Bonjour,
J’ai regardé les règles que tu as envoyé (je me permets de répondre ici, si ça te pose un pb, j’éditerais ma réponse).
Sur les mécanismes propres du jeu, je ne vais pas trop en parler vu que cela me semble plutôt bien huilé (à voir avec les cartes et en parties).
Pour commencer, je vous conseille de faire défiler les cartes historiques présentes sur euratlas (http://www.euratlas.net/AHP/ruban2.htm). Prenez les grandes cartes. Ce n’est pas le top comme atlas historique, mais tout le monde pourra suivre.
Pour ce qui est du thème, je confirme donc ce que j’avais écrit plus haut sur l’appellation “empires médiévaux”.
Je développe un peu (je ne structure pas trop, on est sur un forum quand même !)
L’idée d’empire, tout d’abord, renvoie au moyen age à une construction intellectuelle héritée de l’Empire romain. Le monde médiéval est animé par ce fantasme de l’empire, qui avait pu apporter une uniformisation des cultures, une période de paix, un age d’or commercial, une époque qui a accueilli et favorisé la christianisation du monde. L’empire se veut une réalisation universelle et éternelle. Le monde médiéval est empli de références à l’Empire romain ; Charlemagne qui cherche à le ressusciter dans une forme syncrétique d’avec la culture franque, les Papes qui choisissent comme attribut la même orbe (au sommet de leur tiare) que celle des empereurs romains pour rappeler qu’ils sont aussi revêtus de la dignité impériale, et donc appelés à avoir un message universel, les seigneurs les plus quelconques vont jusqu’à appeler leur lieu de résidence palais en référence au Palatin, lieu de résidence des “empereurs” romains à partir d’Auguste… A l’époque, l’idée d’empire existe toujours, mais c’est un idéal. L’empereur du SERG ou le Pape en dépit d’épisodes bien précis ne parviennent pas à s’affirmer en leaders politiques, universellement reconnus dans la légitimité et la souveraineté qu’avaient les “empereurs” romains et qu’auront les empereurs à venir. Ceci tient essentiellement au fait que leur autorité ne s’appuie pas sur un Etat, donc ne s’appuie pas sur une administration.
Parler d’empire me fait d’autant plus tiquer que l’Italie est présente dans les puissances jouables. (Tiens, “puissances médiévales” ça te dit ?). L’Italie est dans une construction politique organisée autour d’anciens noyaux romains (des civitae) ou de nouvelles formes urbaines souvent développées autour d’une activité commerciale (des emporia). On a une forme d’organisation politique très atomisée, à l’opposé même de l’idée d’empire. La seule exception dans ta période est le royaume de Sicile mais cela tient au fiat qu’il s’agit d’une construction normande (donc issue d’un modèle politique différent). En tous cas, l’Italie n’est pas un empire, n’est pas un royaume, dans son ensemble, la péninsule aspire à l’hégémonie de sa propre cité : l’Italie est encore une mosaïque politique aussi instable que du vif argent dans une coupelle d’eau. Dans le descriptif page 1 de la règle, tu parles de royaumes émergents. C’est faux pour l’Italie.
Le propos précédent est également valable je pense pour la Germanie qui partage le même éclatement politique (Allemagne et Italie sont des constructions politiques jeunes, du 19ième). C’est peut-être plus pertinent du coup de changer avec l’Autriche.
France, Castille, Angleterre sont par contre pertinentes comme puissances cherchant à se développer.
Tu dis que tu veux faire un jeu où :
“Chaque joueur contrôle un des royaumes qui va émerger à la fin du Moyen Age : Angleterre, France, Castille, Germanie et Italie. Le jeu dure 7 tours, et correspond à la période 1080-1500. Les joueurs vont devoir optimiser leurs actions en appliquant différentes stratégies (Diplomatie, Arts, Commerce, Développement, Militaire, Religion, Politique, Production) afin que leurs royaumes soient les plus prestigieux à la fin du jeu.” A la fin du moyen âge, la “Germanie” et “l’Italie” n’ont pas spécialement émergé AMA. Je pense que le problème est que tu veux faire de ces “royaumes” des états au sens moderne et contemporain. A l’époque, le pouvoir est personnel, le système féodal se construit autour de liens interpersonnels. La logique d’organisation et les luttes de pouvoir se comprennent bien mieux en terme de personnes et plus exactement de maisons qu’en terme de nation (cela n’existe pas encore). Au sein d’un même territoire, des maisons s’affrontent pour le pouvoir économique, religieux, commercial ou encore politique. Les affrontements peuvent prendre des formes guerrières ou encore artistiques, mais la frontière entre deux puissances passe par l’appartenance des hommes plus que par une ligne entre des espaces. Deux exemples me viennent en tête ; la fin du 14ième est marquée en Champagne par des jacqueries notables et des luttes violentes de pouvoir à Chalons et à Reims ; toute cette agitation qui culmine entre 1380 et 1390 est alimentée par la rivalité entre la maison d’Armagnac et les Bourguignons ; les armagnac tiennent les comtes de Champagne et le commerce, les bourguignons tiennent le clergé et les campagnes. Très souvent, l’époque médiévale intègre dans la géopolitique entre royaumes une dimension locale incontournable. Autre exemple, Othon IV de Brunswick, empereur du SERG à la toute fin du 12ième siècle est culturellement un… anglais. Richard Cœur de Lion a pour langue maternelle le français, c’est un aquitain. Même si je déborde de ton époque, Charles Quint ne parlais ni l’espagnol ni l’allemand mais le français car c’est un bourguignon ! La logique de l’époque est l’affrontement de familles qui cherchent à prendre possession de territoires (de fiefs) à coup d’infiltration commerciale, de conquête militaire (assez rarement), d’héritage (le plus souvent) par des unions et des alliances. Les princes de l’époques sont guidés par le souci de la réussite propre et de celle de leur famille au delà même de celle de leur royaume. Regarde ne serait-ce que sur wikipédia les différents titres que porte un prince de cette époque. Je reviens à mon othon iv qui commence par être comte du Poitou (kdo de Richard cœur de lion), il est ensuite successivement duc d’aquitaine, duc de souabe et empereur du serg. Il travaille avant tout pour sa maison les brunswick et contre les hohenstaffen, sa maison rivale. Ce sont ces personnes qui animent l’époque plus que les royaumes ne sont animés d’une propre vie ou logique. Cet aspect “maison” n’apparait pas dans ton et je pense qu’il est l’un des éléments les plus structurants pour cette époque.
Tout ça dépend après de ce que tu veux faire en terme de simulation ; veux-tu une simulation qui aboutisse à un situation finale historiquement vraisemblable (càd proche de ce qui est arrivé) ou une émulation qui conduit d’une situation de départ à ce que le meilleur gagne ? Est-ce que tu veux vraiment faire quelque chose d’historique (et alors là bon courage, parce que les historiens les plus au fait n’en sont qu’à une connaissance approchante de la réalité) ?
AMA et je vais m’arrêter là car il y a plein de choses à dire encore, je pense qu’il vaudrait mieux que tu restes dans l’optique actuelle pour ton jeu et ce pour plusieurs raisons :
1. tu as visiblement vachement avancé sur le jeu ; le changer pour entrer dans une logique plus médiévale au point de vue politique, revendrait un peu à tout bouleverser, ce qui serait dommage car je trouve, considérations historiques à part, ton jeu plutôt séduisant.
2. la plupart des joueurs/gens s’en foutent pas mal de la pseudo-réalité historique, soit parce qu’ils s’en foutent sur le fond soient qu’ils considèrent que ce n’est qu’un point de vue qui sera remis en cause dans 15 ou 20 ans soient encore qu’ils s’intéressent davantage au plaisir de jouer, d’élaborer des stratégies et de gagner qu’à recréer parfaitement tel ou tel environnement
3. je doute enfin qu’une vraie simulation de l’affirmation politique de certaines entités ouest-européenne soit jouable ou plaisante à jouer.