurs, et je connais les jeux. Donc il est possible d'anticiper leurs coups.
Pourquoi? Parce qu'il y a souvent dans les moments clé d'une partie, des situations où seulement 2-3 coups sont bons pour un joueur. Dans ces moments là, lire l'option préférentielle d'un joueur est relativement accessible si tu connais le joueur.
Après, on ne parle pas de lire tous les coups des adversaires mais juste certains quand la partie est avancée et que les stratégies des uns et des autres sont déjà définies. C'est à ce moment là que c'est le plus important de jouer en fonction de l'autre.

“to guess” signifie deviner. Curieusement, et ceux qui lisent des articles ou livres de stratégie sur le poker le savent, les joueurs de bon niveau détestent être en situation de deviner le jeu adverse plutôt que de déduire un éventail de mains (range) avec un pourcentage d’erreur satisfaisant d’un ensemble de faits aussi ténus soient-ils. Ils vont donc éviter les situations où la “devinette” prend le pas sur la déduction. Ils vont au contraire essayer utiliser l’ensemble du board et des différentes mises de leur adversaire pour prendre la décision la plus pertinente. D’autant que les 3 étapes du board s’accompagnent éventuellement d’un certain nombre de tells physique que leur adversaire moins expérimenté pourrait fournir.
Si le bon joueur n’a pas AA en main et que dans les premiers niveaux d’un tournoi vous allez à tapis pre-flop, il ne vous suivra jamais!
Le guessing existe de manière objective. TS Leodagan le dit justement avec l’exemple du prédateur et sa proie. Il anticipe le mouvement adverse en se fondant sur un certain nombre d’observations. Bien sûr il peut se tromper mais cette anticipation qui est aussi une prise de risque lui est nécessaire pour statistiquement se nourrir.
Je viens de faire un Vasco de Gama avec ma voisine et le guessing est un élément important du jeu. En tant que premier joueur, tous les emplacement sont disponibles et j’ai le choix du numéro d’action. En regardant de combien et de quelles ressources elle dispose (pièces, marins, capitaine, projet, personnage), de quelles ressources elle a besoin, en comprenant qui est le personnage important pour elle à ce moment, en essayant au vu des tours précédents de voir combien de pièces elle est prête à risquer pour prendre un petit numéro, je vais tâcher de prendre la décision optimale. Il n’y a là aucun hasard. Si elle ne prend pas ensuite la meilleure décision, le choix de mon numéro et de ma case d’action ne deviendra pas un mauvais coup pour autant. Il sera au pire moins performant qu’il ne l’aurait été si elle avait fait le meilleur choix mais il restera un bon coup.
Ce qui est amusant c’est aussi de voir son monde et aussi celui de l’adversaire s’écrouler temporairement parce que l’action gratuite passe à +3… mais c’est le jeu et il y a moyen d’en tenir un petit peu compte au moment de la programmation.

TS Léodagan dit:
prince-baron dit:[...]
Décrypter le comportement de quelqu'un demande du temps et beaucoup d'observations. Je vois mal comment cela pourrait donc être si simple, autour d'une table, avec des inconnus ou presque, d'arriver à deviner ou déduire comme cela à la volée et de façon rationnelle.
[...]

Je te trouve un peu extrême. Je joue régulièrement avec les mêmes joueurs, et je connais les jeux. Donc il est possible d'anticiper leurs coups.
[...]

C'est bien ce que je dis, si tu as le temps de connaitre tes partenaires et le jeu, tu peux mieux anticiper.
Par contre avec des inconnus et des jeux non maitrisé, cela devient presque du pile ou face.
Mais je pense qu'il y a une méprise et une confusion.
Que stratégiquement, en fonction des coups précédant, l'on cherche à anticiper un bon coup pour bloquer ou battre l'adversaire n'est pas pour moi la même chose que le "mécanisme" du guessing.
Comme l'a dit quelqu'un en anglais c'est très clair to guess c'est deviner. Dans les cas stratégique l'on est plus dans l'analyse des options possibles.
Deviner, c'est quasi impossible, prévoir des probabilités de comportements c'est différents.

Alex Randolph était un spécialiste de ce mécanisme, et a commis quelques jeux intéressants qui ne tiennent pourtant que là dessus : Geister (Fantômes contre Fantômes), Xe Queo, Heimlich & Co… Il y a aussi l’excellent Adel Verpflichtet de Klaus Teuber uniquement basé là-dessus. J’aime beaucoup ces jeux, et pour les plus simples, si on a réussi à déterminer l’intention de l’adversaire, la victoire est acquise…

Si le double-guessing pur s’apparente au pifomètre, dès que des éléments de déduction entrent en jeu, les chances de bien “deviner” augmentent.
En fait, il y a toute une gamme de situations intermédiaires entre le double-guessing pur et la déduction intégrale, où les chances de bien anticiper vont croissant.
A cela s’ajoute la psychologie des joueurs, que l’on peut aussi apprendre à anticiper, même dans des situations en théorie de pifomètre intégral.

Les Loups-Garous de Thiercelieux est quand même un jeu entièrement basé là dessus. Ceci dit, c’est un jeu que je n’aime pas du tout justement parce que selon moi c’est du pifomètre complet pendant les 2-3 interminables premiers tours : au premier tour il n’y a même aucun élément de déduction… The Resistance est bien plus riche de ce point de vue là.

To guess, comme deviner en français, n’a pas de notion propre de hasard. Le devin avait un don des dieux, des prédictions n’étaient pas considérées comme hasardeuses. Guess fait plus appel à la déduction qu’au hasard.

Pour info :
http://www.iflscience.com/brain/how-win … r-scissors
Y’a aussi un lien vers une vidéo de robot qui vaut le coup.
Sinon, personne, je pense, n’a prétendu avoir des capacités extraordinaires permettant à coup sûr de deviner ce que va jouer l’autre.
Il s’agit toujours de faire des choix selon la probabilité plus ou moins grande d’action des autres joueurs.
Même sans les connaître, encore une fois, y’a des possibilités.
A titre d’exemple, je dirais (estimation toute personnelle) qu’un joueur débutant que je ne connais pas a 70% de chances de choisir d’aller au jardin à partir du lieu extérieur dans la Nuit du Grand Poulpe. Sachant que s’il jouait entièrement au hasard, il aurait 16% de chances d’y aller.
Donc même si on n’est pas sûr à 100%, il est donc souvent très profitable d’envoyer un monstre au jardin dans cette situation.
Et face à des gens que l’on connaît, il y a tjs des situations cocasses. Généralement, en jouant avec mon éditeur, nous faisons toujours 2 ou 3 mouvements similaires ou symétriques (nous contrant l’un l’autre). Au 4° tour, nous choisissons alors de changer de comportement pour faire quelque chose de radicalement différent. Mais comme on a le même raisonnement, on continue à se bloquer encore un tour…
Bref…

Le double gessing, c’est une chance sur deux.

Dans un (autre (vieux)) topic, Mr Henry nous dit :

<< Question : pourquoi un tel over bet [il parle d’un “tapis” au poker]
Voici 4 niveaux de réflexion :
1) Il a un jeu meilleur que le mien.
2) Il a un moins bon jeu que le mien et tente d’arracher le coup (bluff).
3) Il a un meilleur jeu que le mien, mais veux me faire croire qu’il tente d’arracher le coup.
4) Il a un moins bon jeu que moi, mais veux me faire croire qu’il a un meilleur jeu que moi en agissant comme quelqu’un qui a un très bon jeu et qui fait semblant d’arracher le coup. >>


Et je me dis : pourquoi s’arrêter à 4 niveaux (surtout si on est trètrèfaure comme Mr Henry ) ?

Reprenons…

- soit il a un meilleur
- soit il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur
- soit il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur
- soit il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur
- soit il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur
- soit il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur
- soit il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur
- soit il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur qui veut me faire croire qu’il a un moins bon qui veut me faire croire qu’il a un meilleur
- …

=> Le double gessing, c’est une chance sur deux.



PS : Relisez Minority Report (pas le film, ils ont enlevé tout l’intrigue autours du rapport minoritaire dans le scénario, ces cons…).

Triz dit :

PS : Relisez Minority Report (pas le film, ils ont enlevé tout l'intrigue autours du rapport minoritaire dans le scénario, ces cons...).

On l'a échappé belle pour Jurassic Park. yes