Ce texte du blog d’éconoclaste m’a bien amusé. Il met en perspective la logique et l’interprétation de la réalité, notamment dans les perspectives financières.
Petit test Vous assistez à un spectacle de magie. Le magicien fait appel à deux personnes dans le public, un homme et une femme. A l’homme, il remet un jeu de 52 cartes et lui demande de le mélanger. A la femme, il demande de songer à une carte du jeu. Celle-ci choisit l’as de pique. Le magicien se tourne alors vers l’homme, et sort une carte du jeu que ce dernier vient de mélanger. Quelle est la probabilité que cette carte soit l’as de pique? Indiquez vos réponses dans les commentaires, de préférence avec une petite justification de la façon dont vous y êtes parvenu; c’est celle-ci qui est la plus importante. EDIT : merci à tous les participants. Voici quelques éléments de réponse. Ce petit test se trouve cité dans le dernier numéro de More or Less, l’émission de la BBC présentée par Tim Harford, par Paul Wilmott, un spécialiste de mathématiques financières, pour illustrer la façon dont celles-ci sont utilisées. Car il n’y a pas de bonne réponse à cette question, mais plusieurs possibles. - La réponse immédiate est d’appliquer les probabilités : il y a une chance sur 52 de retirer l’as de pique d’un jeu de cartes bien battu. - Mais cette réponse néglige le contexte : c’est un magicien qui va retirer la carte. Si l’on veut prendre cela en compte, alors il est possible de considérer que celui-ci a 100% de chances de sortir l’as de pique. On peut raffiner cette réponse : nous ne connaissons pas exactement le talent du magicien, et il peut se tromper. Dans ce cas, il faudra déduire son risque d’erreur de ce taux de 100%. - Il est possible d’aller même plus loin : ce tour de magie est après tout extrêmement banal, c’est l’un des premiers exercices que l’on apprend lorsqu’on s’exerce aux tours de magie. Si le magicien fait un spectacle, il est possible qu’il souhaite produire un effet sur son auditoire en simulant une erreur. Peut-être qu’il fera exprès de ne pas sortir l’as de pique, mais le fera apparaître dans la poche de la dame quelques instants plus tard, après avoir montré que l’as de pique n’était pas dans le jeu; ou toute autre possibilité. Ce qui est intéressant, si l’on en croit Wilmott, c’est que lorsqu’il présente ce test à des “quants” de la finance, ceux-ci répondent extrêmement souvent “une chance sur 52” qui est la réponse mathématique. Même lorsqu’il leur explique que l’on doit prendre en compte le contexte, ceux-ci manifestent une grande répugnance à considérer que la réponse chiffrée et mathématique ne soit pas “la bonne”. Ce qu’elle est si l’on prend le problème de façon réduite, mais pas forcément si l’on veut prendre en compte son contexte. Ce que cela suggère, c’est la fausse impression de “vérité” qui ressort de l’utilisation des mathématiques, et la fascination qu’exerce le chiffre sur notre façon de raisonner : le chiffre, pour peu qu’il provienne d’un calcul savant, est affecté d’une valeur psychologique qui conduit à oublier tout le reste. Cette fascination pour le chiffre, nous la retrouvons aussi dans le débat public et la façon dont le nombre, à lui seul, y semble producteur de sens. C’est oublier que dans la vie réelle, tout chiffre est construit. Cela permet aussi de voir que le débat autour des modèles mathématiques de la finance n’aboutit à rien tant qu’il se limite à dire que les modèles sont “vrais” ou “faux”. C’est une question dépourvue de sens; un calcul peut être “juste” au sens de la logique formelle sans que cela ne nous apprenne grand-chose. Le problème du chiffre et du calcul, c’est qu’ils donnent un sentiment de certitude bien éloigné du degré réel de connaissance qu’ils apportent. Surtout, utiliser le calcul n’est pas neutre; calculer, en pratique, affaiblit certaines de nos capacités cognitives, celles qui relèvent de l’intuition et de la synthèse, ce que montre par exemple Mintzberg à propos des modèles de planification stratégique. Il est aisé de considérer ce qui s’est produit dans les institutions financières au cours des dernières années de façon simpliste, en s’indignant de la cupidité ou de l’absence de scrupules de quelques-uns, et en se demandant quel ensemble d’incitations a pu produire cet effet - libre ensuite à chacun d’enfourcher son cheval de bataille favori (l’Etat qui déresponsabilise, le marché qui rend fou, la disparition des valeurs morales dans la modernité, que sais-je encore…). La réponse n’est pas là, mais dans les mécanismes organisationnels et psychologiques qui conduisent individus et organisations à substituer le calcul formel à la pensée. Cette connaissance est cruellement absente, peut-être parce que ceux-là même qui seraient les premiers à pouvoir effectuer cette étude - les chercheurs - sont aussi souvent les premiers à succomber à ce travers.
Un vrai scientifique, pour créer un modèle mathématique de la réalité, doit justifier sa validité par l’expérience, et pousser cette expérience jusqu’à le mettre en défaut pour l’améliorer.
On a l’impression (et ce n’est hélas pas qu’une impression pour les quelques chercheurs que je connais qui se sont lancés dans les modèles économiques) que l’économiste cherche en général à faire rentrer de force la réalité dans un modèle, alors même qu’aucune expérience ne l’a jamais validé. Et on ne parle pas d’expérience sur des tubes à essais…
Seulement pour créer des modèles mathématiques, il faut deux qualités essentielles : avoir des idées… et savoir les remettre en cause quand elles sont visiblement fausses.
grolap’, qui forme à tour de bras les futurs financiers.
une technique parmis d’autre : le chartisme, qui consiste à analyser la courbe des cours (de façon indépendante de toute analyse fondamentale) comme représentant une certaine psychologie et permettant donc de deviner le comportement futur de l’investisseur en fonction des comportements passés. Le modèle s’auto valide d’autant plus qu’il est largement utilisé donc si tout le monde utilise la même grille de lecture et investit en conséquence …
Excellent. Ca se rapproche des études psy qui montre notre tendance naturelle à persister dans l’erreur, généralement au nom de ce (argent, efforts, temps) qui a été déjà investi dans cette erreur.
El comandante dit:Excellent. Ca se rapproche des études psy qui montre notre tendance naturelle à persister dans l'erreur, généralement au nom de ce (argent, efforts, temps) qui a été déjà investi dans cette erreur.
Les petits porteurs on une approche de joueur de casino. Quels que soient les gains réalisés, ils finiront par les perdre car ils se mettent à s'imaginer omniscient (et si tu as fait x20 une fois, si tu recommences, ça fais x400, puis x 8000 ). Ce graphique est amusant car il montre en effet que les petits porteurs investissent quand la bourse est haute, sortent quand elle a bien dégueulé, reviennent une fois qu'elle a bcp monté (ça les rassure ...). L'économie est cyclique. Quand on est dans un cycle haussier, vous trouvez des crétins pour vous dire que ça ne s'arrêtera jamais et vous trouvez à peut près les mêmes dans un cycle baisser pour vous dire qu'on est foutu. Les bulles financières se forment quand des gens parviennent, contre toute logique économique, à croire qu'une tendance est infinie. Historiquement, les cycles étaient autrefois beaucoup plus long, donc on pouvait croire à une telle analyse. Les cycles sont aujourd'hui plus courts, tj orientés vers une hausse lente.
El comandante dit:Excellent. Ca se rapproche des études psy qui montre notre tendance naturelle à persister dans l'erreur, généralement au nom de ce (argent, efforts, temps) qui a été déjà investi dans cette erreur.
Ah oui tiens la théorie de l'engagement! Tous nos actes nous engagent, en ce sens que l'on va toujours chercher à réduire la dissonance cognitive (si je fais quelque chose contraire à ma morale soit je vais baisser ma morale soit je vais trouver un moyen "d'annuler" ce que j'ai fait). Et on choisit le plus souvent de changer nos idées plutôt que nos comportements (c'est psychologiquement moins fatiguant).
grolapinos dit:Ça fait quelques années que je le dis. Un vrai scientifique, pour créer un modèle mathématique de la réalité, doit justifier sa validité par l'expérience, et pousser cette expérience jusqu'à le mettre en défaut pour l'améliorer.
grolapinos dit:Ça fait quelques années que je le dis. Un vrai scientifique, pour créer un modèle mathématique de la réalité, doit justifier sa validité par l'expérience, et pousser cette expérience jusqu'à le mettre en défaut pour l'améliorer.
Oh la belle déformation professionnelle... --fab', faux scientifique, du coup.
L'auuut'...
D'abord, mon boulot, c'est pas de créer des modèles mathématiques, d'une.
De deux, si tu lis ma phrase correctement, tu verras que je ne dis pas qu'un vrai scientifique doit forcément créer des modèles mathématiques. Par contre, s'il a la prétention de le faire, ce doit être en gardant en tête que ce modèle se doit d'être validé par l'expérience jusqu'à atteindre ses limites, et que le caractère mathématique du modèle ne constitue en aucun sa justification.
Et là, ben justement, la question se pose de savoir s'il est vraiment judicieux d'aborder l'économie à travers des pseudo-modèles mathématiques, généralement arrachés à d'autres disciplines (comme la physique) et plaqués sur la réalité en oubliant d'où ça vient et en imaginant que ça va marcher "parce que". Quand on voit le fiasco assez systématique qui en découle...
Rhââ, lala, ces faux scientifiques qui confondent toujours les assertions logiques avec la contraposée de leur réciproque...
grolapinos dit: Rhââ, lala, ces faux scientifiques qui confondent toujours les assertions logiques avec la contraposée de leur réciproque...
Rhââ, lala, ces vrais scientifiques qui confondent toujours le troll à la mauvaise foi farouchement renvendiquée avec le modo à la susceptibilité non-assumée ...
grolapinos dit: Rhââ, lala, ces faux scientifiques qui confondent toujours les assertions logiques avec la contraposée de leur réciproque...
Rhââ, lala, ces vrais scientifiques qui confondent toujours le troll à la mauvaise foi farouchement renvendiquée avec le modo à la susceptibilité non-assumée ...
Pas le temps de participer en étant sérieux, mais je vous lit avec attention. Et puis je n’oublie pas que ce soir je vais enfin avoir le temps de discuter avec grolap’ autour d’une bière… (on poura aussi parler prépas/grandes écoles )
Effectivement, plus on connait le contexte et plus on maîtrise le sujet.
Le pb, c’est que nous participons forcément à des systèmes trop complexes et trop opaques pour en maîtriser les rouages (techniques, psychologiques, scientifiques,…)
fabericus dit:Pas le temps de participer en étant sérieux, mais je vous lit avec attention. Et puis je n'oublie pas que ce soir je vais enfin avoir le temps de discuter avec grolap' autour d'une bière... (on poura aussi parler prépas/grandes écoles )
moi j'ai eu en septembre un ticket de réservation pour février.
Richard dit:Effectivement, plus on connait le contexte et plus on maîtrise le sujet. Le pb, c'est que nous participons forcément à des systèmes trop complexes et trop opaques pour en maîtriser les rouages (techniques, psychologiques, scientifiques,...) Donc la vérité n'existe pas ?
C'est tout l'intérêt du modèle. Et sa limite.
Un exemple simple : on lance une pièce en l'air, bien haut, bien fort. Bien que son mouvement ne dépende que de lois physiques classiques, impossible de faire un calcul nous permettant de prédire sur quelle face elle va tomber.
Alors, hop, un petit modèle : cette pièce a une probabilité 1/2 de tomber sur pile et 1/2 sur face. Le tout étayé par l'expérience, puisque tu constates que si tu lances ta pièce un grand nombre de fois, les cas s'équilibrent.
Donc, il n'est pas forcément nécessaire de tout maîtriser pour modéliser. Mais seule l'expérience peut valider le modèle. Et en aucun cas le modèle n'est la réalité, il n'est que la façon dont on la perçoit.
Dire que la vérité n'existe pas participe totalement de cette méprise : ce n'est pas parce que nous n'avons pas la possibilité de tout mettre en équation que les choses ne se produisent pas. Inversement, ce n'est pas parce qu'on a écrit une équation que celle-ci est la stricte réalité.
fabericus dit:Pas le temps de participer en étant sérieux, mais je vous lit avec attention. Et puis je n'oublie pas que ce soir je vais enfin avoir le temps de discuter avec grolap' autour d'une bière... (on poura aussi parler prépas/grandes écoles )
moi j'ai eu en septembre un ticket de réservation pour février.
Puuuuutaiiin, je vous haïrais si vous aviez pas raison