Education. Ce que les lycéens savent de l’auteur de la lettre qui doit être lue aujourd’hui.
CHARLOTTE ROTMAN
Libe : lundi 22 octobre 2007
Guy qui ? ? Môquet ? ? Leurs yeux s’agrandissent. Beaucoup haussent les épaules, l’air vaguement désolé. Certains ont quelques notions – plus ou moins floues. Vendredi, devant le lycée Voltaire, une grosse cité scolaire du XIe arrondissement de Paris, les élèves sont rarement au courant que la lettre du jeune militant communiste fusillé le 22 octobre 1941 doit (peut-être) leur être lue aujourd’hui ainsi qu’à tous les lycéens de France. Ils savent peu de choses du jeune homme, transformé en icône nationale. Les plus curieux retournent la question.
«Métro». Une adolescente avance : «Je crois qu’il a dû mourir dans un camp de concentration, un truc comme ça.» Sa copine acquiesce. Une autre, en seconde, a une partie de la réponse : «C’est un Juif qui a écrit une lettre à ses parents.»Marine et Maïan l’écoutent sans un mot : elles n’en ont jamais entendu parler. Un petit groupe discute assis en rond par terre : «Le nom me dit quelque chose, j’ai déjà entendu ça quelque part…», commence une fille. Puis, plus rien. «C’est quelqu’un d’important, vu qu’il y a la station de métro», glisse une autre. «C’était un soldat pendant l’Occupation», essaie une troisième. On se rapproche. Fanny se désole : «Je ne sais pas du tout qui c’est. Et en plus je suis en L [littéraire, ndlr]. L’inculte.» Soizic, en terminale S, met fin à son supplice : «C’était un communiste de 17 ans qui a été fusillé pendant la guerre.» Son prof d’histoire a fait cours sur Guy Môquet à partir d’un article de journal. Elle ne sait pas s’il lira la lettre aujourd’hui.
A quelques mètres de l’entrée du lycée, les cabines téléphoniques semblent être un point de rassemblement habituel. Des grappes d’adolescents attendent la reprise des cours. Ferdinand : «C’est un résistant qui s’est fait buter à 17 ans. Il a écrit une lettre personnelle à ses parents, et maintenant Sarkozy s’en sert pour dire qu’il faut mourir pour la patrie.» Il a débité ça d’une traite. Clément complète : «Sarkozy a trafiqué la lettre. A la place de “camarade”, il veut qu’on dise “compagnon”, ça fait moins communiste.» Un troisième résume rondement : «Guy Môquet, c’est le pote de Sarkozy !» «Il l’utilise pour son propre profit», juge Clément. «Sarkozy a repris et déformé ses propos, il l’utilise pour justifier ses choix», pense aussi Lou, qui a «lu la lettre mais… il y a longtemps» et ne s’en souvient «pas bien».
Un type tend l’oreille : «Guy Môquet, ils en ont parlé à la Fête de l’Huma.» Une brunette tente son coup : «C’est un acteur ?» Mathilde s’approche, puis s’éclipse quand elle comprend qu’on évoque quelqu’un qu’elle ne connaît pas.
Paul, lui, est au courant. «Ma mère m’a donné la lettre à lire. Elle a jugé que c’était important.» Elle est conseillère conjugale et familiale. «Et elle vote PS», ajoute-t-il. Ceux qui savent qui est le nouveau héros du roman national l’ont souvent appris par leurs parents. Ou par la télé.
«Dégueulasse». Julia et Martine sont informées grâce aux médias. «Je ne vois pas l’intérêt de lire la lettre, les lycéens sont bien au courant», pense Martine. «Oui, mais on a su parce que Sarkozy a parlé de lui», lui dit Julia. «Et pourquoi est-ce qu’on ne lit que sa lettre à lui ? poursuit Martine. C’est un peu dégueulasse pour les autres, il y a eu tellement de déportés et de fusillés.» Tibère le connaît par sa grand-mère, une ancienne résistante dans la région lyonnaise. «Ça fait trois jours qu’elle me parle de cette lettre.» Il a l’air de prendre ça au sérieux. A côté de lui, Joseph, en terminale, s’énerve : «Mais pourquoi on parle pas des FTP-MOI ? Les immigrés qui se battaient pour la France. Tu sais l’Affiche rouge et Manouchian.» Les copains ont l’air d’accord : «Il n’y a pas que Guy Môquet. Maintenant les petits à l’école, ils sont obligés d’apprendre la Marseillaise !» Ils éclatent de rire.
Bonne ou mauvaise idée? que se cache derrière la lecture de cette lettre?
Richard dit:Je me demande pourquoi cette lettre est au programme...
En dehors du drame, je n'y vois qu'un faible contenu pédagogique.
J'espère que les profs iront au-delà et aborderont l'histoire de la résistance et de la collaboration.
C'est drôle, mais je viens de réaliser que j'ai eu la chance d'avoir des profs au collège qui avaient fait la résistance... (et d'autres la collaboration, forcément !)
xavo dit:Je trouve plutôt pas mal que les médias reparlent (en dehors d'Arte qui n'a jamais arrêté) de ces années là. Quelle image a-t-on de la guerre aujourd'hui ? Le cinema traite trop souvent ces moments sous l'angle de l'héroisme et du nationalisme. Les journalistes des grands médias sont impuissants pour nous informer de l'horreur des conflits actuels.
Cette période est loin, nos anciens qui l'ont vécue sont de moins en moins nombreux et j'ai tellement peur que l'oubli redonne du souffle aux va-t'en-guerre (voir l'exemple donné par l'humaniste docteur Kouchner).
Girafe dit:ben moi je vais y mettre mon grain de sel
y'a un excellent bouquin sur les femmes et la résistance
c'est par là
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ ... ance.shtml
c'est pour pas qu'on oublie que y'avait aussi des nanas, en dehors de lucie aubrac par exemple...qui ont fait beacoup
c'est un point de vue interessant non pour les profs ?
Leonidas300 dit:je peux pas m'empêcher de pense que si Jospin avait fait la même demande, les mêmes qui s'offusquent aujourd'hui aurait trouvé que c'est une très bonne idée de parler de cette période, et que les mêmes que ceux qui ne comprennent pas le refus des profs de lire la lettre aurait contesté l'intérêt pédagogique de la lettre, mis en avant que Guy Mocquet n'était pas tout à fait un résistant (mais juste un gamin qui distribuait des tracs pour le PC avant son arrrestation arbitraire et son assassinat), et crié à la manipulation idéologique dans les salles de cours.
Phil Goude dit:Leonidas300 dit:je peux pas m'empêcher de pense que si Jospin avait fait la même demande, les mêmes qui s'offusquent aujourd'hui aurait trouvé que c'est une très bonne idée de parler de cette période, et que les mêmes que ceux qui ne comprennent pas le refus des profs de lire la lettre aurait contesté l'intérêt pédagogique de la lettre, mis en avant que Guy Mocquet n'était pas tout à fait un résistant (mais juste un gamin qui distribuait des tracs pour le PC avant son arrrestation arbitraire et son assassinat), et crié à la manipulation idéologique dans les salles de cours.
C'est fort possible !!!
Phil Goude dit:Je plussoie Xavo... on a jamais autant parlé de la seconde mondiale depuis l'idée de lire cette lettre... Finalement, c'est pas une si mauvaise idée ! Les jeunes en parlent, et du coup un échange se crée entre les générations...
Jospin n’aurait probablement pa eu cette idée “bizarre”.
un article qui en dit long
en résumé “j’ai déjà lu la lettre pour emmerder Giscard, je la lirais pas pour emmerder Sarkozy”.
http://www.lemonde.fr/web/articleintera … 509,0.html
Je suis enseignant retraité depuis peu. Mais qu’aurais-je fait : lire ou pas lire ?
Je me souviens.
C’était en 1974-1975, Giscard, président “moderne”, “décontracté”, etc… avait décidé de supprimer la journée commémorative du 8 mai, au prétexte que c’était “vieux” et “démodé” pour une société qui allait de l’avant…
Au passage, il préconisait aussi de diminuer ou supprimer les cours de philo et d’histoire, pour alléger le programme de nos étudiants… Je venais de démarrer une carrière de professeur d’éducation culturelle dans un lycée agricole public. Je ne suis donc pas historien… J’ajoute “pas communiste” pour la suite de la lecture.
J’ai décidé de lire ou faire lire la lettre de Guy Môquet à ce moment-là car je trouvais ignoble et ridicule de supprimer de la mémoire de la nation un texte aussi poignant qui s’adressait aux lycéens : ils ont 17 ans.
Supprimer l’histoire, c’est supprimer la mémoire. Un peuple sans histoire est un peuple sans avenir ! (qui a dit cela ?).
Esprit de contradiction peut-être : aujourd’hui, je ne lirais pas la lettre de Guy Môquet parce qu’on ne répond pas aux injonctions d’un apprenti Berlusconi.
Il n’est pas dit que je n’organiserais pas une “sortie pédagogique” dans l’année à la carrière de Châteaubriant et que je ne ferais pas écouter à un moment ou un autre les lettres des condamnés lues par Mouloudji dans une édition discographique dont j’ai perdu les références.
Tout de même, Guy Môquet et les autres méritaient mieux que cette “récupération” politico-médiatique.
Cependant, proposer des réflexions et des pistes, donner à voir et à entendre, n’est-ce pas le travail éducatif de tout enseignant ?
Leonidas300 dit:C'était en 1974-1975, Giscard, président "moderne", "décontracté", etc... avait décidé de supprimer la journée commémorative du 8 mai, au prétexte que c'était "vieux" et "démodé" pour une société qui allait de l'avant...
Le même Giscard qui s'est mis à pleurer pendant le journal de Bruno Masure à l'idée que Mittérand allait faire défiler des soldats allemands de l'Euro-Corps sur les Champs Elysée le 14 juillet ?
Un bel hypocrite en somme.
"Camarade" contre "compagnon" : la guerre des mots
Le « camarade » des communistes a-t-il volontairement été remplacé par le « compagnon » des gaullistes ? Polémique dans la polémique, la question était hier sur toutes les lèvres à la lecture du libellé de l'hommage devant être rendu aujourd'hui au jeune fusillé. Dans le bulletin officiel envoyé aux lycées, le ministère de l'Éducation écrit : « 22 octobre : commémoration du souvenir de Guy Môquet et de ses 26 compagnons fusillés. » Or, les historiens rappellent que Guy Môquet parlait bel et bien de ses « camarades » dans ses lettres. L'intitulé « a toujours comporté le terme de compagnon », répond le ministère, qui suppose que le mot « camarade » n'a pas été retenu parce qu'il était « peut-être connoté ». Voire « ringard », selon Henri Guaino, qui a affirmé dans Libération n'avoir découvert la chose qu'« après coup ». Hier, ce sont bien Guy Môquet et ses « camarades » qui ont été honorés par le Parti communiste à Châteaubriant, lieu de leur exécution.
( Le figaro)
Maurice Druon : “Pourquoi je lirai cette lettre”
Propos recueillis par SOPHIE ROQUELLE.
Le Figaro Publié le 22 octobre 2007
Cette grande figure du gaullisme et de la Résistance sera, aujourd’hui, au lycée Michelet à Paris.
LE FIGARO. - La lecture de la lettre de Guy Môquet est-elle, selon vous, la meilleure façon de parler aux lycéens de la Résistance ?
Maurice DRUON. - Je ne sais pas si c’est la meilleure, mais c’est en tout cas une très bonne façon de rappeler aux lycéens d’aujourd’hui dans quels temps nous avons vécu. Ce qu’ont été la guerre et l’Occupation. Et de leur rappeler que de très jeunes gens ont été fusillés pour s’être opposés au nazisme.
Comprenez-vous que certains enseignants s’opposent à la lecture de cette lettre ?
Que veulent-ils exprimer en faisant cela ? C’est une lettre d’un garçon d’à peine dix-sept ans qui va mourir pour son pays. Il n’a d’ailleurs pas été le seul. On m’a récemment envoyé une lettre magnifique écrite pendant la guerre par un jeune homme sur le point d’être fusillé. Pourquoi s’y opposer ? Parce qu’il ne faut pas dire que nous avons été occupés de manière infâme ? Il ne faut pas dire qu’il y avait des résistants qui ont combattu cela ? Ou alors, est-ce contre le gouvernement ? Mais les professeurs sont des employés de l’État et ils doivent faire ce que le gouvernement leur demande.
Certains historiens contestent la célébration du martyre de Guy Môquet comme symbole de la Résistance…
Parce que c’est une affaire communiste ? Et alors ! Reportons-nous à l’époque : ce qui était important, c’était de résister. Ce n’était pas de savoir si l’on était communiste ou gaulliste. Il n’est pas inutile de rappeler, de temps en temps, à de très jeunes gens qui l’ont sans doute oublié ou qui ne l’ont jamais su que s’ils vivent aujourd’hui en République, c’est grâce à des garçons comme Guy Môquet.
Vous allez vous-même dans un lycée ce lundi lire le message d’adieu de Guy Môquet. Qu’allez-vous dire à ces lycéens ?
Je vais effectivement au lycée Michelet, à Paris, où j’ai fait mes études. Je ne leur dirai rien d’autre que la réalité : la France est un beau pays qui mérite d’être défendu, jusqu’à la mort.
Derrière les propos de Druon, on sent la volonté de revenir à la légende gaulliste de l’occupation et non de la collaboration…Légende abandonnée par jacques Chirac.
Maurice Druon dit:Mais les professeurs sont des employés de l’État et ils doivent faire ce que le gouvernement leur demande.
Cette phrase me fait un effet bizarre…Guy mocquet a été arrété par des policiers français, des employés de l’Etat qui ont obéi à cette injonction “de faire ce que le gouvernement leur demande”…
bertrand dit:Maurice Druon dit:Mais les professeurs sont des employés de l'État et ils doivent faire ce que le gouvernement leur demande.
Cette phrase me fait un effet bizarre...Guy mocquet a été arrété par des policiers français, des employés de l'Etat qui ont obéi à cette injonction "de faire ce que le gouvernement leur demande"...
c'est sûr que lire la lettre de Guy Mocquet peut être associé à de la collaboration avec l'occupant nazi pour assassiner des innocents.
La circulaire en question
D’autres textes sont proposés , en exemple, mais il me semble que les enseignants peuvent choisir n’importe quel texte de leur choix, en plus de la lecture de la lettre .
Leonidas300 dit:bertrand dit:Maurice Druon dit:Mais les professeurs sont des employés de l'État et ils doivent faire ce que le gouvernement leur demande.
Cette phrase me fait un effet bizarre...Guy mocquet a été arrété par des policiers français, des employés de l'Etat qui ont obéi à cette injonction "de faire ce que le gouvernement leur demande"...
c'est sûr que lire la lettre de Guy Mocquet peut être associé à de la collaboration avec l'occupant nazi pour assassiner des innocents.
ne me fait pas dire ce que je n'ai pas dit.
Mais puisse que tu vas par là, il est vrai que Druon a témoigné favorablement pour Papon lors de son procés...
Témoignage de Maurice Druon au procès Papon :
( Sud Ouest le 22/10/97)
Le témoin suivant est Maurice Druon, 79 ans, Secrétaire perpétuel de l'Académie Française, ancien ministre, ancien député et parlementaire européen, ancien engagé des Forces Françaises Libre.
Il avance, la canne sur le bras, et dépose longuement, comme un discours à l'Académie. Il rappelle d'abord que le jury d'honneur a reconnu les actes de résistance de Maurice Papon et ne tait pas une certaine ironie : « Je me demande si les membres du jury d'honneur et les témoins qui ont été entendus étaient des débiles mentaux, oublieux ou complaisants ! ».
Il se livre ensuite à un véritable plaidoyer en faveur de l'accusé et surtout à une virulente critique du procès qui lui est fait : « Comment le juger devant un jury populaire lorsque un jury de 35 millions de personnes a élu par deux fois un homme décoré de la Francisque et médaillé de la Résistance ? ». Le nom de François Mitterrand n'est jamais prononcé.
«Un français symbolique»
Maurice Druon précise qu'il n'a aucun lien particulier avec Maurice Papon qu'il a rencontré lorsqu'il était parlementaire et ministre mais témoigne de « rapports courtois, cordiaux, sans effusion. Il m'a toujours paru un homme très intelligent, très vif, efficace, froid et toujours patriote ».
Pendant la guerre, Maurice Druon était à Londres. Il affirme qu'avant le printemps 1945, on ne connaissait pas la solution finale :
« si on avait su, il n'y aurait pas eu de préfets et de sous-préfets pour signer les ordres de déportation, il y aurait eu moins de Juifs passifs, attendant qu'on vienne les arrêter, cousant leur étoile jaune sur leur vêtement, ils ne seraient pas restés là à attendre comme des groggys offerts aux sacrificateurs ». Un brouhaha monte dans la salle.
Maurice Druon refuse que l'on refasse le procès de Vichy : « Il a été fait à la Libération. On pensait alors que le chapitre noir était fermé et qu'il n'aurait pas à être rouvert sinon dans les livres d'histoire. Si on veut rechercher des coupables, en Allemagne, il y a assez d'anciens SS, de gestapistes à traduire devant la justice comme des lois européens le permettent ». Il assure, en effet, que ce procès profitera seulement à l'Allemagne : « Si l'on se met à condamner un français symbolique, il leur sera facile de dire : on est tous pareils, les Français sont aussi moches que nous, il y aura une dissolution de la responsabilité , de la culpabilité, c'est pour celà que je suis venu devant vous ». Il ajoute :
« Il y a un paradoxe de voir les fils des victimes devenir les alliés objectifs des fils des bourreaux ».
Un murmure d'indignation ponctue son propos. Me Jacob, de sa voix éraillée, n'accepte pas qu'en fils de résistant juif, on en fasse un complice des bourreaux.
Maurice Papon qui tient toujours sa tête posée sur sa main gauche a la parole en dernier. Sa voix est faible :
« J'observe toujours une dérive pour engager le procès du général De Gaulle. Je partage la véhémence de Maurice Druon, je me sens en bonne compagnie ».
La position du Snes
Une note de service du ministre, parue au B.O du 30 Août 2007 précise les nouvelles modalités de lecture de la lettre de Guy Môquet.
Celle-ci est prévue le 22 octobre, jour de la commémoration de la mort de Guy Môquet, faite par le chef de l’Etat. Tous les lycéens de France seront en « communion » avec le Président à cette occasion, qui sera, on peut le prévoir, un grand moment médiatique.
Sans revenir sur le détournement décomplexé qui est fait de l’engagement résistant du jeune communiste, l’instrumentalisation de l’histoire a largement été soulignée.
Au-delà de cette seule question, comment accepter que l’école devienne le lieu de création factice d’une Union Sacrée, a-critique par le biais d’une cérémonie commandée ?
On peut concevoir qu’il soit possible de contextualiser, de tirer partie de l’injonction pour faire venir un intervenant, etc. Ce qui signifie quand même qu’on accepte d’arrêter séance tenante tout ce qu’on est en train de faire pour consacrer son cours au sujet choisi par le président. Au passage, bien des profs d’histoire se demandent comment ils vont contextualiser sérieusement cette lettre en dehors du chapitre consacré à la France pendant la guerre et à la Résistance.
Mais à combien d’autres commémorations faudra-t-il ensuite se plier ?
Certains ont déjà pris leur décision : ils ne liront pas la lettre ce jour là.
La circulaire ne nous oblige en rien à participer, aucun prof n’est sommé de lire la lettre. Avec eux c’est mieux, mais en cas de « résistance », on peut faire sans. D’une manière ou d’une autre, il faudra se positionner : se taire, ou dire aux élèves ce qu’on en pense, ou les faire débattre sur le sens de cette journée. On pourrait alors être tentés de prendre les élèves à témoin des contradictions et des dérives de l’Exécutif, ce qui interroge notre souci de neutralité ou d’objectivité par rapport à une situation politique. Car c’est bien de politique qu’il s’agit.
Peut-on prendre le risque que la journée transforme le lycée en arène politique ?
Face à cette situation inédite, une autre position tenable : le refus collectif de l’équipe éducative
Elle a l’intérêt d’éviter le positionnement politique en classe et donc se justifie par notre déontologie professionnelle. Un rapport de l’inspection générale de 1998 a d’ailleurs dénoncé le « zapping commémoratif » comme contre productif.
Il n’est pas défendable de fonder l’enseignement sur le recours à l’émotion, ni d’obéir sans condition à une prescription présidentielle, venant perturber une progression pédagogique construite selon une logique précise s’inscrivant dans le respect des programmes.
Le SNES ne peut cautionner cette entreprise commémorative décidée par le seul chef de l’exécutif. Il n’accepte pas que les enseignants y soient associés malgré eux, ne serait-ce qu’en suspendant leurs cours pour accompagner les élèves à une cérémonie qui aurait lieu dans l’établissement.
Il appelle l’ensemble de la communauté éducative des établissements concernés à construire collectivement ce refus, à l’expliciter auprès des parents d’élèves, afin de lever tout malentendu.
Il soutiendra toutes les démarches collectives allant dans ce sens.
[au lycée Bertran de Born de Périgueux] le ministre a estimé que la lecture serait faite dans la majorité des cas, tout en rappelant qu’il ne s’agissait pas d’une obligation. Il a annoncé que des chiffres seraient donnés dans la journée par son ministère.
Dans l’ancienne chapelle du lycée, deux résistants ont replacé la mort de Guy Môquet dans le contexte historique avant la lecture de la lettre par le ministre. Léon Lichtenberg, militant communiste de 82 ans, a rappelé que c’est le gouvernement de Vichy qui a établi la liste des fusillés de Châteaubriant. “Je n’ai pas à apprécier les décisions qui viennent d’en haut, mais à assumer mon devoir de résistant et de patriote”, a-t-il dit.
Auparavant, Ralph Finckler, 81 ans, s’est interrogé: “que serait-il arrivé s’il n’y avait pas eu le combat et le sacrifice de milliers de Guy Môquet?” Il a affirmé aux lycéens que “leur bien le plus précieux est la liberté” et qu’ils allaient devoir “devenir à leur tour les passeurs de mémoire”.
( Sources: Associated Press)
J’ai entendu dire qu’un psychologue était opposé à la lecture de la lettre car elle pourrait engendrer des suicides chez les ados… Personnellement, j’avais en effet trouvé qu’elle faisait l’apologie de “soyez forts, n’ayez pas peur de mourir”… et je ne serais donc pas surprise que le psy ait raison…
Comme d’autres, je trouve que le contenu “historique” de la lettre est faible (il vaudrait mieux étudier son côté “littéraire”). Elle a cependant l’avantage de permettre de parler cette période… qui cependant a ma connaissance fait déjà partie du programme de Terminale…
Après, l’obligation de lire cette lettre… On en revient toujours et encore à l’ingérance sans fin de notre cher président… Mais je suis aussi d’accord pour admettre que si quelqu’un de gauche avait demandé la même lecture, ça aurait posé moins de problèmes… Mais il n’est pas sûr que cette personne aurait “osé” demander cette lecture…
Quant à Maurice Druon… je n’ai pas vécu (merci) la période et je ne suis pas une grande adepte de mes leçons d’histoire… donc je ne referai pas le procès Papon mais… je dois avouer que chercher systématiquement des responsabilités individuelles m’inquiète car c’est souvent le procès d’un système… (vous savez, dans une assoc, c’est aussi toujours le président qui va en taule… pas forcément ceux qui sont à l’origine des problèmes…). Bref, j’ai tendance à trouver la chanson de Goldman criante de vérité…
Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d’un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j’avais été allemand ?
Bercé d’humiliation, de haine et d’ignorance
Nourri de rêves de revanche
Aurais-je été de ces improbables consciences
Larmes au milieu d’un torrent
bertrand dit:Maurice Druon dit:Mais les professeurs sont des employés de l'État et ils doivent faire ce que le gouvernement leur demande.
J'ai entendu Maurice dire le contraire ce matin sur France Info
Krka dit:bertrand dit:Maurice Druon dit:Mais les professeurs sont des employés de l'État et ils doivent faire ce que le gouvernement leur demande.
J'ai entendu Maurice dire le contraire ce matin sur France Info
Sources: Le Figaro. j'ai pointé l'entretien en ligne.
Maintenant il a le droit de changer d'avis d'autant plus que Xavier Darcos a lui même affirmé aujourd'hui que la lecture de la lettre n'avait rien d'obligatoire.