Captain Blackadder dit:Ce sujet très intéressant m'amène à vous poser une question. Si on considère que la forme finale de la création ludique est la partie en elle-même, et non pas le jeu (règles et matériel), ne peut-on pas dire que les joueurs sont les auteurs du jeu/partie (le même mot game en anglais) et les créateurs de jeu les facteurs des instruments permettant cette création immatérielle ? L'analogie avec les musiciens et luthiers/facteurs d'instruments est parlante à mon avis. Il faut d'indéniables qualités artistiques et créatives pour fabriquer un instrument, mais in fine la forme finale est la musique. Qu'en pensez-vous ? Edmond
On avait déjà abordé ce point dans une vieille discussion où j'étais intervenu à l'époque. Les joueurs ne peuvent être auteurs de la partie en ce que justement, cette dernière est une création immatérielle qui ne trouve de consistance que dans l'oeuvre matérialisée, support du jeu.
C'est exactement le même principe que pour toute oeuvre de représentation ou de reproduction qui demande une certaine "participation" du public : livre dont vous êtes le héros, spectacle qui fait participer le public ...
Je comprends ton argument mais en même temps la musique ou la danse c’est immatériel aussi non? Enfin si ce sujet a déjà été abordé dans un autre thread je ne vais pas polluer davantage celui-ci plus “administratif”
Captain Blackadder dit:Je comprends ton argument mais en même temps la musique ou la danse c'est immatériel aussi non? Enfin si ce sujet a déjà été abordé dans un autre thread je ne vais pas polluer davantage celui-ci plus "administratif" Edmond
Oui, et pour reprendre mon exemple un peu plus haut, aux echecs, on parle de certaines parties comme des créations d'artistes, et des ouvrages de compilation de parties se vendent ( il y a eu je crois quelques problèmes juridiques d'ailleurs car des sites publiaient les coups de parties sans l'accord des joueurs) mais les joueurs ne peuvent pas bien sur être considérés comme des auteurs de jeu, ou comme participant à la création du jeu. Il sont les créateurs d'un oeuvre immatérielle à partir d'un jeu.
Captain Blackadder dit:Ce sujet très intéressant m'amène à vous poser une question. Si on considère que la forme finale de la création ludique est la partie en elle-même, et non pas le jeu (règles et matériel), ne peut-on pas dire que les joueurs sont les auteurs du jeu/partie (le même mot game en anglais) et les créateurs de jeu les facteurs des instruments permettant cette création immatérielle ? L'analogie avec les musiciens et luthiers/facteurs d'instruments est parlante à mon avis. Il faut d'indéniables qualités artistiques et créatives pour fabriquer un instrument, mais in fine la forme finale est la musique. Qu'en pensez-vous ? Edmond
Non, l'auteur d'un jeu, c'est le créateur, pas le joueur. L'auteur, c'est le créateur d'une oeuvre, qu'elle soit immatérielle (un morceau de musique) ou matérielle (un tableau... ou un jeu !). Parce que si tu dis que les joueurs, c'est à dire les utilisateurs de l'oeuvre créée, sont des auteurs, ça voudrait dire que tous ceux qui écoutent un disque, qui regardent un tableau ou qui jouent à un jeu vidéo sont des auteurs !
Je suis joueur mais je n'ai jamais conçu un jeu et je ne me considère absolumment pas comme un créateur.
Jean-Francois dit:Quitte à pousser le bouchon un peu loin, je me demande même si le fait qu'il y ait un nom d'auteur affiché ne nuit pas au jeu (en grande surface), les acheteurs potentiels se disant quelque chose du genre "ça doit être compliqué, car ils ont eu besoin d'un auteur pour le faire". Un peu comme la nuance cinéma grand public, cinéma d'auteur...
Je ne pense pas qu'il y ait ce "niveau de réflexion"... Un nom d'auteur est quand même a priori plutôt rassurant. Auteur ne signifie tout de même pas compliqué, même pour le "grand public". Typiquement, dans le jeu vidéo, est-ce qu'on penserait que le jeu est plus compliqué parce qu'il est réalisé par un auteur ?
Sur le probleme fiscal, il existe une procédure dont j’ai oublié le nom qui vise à demander à Bercy de trancher définitivement sur un sujet (Thot doit connaitre le terme je pense). Par contre je ne connais pas les modalités de mise en oeuvre. Je pense avoir vu une bonne idée : Creation d’une structure (Sarl, Association) qui percoit les honoraires pour les auteurs et les redistribue. Ca ressemble à du portage. Enfin, pourquoi pas le portage directement ? Ca coute cher, mais c’est faisable assez vite et de façon individuelle.
Non, l’auteur d’un jeu, c’est le créateur, pas le joueur. L’auteur, c’est le créateur d’une oeuvre, qu’elle soit immatérielle (un morceau de musique) ou matérielle (un tableau… ou un jeu !). Parce que si tu dis que les joueurs, c’est à dire les utilisateurs de l’oeuvre créée, sont des auteurs, ça voudrait dire que tous ceux qui écoutent un disque, qui regardent un tableau ou qui jouent à un jeu vidéo sont des auteurs !
Je suis joueur mais je n’ai jamais conçu un jeu et je ne me considère absolumment pas comme un créateur.
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Il ne faut pas oublier un détail capital. C’est que le droit d’auteur ne s’applique que pour une oeuvre originale, ce qui implique un effort certain de créativité, ce qui exclut nécessairement les utilisateurs “passifs” (même si les joueurs sont plus actifis que le mélomane ou le téléspectateur.
ludocortex dit:Sur le probleme fiscal, il existe une procédure dont j'ai oublié le nom qui vise à demander à Bercy de trancher définitivement sur un sujet (Thot doit connaitre le terme je pense). Par contre je ne connais pas les modalités de mise en oeuvre. Je pense avoir vu une bonne idée : Creation d'une structure (Sarl, Association) qui percoit les honoraires pour les auteurs et les redistribue. Ca ressemble à du portage. Enfin, pourquoi pas le portage directement ? Ca coute cher, mais c'est faisable assez vite et de façon individuelle.
Au niveau fiscal, la situation n'est pas claire. Le problème vient que l'activité de créateur de jeu de société ne rapporte en général pas encore assez pour qu'il y ait un statut bien défini.
Après, il est toujours possible d'envisager plusieurs montages juridiques différents (association, société ...) pour tenter de trouver une solution intéressante mais cela demande évidemment réflexion.
Jean-Francois dit:Quitte à pousser le bouchon un peu loin, je me demande même si le fait qu'il y ait un nom d'auteur affiché ne nuit pas au jeu (en grande surface), les acheteurs potentiels se disant quelque chose du genre "ça doit être compliqué, car ils ont eu besoin d'un auteur pour le faire". Un peu comme la nuance cinéma grand public, cinéma d'auteur...
Je ne pense pas qu'il y ait ce "niveau de réflexion"... Un nom d'auteur est quand même a priori plutôt rassurant. Auteur ne signifie tout de même pas compliqué, même pour le "grand public". Typiquement, dans le jeu vidéo, est-ce qu'on penserait que le jeu est plus compliqué parce qu'il est réalisé par un auteur ?
J'avais dis en poussant un peu...
Cela dit, je ne suis pas sure que l'exemple du jeu vidéo soit bon, car ils sont l'oeuvre d'une équipe, pas d'un seul auteur, même si parfois un nom ressort (C'est quand même rare). Mais je pense qu'un certain nombre de "studios" créateurs de jeux, commencent à être connus, y compris en France. Il faut dire que eux, ils mettent tous bien leur logo sur toutes les boîtes
En matière de jeu vidéo, le problème ne se pose pas dans les mêmes termes puisque les auteurs, personnes humaines, sont bien souvent salariés de la société. Hors, en la matière, l’auteur juridiquement parlant est l’employeur des auteurs, personnes physiques, ce qui explique que leurs noms n’apparaissent pas ou alors en très petit dans le livret d’accompagnement.
Pour un jeu de société, ce pourrait être le même principe si un éditeur salariait des auteurs de jeu. Mais évidemment, on en est bien loin, les deux marchés ne répondant pas aux mêmes critères économiques.
Richard dit:La reconnaissance d’un statut pour les auteurs de jeux ne se limitent pas au fiscal. Je dirais même que la reconnaissance fiscale ne verra le jour que si le statut d’auteur de jeu est reconnu socialement.
Même si cela ne figure pas explicitement dans le Code des Impôts, il y a bien “reconnaissance” des auteurs de jeux, puisque au niveau fiscal on considère les oeuvres de l’esprit au sens large. Elles sont remunérées par des droits d’auteur, et taxables à l’impot sur le revenu dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux - BNC- (art 92 du CGI). D’une manière générale, relèvent des BNC tous les revenus qui ne sont pas des salaires ni des Bénéfices Industriels et Commerciaux.
kirk hammett dit:Même si cela ne figure pas explicitement dans le Code des Impôts, il y a bien "reconnaissance" des auteurs de jeux, puisque au niveau fiscal on considère les oeuvres de l'esprit au sens large. Elles sont remunérées par des droits d'auteur, et taxables à l'impot sur le revenu dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux - BNC- (art 92 du CGI). D'une manière générale, relèvent des BNC tous les revenus qui ne sont pas des salaires ni des Bénéfices Industriels et Commerciaux.
Non, c'est plus compliqué que ça. Moi, je suis auteur, intégralement payé en droits d'auteur (qu'il s'agisse de primes de commande en amont ou de droits de diffusion en aval), et ce "statut" m'assimile aux "Traitements et salaires" (dont l'intitulé complet est : "Traitements, salaires et droits d'auteur"). Tu peux opter pour les BNC, en effet, mais tu as normalement le droit de te déclarer en T&S. Tu cites l'article 92, mais il y en a d'autres, plus spécifiques, qui abordent le sujet (même s'ils restent relativement flous, et c'est ce qui pose souvent problème). Autre chose : s'il est fait mention, même rapidement, de mon activité (la traduction audiovisuelle) dans les textes, je n'ai jamais rien lu sur les auteurs de jeux. Pour eux, le problème est encore plus aigu que dans ma branche, où nous ne sommes déjà pas très nombreux : c'est un groupe très restreint, dont le fisc soupçonne à peine l'existence.
kirk hammett dit: Sauf que les TS, ce n'est valable que pour les dts d'auteur des écrivains et les compositeurs, sinon c'est BNC ... pour les autres activités.
Non, ça concerne aussi d'autres professions. Ou plus exactement, la notion d'écrivain a un sens assez large (= auteurs d'oeuvres de l'esprit, ce qui pourrait concerner les auteurs de jeux, pourquoi pas).
Extrait de la documentation Francis Lefebvre : "Les droits d'auteur perçus par les écrivains et compositeurs sont soumis à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires (...). La notion d'écrivain s'applique à tout auteur d'un texte quel que soit le mode de diffusion (livre, cassette, CD-ROM, réseau câblé...). Sont notamment concernés les auteurs ou adaptateurs de scénarios, dialogues et doublages, les traducteurs de dialogues et les auteurs de sous-titrages, les auteurs de bandes dessinées." Etc.
kirk hammett dit:Vrai si les dts d'auteur sont intégralement déclarés par des tiers. En outre, le concepteur d'un jeu ne crée pas - à part la règle on est d'accord - de texte à proprement parler... donc BNC. On est d'accord, on parle bien ici du statut de créateur de jeux (notez que volontairement je ne dis pas auteur de jeux)
Simple curiosité (aucune agressivité dans ma question) : tu es fiscaliste ? Mon avis sur la notion d'auteur en matière de JdS n'est pas aussi tranché que le tien. Il y a quand même un texte (la règle), avec une forte notion de création (un univers, éventuellement une "histoire ", en général une unité esthétique). Par ailleurs, moi, je ne suis "que" traducteur (donc je pars d'un texte original et ne fait pas véritablement un travail de création pure), et pourtant j'ai le statut (fiscal et social) d'auteur. Même chose pour les chorégraphes, par exemple, (chez qui la notion de texte est carrément absente). Je pense que les créateurs de jeu pourraient avancer des arguments recevables pour revendiquer le statut d'auteur. Le leur reconnaîtrait-on, ça, c'est une autre question...
kirk hammett dit:Vrai si les dts d'auteur sont intégralement déclarés par des tiers.
Je n'ai jamais vraiment compris ce que ça voulait dire exactement. Dans quel cas les DA sont-ils intégralement déclarés par un tiers ? C'est bien l'écrivain qui déclare ses revenus à l'administration fiscale, pas son éditeur. Cela signifie-t-il seulement que les deux parties les déclarent chacune de leur côté ?
Sylvano dit: Simple curiosité (aucune agressivité dans ma question) : tu es fiscaliste ?
Disons que je m'y entends assez ...
Sylvano dit: Mon avis sur la notion d'auteur en matière de JdS n'est pas aussi tranché que le tien. Il y a quand même un texte (la règle), avec une forte notion de création (un univers, éventuellement une "histoire ", en général une unité esthétique). Par ailleurs, moi, je ne suis "que" traducteur (donc je pars d'un texte original et ne fait pas véritablement un travail de création pure), et pourtant j'ai le statut (fiscal et social) d'auteur. Même chose pour les chorégraphes, par exemple, (chez qui la notion de texte est carrément absente). Je pense que les créateurs de jeu pourraient avancer des arguments recevables pour revendiquer le statut d'auteur. Le leur reconnaîtrait-on, ça, c'est une autre question...
Bon, il y a les textes, après il y a une certaine tolérance. Et je ne pense pas que l'on refusera à un créateur de jeux de déclarer ses revenus en salaires, dans la mesure ou je pense que le régime fiscal des BNC lui est plus favorable (possibilité de déduire les frais ou abattement forfaitaire).
kirk hammett dit:Vrai si les dts d'auteur sont intégralement déclarés par des tiers.
Sylvano dit: Je n'ai jamais vraiment compris ce que ça voulait dire exactement. Dans quel cas les DA sont-ils intégralement déclarés par un tiers ? C'est bien l'écrivain qui déclare ses revenus à l'administration fiscale, pas son éditeur. Cela signifie-t-il seulement que les deux parties les déclarent chacune de leur côté ?
Il y a derrière l'idée de subordination : certaines professions sont obligées de passer par des organismes (SACEM par ex), d'autres sont totalement indépendantes. Je ne m'étendrais pas plus, on est sur un forum de jeux, mais c'est clair qu'en matière de fiscalité les choses ne sont pas simples...
kirk hammett dit: je pense que le régime fiscal des BNC lui est plus favorable (possibilité de déduire les frais ou abattement forfaitaire).
Mmmm, oui, s'il a beaucoup de frais (je ne me rends pas compte, mais ça ne doit pas attendre le niveau des professions libérales classiques : médecins, avocats, etc.) et s'il échappe à la Taxe Professionnelle. Sinon, la différence avec les T&S ne doit pas être si criante.
kirk hammett dit: Je ne m'étendrais pas plus, on est sur un forum de jeux, mais c'est clair qu'en matière de fiscalité les choses ne sont pas simples...
En même temps, je pense que ces aspects peuvent intéresser les créateurs de jeux qui traînent par ici. Peut-être que ce post aurait plus sa place dans la rubrique Création, c'est vrai. Cela dit, la question de la nature du jeu (oeuvre ou pas ?) qui est derrière n'est pas inintéressante non plus.
Je reviens sur le sujet du statut fiscal des auteurs de jeux.
La question a été posée en 2004 au ministre qui a statué :
Les auteurs de jeux de société peuvent prétendre au bénéfice des Traitements et Salaires à la condition d’établir qu’ils ont fait oeuvre d’écrivain, c’est-à-dire rédigé un texte caractérisé par une originalité particulière, un style et une certaine complexité. Si cette qualité ne peut être reconnue aux auteurs de jeux qui, en dehors des éléments physiques, élaborent des textes présentés comme une succession d’instructions, elle est susceptible de s’appliquer à ceux qui, par l’importance et la richesse des éléments de contexte annexés à la règle ou par l’existence d’un scénario, donnent à leur création le caractère d’une oeuvre écrite originale.