bigsam dit:De manière générale, ceux qu'on appelait les "intellectuels de gauche" sont assez nombreux à être un peu désorientés : un article de Libé sur le sujet
De manière générale, et quitte à sortir des clous, je trouve cela finalement assez stimulant. Traditionnellement les intellectuels étaient plus assimilés à la gauche (avec d'honorables et notables exceptions, Aron, etc.) en général (et je ne ferai pas de distingo ici entre cocos et sociaux-traîtres) parce que celle-ci était censée incarner, historiquement (à tort ou à raison, ce n'est pas l'objet ici), le mouvement, le changement, le refus de l'ordre établi, du "c'est comme ça et il n'y a pas de raison que ça change", dee l'égoîsme et de l'intérêt bien compris, etc. Et l'intello, incarnant l'érosion de la raison sur l'immobile rocher de la tradition, semblait naturellement aller vers la gauche.
Cela change. D'abord les vieux intellos... vieillissent. On ne voit pas les mêmes choses à 60 ans qu'à 25, ce n'est pas un scoop. Debray est passé des geôles de Bolivie aux caves du Vatican; Glucksmann de Mao à Sharon. Chacun nombrilise son identité et s'accorde à croire plus aux "forces de l'esprit" qu'à l'effet d'une manif. Ensuite la gauche classique s'encroûte; elle devient tradi - tout autant que la gauche agit-prop d'ailleurs. Je ne crois pas que Besancenot et son profil de pouvoir jeune soit moins coincé dans son dogme que ses prédecesseurs ou les sociaux-traîtres. Ils sont tous issus d'un monde où l'on existait par son emploi, où l'on consommait pour exister, où l'on gaspillait pour jouir. Ils sont vraisemblement en décalage avec le monde d'aujourd'hui et de demain et ne semblent pas vouloir évoluer. Que l'on nous ressorte dans le programme du PS que l'emploi reviendra avec la croissance, on l'entend depuis trente ans. On sait que ce n'est pas suffisant et qu'on ne le maîtrise pas, et que donc on ne peut fonder la société sur l'emploi, mais ils continuent à y croire comme en la croissance éternelle - surtout ne pas se poser de questions.
En face de cela on a Sarkouille la fripouille qui rue dans les brancards, s'aligne sur Bush, qui brûle ce qu'il a adoré et adore ce qu'il a brûlé. Un peu genre Chirac 95, dans le style mangez des pommes pour réduire la fracture sociale. On sait ce qui se profile derrière l'énergumène : plus pour ceux qui ont plus, la "liberté de travailler" (soit "d'accepter" les heures supplémentaires que le gentil patron "proposera" à l'ouvrier feignant par nature - parce que s'il n'était pas feignant il aurait investi ses économies dans sa propre entreprise et créerait de la richesse et enverrait ses enfants dans un école de commerce); j'en passe.
Mais les intellos ont l'impression que le changement, la rupture, est plus avec Sarko qu'avec Ségo. Ils n'ont peut-être pas tort, même si ce n'est pas le changement dans le sens que je préfère. Si l'intello doit être assimilé à la remise en question, il sera plus proche de Sarko - à ce niveau de la campagne en tout cas, qui reste bas. C'est le vieux fond révolutionnaire, coup de pied dans la fourmilière, même si ce n'est plus celle des nantis mais celle des salauds d'assistés et de leurs droits acquis.
Je ne dis pas que j'approuve, mais tout ces ralliements sont une bonne claque à la gauche-belle-au-bois-dormant, qui a oublié que "la tradition, ce n'est pas veiller sur les cendres mais entretenir la flamme", comme disait... Jaurès. Et si elle ne se réveille pas, tant pis pour elle. On perd comme on joue, minablement ou avec panache.