Bon sang, d’habitude, je pige assez vite, mais je n’ai rien capté depuis le début de ce topic… on ne pourra pas vous taxer de vulgarisateurs…
florica.fluture dit:Bon sang, d'habitude, je pige assez vite, mais je n'ai rien capté depuis le début de ce topic... on ne pourra pas vous taxer de vulgarisateurs...
pas évident non plus mais je m'accroche

Bon alors plus sérieux, en fait je viens de faire une petite recherche sur la méthode ESAR dont tu parles et je toupie je comprends mieux ton point de vue et tes termes.
Alors pour essayer de faire simple

Un jeu c'est une règle, un matériel (ergonomie et visuel), des joueurs.
La mécanique c'est la règle du jeu
le moteur ludique c'est comment les personnes autour du jeu s'amuse : ça peut être en se chauffant les neurones sur la mécanique, en plongeant dans une ambiance sur un thème, en s'amusant à manipuler la matériel, en se confrontant les uns aux autres (bluff, attaques, gain de points ...). Bref ce que les gens font de ce jeux.
D'ailleurs une bonne illustration de la différence entre les 2 : Il suffit de voir comment chaque personne parle d'un même jeu (notamment sur les forums tric trac) . Un exemple pas mal que je vois est les aventuriers du rail :
- un joueur y verra un petit jeu marrant à placer ses trains à la queue-leu-leu
- un autre y verra un moment de détente à essayer de réaliser ses objectifs.
- un troisième y verra un jeu stratégique où il se positionnera sur les tronçons sensibles, essaiera d'optimiser ses points, de deviner les stratégies adverses ...
Bref un même jeu, une même mécanique , un moteur ludique différent pour chacun.
En 2005, dans une revue aujourd’hui disparue, j’avais eu l’occasion d’écrire ça (c’est une vision personnelle…mais je la partage !!! )
Vers LE mécanisme universel ??
Lorsque l’on aime les jeux, on s’intéresse très vite à leur fonctionnement. Le fameux « mais comment ça marche ». Et donc, de façon très logique, spécialistes et passionnés de tous bords se sont peu à peu transformés en médecins légistes, pour disséquer et extraire avec enthousiasme les mécanismes principaux des jeux qu’il affectionnent, afin de mieux en comprendre les fonctions vitales.
Ainsi, on répertorie aujourd’hui une multitude de mécanismes d’enchère, de majorité, de bluff, de choix simultané, de rapidité, de programmation, de connexion, et bien d’autres encore.
Ce travail d’analyse et de classement, s’il est réellement intéressant, n’est pas suffisant pour vraiment comprendre le fonctionnement d’un jeu.
En effet, et si cette analyse nous faisait passer à côté de l’essentiel, à côté de le substantifique moëlle ? et si tous les mécanismes cités ci-dessus n’étaient que des micro-mécanismes au service d’un macro-mécanisme présent dans tous les jeux. Dans une analogie mécanicienne, et s’ils n’étaient que la mécanique du moteur…. Et une belle mécanique ne va pas très loin s’il n’y a pas de carburant !!
Et si ce carburant, présent et indispensable à l’équilibre de tous les jeux était… LA FRUSTRATION !!!
Pour illustrer ce propos, prenons quelques exemples :
Commençons par le dernier gros succès du box-office : les aventuriers du rail
Au-delà d’un système de jeu très simple, les éléments générateurs de frustration sont nombreux :
Tout d’abord le choix de l’action… à chaque tour, on ne peut faire que l’une des trois actions disponibles… et pour se rapprocher de l’objectif final, on aurait à chaque fois besoin, pour être confortable, d’en effectuer au moins deux des trois… Donc choix obligatoire et frustration !!
Ensuite, pour réaliser les différentes liaisons, il faut collectionner un nombre suffisant de cartes de la même couleur… et comme par hasard, le joueur qui vous précède s’évertue à piocher la dernière carte qu’il vous faut… d’où frustration.
Enfin, alors même que vous venez de récupérer la bonne combinaison de cartes qui va vous permettre de poser la liaison ferroviaire qui va vous permettre de réaliser votre objectif, un adversaire y dépose ses propres wagons, anéantissant vos espoirs… là encore, frustration.
Bref, tout au long de la partie, le joueur se retrouve confronté à ce sentiment de frustration face à un objectif ponctuel ou à plus long terme, qu’il sait avoir une chance de réaliser, mais sans certitude. Parfois ça passe, et la joie est là, parfois ça casse, l’objectif devient inaccessible. Mais ce n’est pas grave car au moins pendant un long moment on a pu espérer réussir.
On pourrait aussi prendre l’exemple de tous les jeux pour lesquels le joueur possède un certain nombre de points pour réaliser les actions de son choix lors de son tour de jeu (on peut citer, par exemple, la trilogie de Kramer : Tikal, java, mexica, ou encore sans foi ni loi). Avez-vous remarqué comme il est curieux, sur chacun de vos tours de jeu, qu’il vous manque juste les 1 ou 2 points nécessaires pour faire exactement ce dont vous auriez envie sur ce tour ? Ce n’est pas un hasard… mettre les joueurs en sous-capacité par rapport à leur stratégie les amène à faire des choix, des choix frustrants, mais qui amènent la tension nécessaire au jeu.
Evidemment, l’avocat de la défense pourra objecter que, si la frustration était réellement ce mécanisme universel qui fait « tourner » tous les jeux, alors il serait alors possible de réaliser des jeux « parfaits » plaisant à tout le monde !! Mais la réalité n’est pas si simple : en effet, ce serait aller un peu vite en besogne et oublier que chaque individu n’a pas le même rapport à la frustration. Ce qui est le juste niveau acceptable de certains devient totalement insupportable pour d’autres.
A nouveau prenons des exemples :
Les colons de catane est un succès commercial qui n’est plus à prouver avec ses millions d’exemplaires vendus. Pourtant, il n’est pas rare de trouver sur le net des avis de joueurs détestant totalement ce jeu… et qu’elle en est la cause ? leur capacité individuelle de résistance à la frustration a été dépassé : en effet, la grande majorité de ceux qui n’aiment pas ce jeu mettent en avant le système aléatoire de production des matières premières, production déterminée par le résultat d’un lancer de dés. Pour cette catégorie de joueurs, jouer est un prétexte à une démonstration de savoir faire tactique et stratégique. Et pour eux, il est insupportable, car trop frustrant, de voir la victoire s’échapper au profit de quelqu’un qu’ils jugent avoir moins bien joué, mais pour lequel les dés auront été plus favorables !
On peut aussi citer la majorité des jeux d’observation rapidité, comme, par exemple, jungle speed ou encore Rasende Roboter. Certaines personnes refusent catégoriquement de pratiquer le moindre jeu de ce type, car le stress généré est trop important, et ils sont frustrés de voir leur adversaire systématiquement trouver la bonne réponse juste un dixième de seconde avant qu’aux même ne la trouve. Trop frustration tue la frustration !!
Repassez dans votre mémoire tous les jeux que vous aimez, ou détestez, et vous vous rendrez compte, à chaque fois, que vous pouvez éclairer sous l’angle de la frustration votre sentiment, positif ou négatif, vis-à-vis de ce jeu. Et n’imaginez pas qu’il soit possible de réaliser un jeu qui n’en contienne aucune part : il en des jeux comme de la vie : S’il vous était possible en permanence d’accéder à la totalité de ce que vous pouvez désirer, seriez vous plus heurux pour autant ?
Alors, pour jouer heureux, jouons frustrés ???
Mais la définition du jeu quelque part c’est d’avoir un objectif à remplir avec des contraintes non ?
Donc ton article tout pertinent qu’il est, tiendrait plus de “l’épistémologie du jeu” que de la “decouverte” du “moteur ludique primordial” ?
je sais pas si ce que j’ai écrit est pertinent, en tous cas, ça correspond à mon approche du jeu de façon générale, y compris au niveau de la création… mais surtout… je ne sais pas ce que ça veut dire, epistémologie !!!
Je l’ai mis entre guillemet parce que je ne suis pas sûr de maitriser la puissance et toutes les subtilité du concept derrière : http://www.cnrtl.fr/definition/epist%C3%A9mologie
Grosso modo je voulais dire que si ce que tu dis est vrai, c’est parce que tu explicite un postulat de la notion de jeu (et même du sport dans sa globalité en fait) qu’on oublie parfois.
My 2 cents.
J’ADORE !
Bruno des Montagnes dit:
Et si ce carburant, présent et indispensable à l’équilibre de tous les jeux était… LA FRUSTRATION !!!
article intéressant qui fait apparaitre cette composante cachée qu'est la frustration. Cela dit la frustration est ce qui nous fait avancer dans un jeu, nous éprouve dans nos réflexions, nous donner matière à jouer. Par contre le plaisir réel est plutôt dans le risque, tout en fait est une question de pari :
- sur le fait qu'on surmonte ou non une enchère
- qu'on soit seul à s'imposer dans un secteur du jeu
- qu'un "investissement" soit rentable
bref que le coup qu'on effectue s'avère effectivement et à posteriori le bon ! C'est là mon sens le plaisir de jeu. A ce facteur risque j'ajouterai, mais là ça dépends des personnes, son petit frère le hasard. C'est en fait le risque suprême : celui de défier un destin, une probabilité, le cour des évènement, le plaisir enfoui en chacun de défier les dieux eux-même quoi

Knizia en avait parlé dans un article dont j’ai oulié les références (évidemment). En gros il disait la même chose que Bruno mais en prenant le point de vue non pas du ressenti psychologique (la frustration) mais plutôt du mécanisme de jeu (le choix).
Mais au final je ne suis pas sur que la réponse à “Pourquoi est-ce que je m’amuse?” soit “Parce que je suis frustré”.
ocelau dit:Cela dit la frustration est ce qui nous fait avancer dans un jeu, nous éprouve dans nos réflexions, nous donner matière à jouer. Par contre le plaisir réel est plutôt dans le risque
En effet, je suis d'accord sur le concept du risque dans le jeu plutôt que celui de la frustration.
C'est le risque qui m'a souvent permis de jouer des parties inoubliables (palpitations, transpiration, concentration, ...)
Et d'ailleurs, pour moi la frustration amène très souvent insatisfaction puis déception.
Au fait, j'ai remarqué que mon insatisfaction était vraiment fonction de mon expérience ludique. Il y a une vingtaine d'années, je pouvais accepter presque n'importe quelles règles et mécanismes. Mais maintenant, je suis devenu bcp plus exigeant et c'est tant mieux à mon sens

Brougnouf dit:ocelau dit:Cela dit la frustration est ce qui nous fait avancer dans un jeu, nous éprouve dans nos réflexions, nous donner matière à jouer. Par contre le plaisir réel est plutôt dans le risque
En effet, je suis d'accord sur le concept du risque dans le jeu plutôt que celui de la frustration.
C'est le risque qui m'a souvent permis de jouer des parties inoubliables (palpitations, transpiration, concentration, ...)
Et d'ailleurs, pour moi la frustration amène très souvent insatisfaction puis déception.
+1
en fait quand j'y repense je crois que justement la frustration est pour moi aussi un facteur négatif contrairement au risque. En fait les 2 sont complémentaires : la frustration est là pour créer un manque, un trou à franchir, le risque est la question "vais-je sauter ? ".
Perso j'aime bien justement qu'un jeu propose des changements au prix de risque quitte à bousculer un peu le jeu. Pouvoir jouer un petit coup risqué et attendre fébrilement que son tour revienne pour voir si personne ne nous a vu faire et si ça a payé ! Pouvoir à ce moment là poser son pion vainqueur en afficher un petit sourire en coin disant "Eh Eh vous auriez pas du loupé ça


C’est marrant parce que je ne ressentais pas ça comme ça. Je me sens plutôt en accord avec Bruno des Montagnes ou R Knizia, avec cette histoire de frustration ou de choix, peu importe le mot.
Je suis vraiment d’accord avec le fait que les jeux sont vraiment fait pour que les choix excèdent les possibilités du joueur (notamment, à chaque fois, le rapport faible nombre de tours / actions possibles, comme dans les Piliers de la Terre, Yspahan, Thèbes, 1960 TMOTP…).
Celui-ci a ainsi l’impression à la fin de la partie qu’il aurait pu mener sa partie totalement différemment, que le jeu est donc extrêmement riche. Et puis, comme on dit dans les milieux autorisés, ça rend le jeu addictif, on a tout de suite envie d’y rejouer pour tester un autre chemin…
Pour moi, ça correspond à ça, cette histoire de frustration…
En fait ça illustre la question initiale (on y arrive ) : pour moi la frustration décrite est de l’ordre de la mécanique : c’est ce qui permet de nous mettre constamment face à des choix, de nous dire en fin de partie “j’avais pas vu cet aspect du jeu, faudra que je retente comme ça la fois prochaine”.
La partie risque/décison est ce qu’on peut considérer le moteur ludique ou plus simplement là ou se situe réellement le plaisir du jeu : tenter un coup, avoir la satisfaction d’un enchainement réussi, la déception d’un autre loupé, les neurones qui chauffe pour déterminer la meilleure option.
Mais bon après ça dépends du plaisir de chacun : il y en a qui prenne plaisir à demonter les moteur et chercher comment les tuner le mieux possible, d’autre prennent plaisir à conduire, piloter, prendre au mieux les virages et accélération (je serais plutôt comme ça )
Ah ben zut, j’ai vraiment rien compris alors parce que je me disais que la mécanique, c’était le fait d’avoir 12 000 choix possibles en 6 tours et quelques points d’action. Après, la frustration, c’était juste l’effet de cette mécanique, son résultat, quoi…
(je comprends de moins en moins ce topic, faut qu’j’arrête…)
je vois les choses comme toi, mister papillon !
florica.fluture dit:Ah ben zut, j'ai vraiment rien compris alors parce que je me disais que la mécanique, c'était le fait d'avoir 12 000 choix possibles en 6 tours et quelques points d'action. Après, la frustration, c'était juste l'effet de cette mécanique, son résultat, quoi...
(je comprends de moins en moins ce topic, faut qu'j'arrête...)

Pour reprendre l'exemple de Bruno sur les aventuriers du rail. Il est clair qu'on a en toujours 3 choix qui sont tous tentant :
- compléter sa main car on a toujours un foutu tronçon qu'on n'arrive pas à finir

- prendre un objectif car là on a presque fini le sien et ce serait bien d'anticiper
- poser ses trains car on sent qu'il y a quelqu'un qui lorgne sur le même tronçon
Si c'est bien compris le principe de "frustration", le plaisir de jeu serait juste dans le tatonnement devant le choix à faire ? Pour moi il est un peu plus loin c'est dans la décision elle-même et dans les impacts qu'elle a par la suite non ( je ne sais pas si j'ai bien compris le principe de frustration en fait

J’aime bien la synthèse de Bruno des Montagnes, qui va au coeur des jeux.
D’ailleurs c’est inspirant :
Il me semble qu’un philosophe avait écrit récemment sur les jeux, et qu’il considérait comme l’âme des jeux “ce qui fait perdre”, inventer un jeu revenant à méditer sur les retardateurs te les complicateurs de l’action. Il listait ensuite quatre facteurs d’échecs, mais ma mémoire me fait défaut. Quant à la passion du jeu, il la voyait en tant que miroir de la vie, mais sans les conséquences définitives du “sérieux”.
Pour Oli: super le montage photo !! j’adoooore
Pour ocelau: ce que j’entends par frustration, c’est le fait d’obliger le joueur de faire des choix qu’il ne voudrait pas avoir à faire. Tu le plonges dans une situation ou il voudrait faire A + B + C pour être confortable par rapport à l’objectif final mais tu ne lui autorises à faire que A+B ou A+C ou B+C…
D’où choix cornélien , prise de risque, donc frustration de ne pas pouvoir TOUT faire…
Si tu dépasses le niveau de frustration acceptable pour l’individu, il n’accroche pas au jeu (frustration négative, sentiment insupportable… exemple: pour la catégorie de joueurs qui aiment particulièrement avoir le sentiment de tout maitriser par le calcul, tu leur imposes des déplacements avec un dé, par exemple… frustration insupportable, donc jeu rejeté…)
Si tu lui autorises tout, il n’accroche pas plus au jeu (manque de tension)
Bref… trouver le juste niveau de frustration qui correspond au plus grand nombre (et à mes envies du moment) fait partie de la façon dont je vis mon “job” d’auteur
Ah Ok donc on parle effectivement de la même chose dans le fond : Pour qu’un jeu puisse tourner de manière intéressante il faut laisser le joueur en prise de risque où il ne peut pas se mettre en situation confortable où il peut faire tout ce qu’il désire
exact… on n’utilise pas le même vocabulaire, mais on est d’accord sur le ressort