7Tigers dit:Perso, même si je pense que le prochain président / présidente en 2012 sera malheureusement encore un / une charlot totalement incompétent, ceux qui pensent que la France n'est pas une démocratie n'ont visiblement jamais vécu sous une dictature...
Je suis d'accord, ce n'est pas une dictature - même s'il n'y a pas qu'un modèle de dictature. En Amérique latine il y a ce qu'ils appellent la "dictamolle" (par opposition à la "dictadure" dictadura/dictablanda) : pas d'élections ou élections factices, pas de terreur permanente non plus dans la population, juste une petite répression ponctuelle et discrète quand on passe un peu trop les lignes sous-entendues par le régime, à tendance policière. Le régime tunisien s'apparentait, à mon avis, à une dictamolle.
Pour la démocratie, c'est la même chose, il existe plusieurs formes et plusieurs degrés. J'ai parfois l'impression que la France et d'autres Etats européens s'éloignent de la démocratie politique pour se concentrer sur un Etat de droit des individus qui sont ces citoyens. Au-delà du fond du débat, je reste très choqué de comment on s'est torché avec le référendum de 2005 (où j'avais pourtant voté oui), et par le fait que l'opposition réunie en Congrès a voté dans le sens contraire du mandat populaire au même texte en 2007. Idem en Hollande et en Irlande. Dans l'UE, la démocratie politique en a pris un gros coup. Quand vous voyez comment fonctionne le Parlement européen, qui peut croire à la farce de la démocratie ? En France, le récent charcutage de la carte électorale (vous avez vu la gueule des circonscriptions ?) et la création d'un obstacle indû à l'alternance avec les députés de l'étranger (sur les 11 qui seront élus en 2012, sachez que 9 sont déjà réservés à l'UMP) laissent songeur.
Bon, à côté de ça, on a des mécanismes de droit très poussés pour les individus, avec des recours constitutionnels, etc. Mais on se prend un procès quand on dit "Casse-toi pov' con" au chef de l'Etat, qui lui-même l'a dit dans les mêmes termes trois semaines plus tôt à un simple pékin. C'est sûr que ça vaut moins de temps de prison qu'à Cuba, mais plus d'emmerdes qu'au Vénézuéla que Le Monde et Libé ne cessent de présenter comme la dictature new age. Et on arrête les parents à la sortie des écoles, on sépare des familles et on coffre les "bons" Français qui s'élèvent contre ça. Ca aussi ça laisse songeur.
Et puis si on gratte, qu'on voit qui est au(x) pouvoir(s) (politique, médiatique, économique), qui se succède, même moule (X, Mines, ENA, HEC,...), mêmes familles (et oui, on y revient, aux dynasties), même pensée unique, mêmes politiques (à chaque fois "la seule possible" jusqu'à la prochaine), mêmes pratiques (ça ne les interpelle plus, le fait que l'on puisse aller en jet privé faire trempette chez Ben Ali) ça encore ça laisse songeur. Pas de complot, hein, même pas besoin. Juste une énorme complicité. Ce qu'en d'autres temps on appelait la défense des intérêts de classe (mais chut, c'est un gros mot).
Alors non, la France n'est pas une dictature. C'est un Etat de droit qui ne tourne pas trop mal, si on a des papiers, qu'on n'est pas en tôle, en fin de droit, en emploi précaire ou qu'on n'a pas une épicerie sans téléphone portable (suspect, ça) au fond du Larzac. Ce qui est le cas de la majorité des gens, donc ça passe. Mais pour une démocratie donneuse de leçon, il y a quand même beaucoup de choses qui interrogent. Et face à la vivacité de l'autre côté de la Méditerranée, qui répond certes à une situation beaucoup plus critique, on est en droit d'être interpelé dans notre petit confort.
