Quantité vs qualité - Quand la qualité ne se justifie plus par la complexité

Il faut un peu (voire beaucoup en fait) de tout pour faire un monde ludique.

J’aime bien les derniers posts de Harry Cover et Ara Qui Rit (notamment).

Est-on élitiste ou prétentieux parce qu’on joue à des jeux “complexes” genre Lacerda (la référence la plus facile) ? Non.
Parce qu’on se vante de ne faire que ça ? Peut-être, et encore faut-il aussi admettre que certain(e)s joueurs ou joueuses peuvent n’apprécier que ce style de jeux (il y a bien des gens qui n’aiment au cinéma que les comédies musicales et je ne dis pas ça pour fustiger ce genre).

Perso, à la maison, on défend l’idée de la “versatilité” de la ludothèque avec des titres qui vont de Kingdomino à On Mars. Oui, le premier est plus facile à reprendre si on n’y a pas joué depuis longtemps que le second… Mais ce serait comme reprocher à des skis de glisser sur la neige (je m’égare un peu…).
Honnêtement, je trouve l’époque ludique plutôt riche. Je me demande même si l’essor que connaît le marché avec profusion de familial ou familial+ n’aide pas en fait des éditeurs à sortir des titres plus “niche” ou d’autres éditeurs à se spécialiser, la base des ludistes potentiels augmentant.

Personnellement, je ne peux constater que j’aime les jeux complexes (feudum et Mage knigth sont tout en haut de ma liste de jeux préférés). Cependant, ce n’est pas la complexité qui est pour moi un critère… du moins pas pris isolément.

J’avais fait un post sur l’imbrication thème/mécanique et pour moi c’est ça qui change tout. Feudum est complexe, mais il met en cohérence son univers et ses règles. De ce fait, elle passe crème pour moi. J’ai plus de soucis par exemple avec Black Angel, car certaines actions me semblent conte-intuitive par rapport à l’univers décrit. Cela me demande plus d’effort cognitif d’en retenir les règles.

Dans ma ludothèque (qui reste à moins de 25 jeux), j’ai beaucoup de jeux dits complexes. Cependant, j’ai des jeux aussi beaucoup plus accessibles à des non-joueurs (Chronicle of crime, Dixit…) et quelques (mais peu d’) intermédiaires. Personnellement, j’aurais tendance à toujours préférer une partie de Bios ou de Cerebria à plein de parties de kingdomino/code names… mais je sais aussi m’adapter aux situations (temps dispo, nombre de joueurs, leur motivation et habitude à jouer…).

Quant à l’évolution du marché, j’en ai aucune idée. Mais j’ai l’impression que les jeux Excel tout en tableau et en calcul de math à faire ont un peu disparu. J’avais retrouvé une vieille édition de Battle tech, et les règles pleines de petits tableaux faisaient un peu peur…

Harry Cover dit :Je suis de l'avis opposé, j'ai l'impression d'une course à la simplification et parfois à l'infantilisation au travers d'illustrations un peu niaises et de mécanismes basiques qui s'autorégulent pour ne perdre aucun joueur en cours de partie, sous couvert de faire des jeux soit disant épuré
j'ai l'impression d'un nivellement vers des jeux plus familiaux également, en soit c'est une bonne chose ça ouvre le monde ludique à une publique plus imporants

D'un autre côté je trouve justement la raréfaction des jeux plus complexes

Par contre je suis bien content d'avoir encore le droit de posséder plusieurs de ces jeux complexes :)
C'est une question de culture personnel de curiosité, un jeu n'est pas fait que pour être joué, il est aussi le résultat de processus créatif d'autant plus complexe et enrichissant à découvrir et à parcourir

Mon avis n'est pas opposé au tien Harry,

Je fais d'ailleurs le même constat:
- il me semble qu'il y'a moins de jeux complexes, et qu'à la fin des années 2000 et jusqu'à il y'a 4-5 ans, il y'a eu une espèce de course à la complexité dans certains jeux.
Mais qui finalement, ne concerne désormais qu'une poignée d'auteurs qui ont leurs fans. Les autres s'en étant retirés un peu (Rosenberg et Chvatil en particulier). Cela peut etre pour diverses raisons. Economiques probablement.
- Dans de nombreux threads je décrie le changement du monde ludique à base d'illus de BD mainstream, à base de "qui qui fait le jeu le plus malin coquin?",  et de jeux à absolument tenir en 45 min au thème le plus mystérieux ou le plus cool... après sur ce marché, j'ai l'impression de voir une espèce de "grand bazar" où chaque bonimenteur vend son bidule. Ce monde ne me concerne pas du tout. à part l'an dernier quand dans mon club on a du recadrer les choses à cause de la profusion de nouveaux jeux qu'on subissait.

Mais en définitive, j'ai surtout l'impression qu'un bel équilibre se soit dégagé récemment : d'ailleurs des jeux qui sont issus de Kickstarter, en particulier les créations d'Eric Lang, les jeux comme Nemesis, le travail sur Brass, Root, les nouvelles trouvailles autour du DeckBuilding (Clank! ou aeon's end) etc... on mixe bien légère complexité et une certaine épure.

Et d'une certaine manière ce type de jeu ont peut etre relégué à un second plan l'importance des jeux "mille feuille" pour citer un contributeur à ce thread. Bref, certains ont décidé de creuser ce filon de jeux mille feuille parce qu'ils le font bien d'ailleurs. (Tascini, Lacerda, Pfister), d'autres ont d'une certaine manière innové au lieu de creuser.

C'est en partie ce qui semble expliquer le titre de ce thread.

 

C’est marrant, je trouve ça un peu bizarre (= très différent de ma logique) d’avoir des goûts en fonction de la complexité des règles.

J’adore Barrage, et je ne suis vraiment pas du tout fan de Great Western Trail. J’adore Imagine, et je ne suis vraiment pas fan de Concept …

Et si on compare les règles de Barrage à celles du Go, ou à celles d’un Tigres & Euphrate, ou à celles d’un Through the Ages, on risque d’avoir une vision très déformée de la complexité de chacun.

Si le nombre de pages de règles d’un jeu était un indicateur, ce serait vachement plus facile de savoir a l’avance si un jeu va nous plaire ou pas. :smiley:

TTWD dit :Dans le cas contraire, les jeux de gestion à base d'optimisation ou de pose d'ouvrier, où, à mon sens, les jeux demeurent une course à la complexité continue à isoler le joueur de l'autre. On se retrouve tout seul face à un probleme mathématique récurrent (à chaque tour). J'ai eu ce sentiment en jouant aux Paladins du Royaume de l'Ouest et anciennement à The Gallerist.

[...]

Enfin pour en revenir à mon propos, voici d'excellents jeux qui pour moi représente ce fouillis de course à la complexité (oui c'est à mon sens de bons jeux, mais je n'ai aucune envie d'y rejouer à cause de leur lourdeur).
- Black Angel
- Great Western Trail (pas sûr pour celui là... il est assez fluide malgré sa complexité, peut etre parce que j'ai perdu).
- Paladins du Royame de l'Ouest (mon dieu que j'ai souffert avec celui ci).
- Terraforming Mars (jeu relativement simple mais long, aux cartes diverses qui nécessite plusieurs parties pour l'apprécier et qui en fait se joue avec soi meme. Nous y avons joué 4 parties avant d'en conclure que nous n'y jouerons plus)
- A la Gloire d'Odin (pas fini la partie).
 

Ce sont notamment ceux-là qui m'ont un peu éloignée des jeux complexes.

Pour les anecdotes : 

- Paladins : une partie où je n'ai rien compris à ce que je faisais. J'étais en mode automatique, pas de plaisir ludique tel que je l'entends. Une feuille Excel me fait le même effet.

- Great Western Trail : ça date d'il y a longtemps mais je n'en ai pas un mauvais souvenir en soi, j'avais bien aimé la thématique. Mais je n'ai pas du tout envie d'y retourner, le ratio réflexion / plaisir ludique n'est pas adapté à mes goûts.

- Maracaibo : pas désagréable, un moment sympa mais beaucoup de choses à avoir en tête pour des actions en mode automatique et un bon coup de fouet dans les jambes à chaque erreur.

- Terraforming Mars : testé parce qu'il faisait du bruit. J'ai lu les règles, j'ai abandonné. On m'a expliqué les règles, on a joué, longtemps, très longtemps, pour au final une victoire sans finesse d'un "geeko-comptable" (n'y voyez-rien de péjoratif hein).

- Scythe : il m'a fallu plusieurs parties avant d'apprécier un peu le jeu - une sorte de rouleau compresseur où tant pis pour toi si tu n'as pas pris le rythme du jeu à temps. Du coup sur les premières parties je me suis faite toute petite sur ma petite île.


Je comprends le plaisir ludique qu'on peut avoir à jouer à ces jeux qui demandent une dose d'investissements, de réflexion, de planification à plusieurs tours etc... et ils correspondent aussi à un certain type de joueurs dont je ne fais pas partie. Ce n'est pas une question d'élitisme, non, je ne le sens pas ainsi, c'est juste une réceptivité ludique différente.
Je ne dis pas non à une partie de temps en temps, les personnes avec qui on joue ont autant d'importance que le jeu, mais je ne vais pas courir après - le déballage et étalage de mécaniques n'est pas mon truc.
Je préfère des jeux comme Concordia, Burgundy, Clans of Caledonia, Shakespeare qui me semblent proposer une certaine complexité dans le sens de profondeur et finesse. Mais je ne sais pas si vous les considérez comme des "jeux complexes". 

Concordia, Ch. de Bourgogne, Clans of Caledonia… dans mes bras!

Pareil, pour moi les 4 jeux que tu cites sont des jeux complexes : en ce sens qu’on est un peu perdu en y jouant tant les choix sont nombreux, et que le chemin vers un score potable semble tortueux.
Pour moi un jeu complexe c’est quand je ressens cela.
Ça n’a rien à voir avec le nbre de pages du livret ou la longueur des explications à donner pour commencer à jouer, et les exemples que tu donnes, en particulier Concordia, sont très bien choisis pour l’illustrer.
Autre très bon exemple : Age of Steam qui pour moi est un jeu fort complexe alors que ses règles font 3 pages…

Personnellement je suis toujours étonné du succès des jeux aux règles plus complexes, que je distingue de jeux profonds comme le Go, même si un jeu peut être complexe et profond. 

À une époque où l’on ne tolère plus les parties fleuve, les jeux complexes parviennent à avoir du succès si leur temps de jeu reste entre 2 et 3h, ce qui implique une certaine exigence de qualité. Il est facile de complexifier un jeu, moins de le contenir dans une certaine durée. 

Bien entendu toute complexité doit se justifier, sinon c’est du poids cognitif inutile. Ceci étant dit une des premières critiques sur j’entends quand quelqu’un n’aime pas un jeu complexe c’est que le jeu était gratuitement complexe, alors que ceux qui aiment pouvaient expliquer le sens de cette complexité.  Si je déteste un film il me semblera rapidement trop long.

Dans ma collection j’ai des Lacerda, Eklund, Wehrle, wargames. Cependant la moyenne des jeux de ma collection est plutôt légère, et même entre adultes je joue plus souvent à des jeux légers ou moyens. Je n’ai pas non plus tous les Lacerda (Vinhos et Lisboa), car mon temps libre est une denrée limitée. 

Donc si de temps en temps je peux me permettre de savourer un Mage Knight je suis bien content.

Par contre il est vrai qu’il y a  un biais statistiquement bien documenté en faveur des jeux plus complexes dans des sites comme BGG, Mais ce sont des sites peuplés de passionnés. Si eux n’aiment pas les jeux complexes personne n’aimerait à leur place.

Je ne saurais pas dire s’il y a une course à la complexité, je pense qu’il a toujours existé des jeux très complexes, c’est un marché de niche.
En revanche on constate effectivement sur une même catégorie de jeu une tendance vers la complexité à outrance.
Ex : J’imagine qu’à une époque, Puerto Rico, El Grande… étaient considérés comme des jeux experts. Aujourd’hui c’est limite si on ne les classe pas dans les jeux familiaux.

Pourquoi ? Parce qu’à défaut d’innover, d’inventer de nouvelles mécaniques, beaucoup de nouveaux jeux ne sont que des empilements de mécaniques connues pour essayer d’obtenir un jeu original. Et vas-y que je t’ajoute du deck-building, tu reprendras bien un peu de placement d’ouvriers ? Et on va saupoudrer tout ça de polyominos. Et puis des dés aussi, c’est bien les dés.
Et forcément : moins d’épure = plus de complexité. Mais je ne pense pas que rendre le jeu plus complexe est un objectif en soi, c’est plutôt une conséquence d’un certain manque d’innovation.

Du coup j’ai l’impression qu’entre un Caylus d’autrefois et un Paladins d’aujourd’hui, il y a un monde en terme de complexité, alors qu’en fait ce sont 2 jeux qui fondamentalement boxent dans la même catégorie, celle des jeux “experts”.

Liopotame dit :Je ne saurais pas dire s'il y a une course à la complexité, je pense qu'il a toujours existé des jeux très complexes, c'est un marché de niche.
En revanche on constate effectivement sur une même catégorie de jeu une tendance vers la complexité à outrance.
Ex : J'imagine qu'à une époque, Puerto Rico, El Grande... étaient considérés comme des jeux experts. Aujourd'hui c'est limite si on ne les classe pas dans les jeux familiaux.

Pourquoi ? Parce qu'à défaut d'innover, d'inventer de nouvelles mécaniques, beaucoup de nouveaux jeux ne sont que des empilements de mécaniques connues pour essayer d'obtenir un jeu original. Et vas-y que je t'ajoute du deck-building, tu reprendras bien un peu de placement d'ouvriers ? Et on va saupoudrer tout ça de polyominos. Et puis des dés aussi, c'est bien les dés.
Et forcément : moins d'épure = plus de complexité. Mais je ne pense pas que rendre le jeu plus complexe est un objectif en soi, c'est plutôt une conséquence d'un certain manque d'innovation.

Du coup j'ai l'impression qu'entre un Caylus d'autrefois et un Paladins d'aujourd'hui, il y a un monde en terme de complexité, alors qu'en fait ce sont 2 jeux qui fondamentalement boxent dans la même catégorie, celle des jeux "experts".

En somme, ce que tu es en train de formuler, c'est qu'on glisse du concept de complexité stratégique vers celle de complexité mécanique...
Je ne sais pas si tu es d'accord avec cette assertion, mais moi oui ;)

Oui c’est bien dit !

Plusieurs sujets en 1 à mon sens :

Qualité de jeu = complexité ou épure ?
Je trouve de plus en plus que cette considération n’a pas de sens. Si on fait un parallèle avec d’autres oeuvres artistique, ce serait comme compter le nombre d’instrument pour juger la qualité d’une musique, ou regarder la quantité de détails des dessins pour juger la qualité d’une BD. La question n’est pas intrinsèquement là. Elle est plutôt dans l’adéquation entre ce que peut proposer le jeu et ce qui est utilisé pour cela. Et le savoir faire des auteurs et le champ créatifs où ils sont à l’aise. Et là on peut avoir les 2 travers :
- les jeux “boursouflés” avec plein de règles pas intuitives ou qui amènent de la lourdeur sans intérêt et on se dit qu’il a manqué de travail éditorial pour simplifier un peu tout ça.
- inversement les jeux qui ont été “trop” épurés et délivrent une sensation de froideur et une désincarnation du thème (je suis presque plus gêné par ces jeux que l’autre catégorie)

Effet mode
Il y en a toujours eu. Je me rappelle quand j’ai débarqué dans le jeu moderne il y a une dizaine d’année, ce n’était alors pas Lacerda mais Wallace qui était le “must have”, l’auteur dont il fallait avoir les jeux pour se sentir parmi les “gamers”. Aujourd’hui c’est Lacerda qu’on arbore, ceci encouragé par les éditions luxueuses de ses jeux ( se voit notamment quand on considère que à l’époque des éditions classiques des Vinhos, Co2 ou Kanban c’était encore qu’un auteur parmi d’autres).
Il y a quand même aujourd’hui un effet amplificateur/déformant avec l’explosion du net et de la com’.
On a aussi l’effet KS. Avec un côté “on a pour son argent” en ajoutant des cartes de “renouvellement”, des modes solos, des campagnes, des mini-extensions, des figurines inutiles … Et cette approche se retrouve aussi dans certains jeux en circuit classique, ce qui donne cette impression de sur-complexité.

Un essoufflement ?
Dans le domaine du jeu de gestion, on avait eu des mécanismes qui avaient apporté successivement des nouvelles sensations : l’enchère, le point d’action, l’usage des dés, la pose d’ouvrier, le deckbuilding ( et son cousin handbuilding). Aujourd’hui, ça fait tout un panel d’outils disponibles et éprouvés dont on retrouve parfois effectivement des assemblages de couches qui donne cette sensation de complexité. Les “innovations” récentes sont les modes campagnes (Maracaibo) et les jeux asymétrique (root). Le “problème”  de ces innovations c’est qu’elles participent encore plus à l’effet complexification/empilement (sans compter qu’elles sont délicates à intégrer entre le temps de développement pour les campagnes et le soin d’équilibre pour les factions asymétriques).

Approfondir les jeux
La problématique des jeux complexes : comme on a aujourd’hui peu d’occasion de rejouer, les jeux complexes restent bien souvent sur cette sensation d’inutile complexité et de manque d’interaction. Parce qu’on n’a pas eu le temps de se les approprier, typiquement ce que demande par exemple Black angel cité au début.

Interaction/thème
J’aurais tendance que c’est ce que je cherche, avec notamment des interactions originales (parce que le placement d’ouvrier, les courses aux objectifs/majorité ou le “pan dans ta face” ce n’est pas très passionnant) . Typiquement le cas de Barrage que j’ai adoré.

Mais bon a contrario j’ai aussi beaucoup aimé Domination cette année qui est quasi à l’opposé de ce critère laugh .Cela pour conclure qu’on peut intellectualiser des choses , mais c’est ce qui fait la magie d’un jeu (et son côté oeuvre artistique), les résultats n’est pas toujours la sommes de ses composantes (typiquement De Vulgaire Eloquentia ou La Granja qui sur le papier avaient tout pour me déplaire et que j’adore)

Sujet intéressant et beaucoup d’arguments, de partage de ressentis et de réflexions, c’est top!

Ma petite graine (à base de ressentis et de réflexions qui mériteraient des études sérieuses) : une part des évolutions constatées n’est-elle pas liée à l’évolution sociologique des joueurs et joueuses ?

Il y a quelques dizaines d’années, il me semble que les jeux étaient soit familiaux/enfantins et assez traditionnels, soit relativement de niche.
Dans ce paquet “jeux de niche”, je mets pêle-mêle wargames, jeux de rôles et jeux de figurines, qui partagent en général d’être très investis par leurs pratiquant.e.s : rien de surprenant à y passer des heures, avec en image d’Épinal la figure du “geek”.
Puis l’apparition de jeux plus mature (au sens moins explicitement enfantins) a fait évoluer la population ludique (charnière années 90/début 2000), et jusqu’au boom actuel où l’on retrouve réuni sur un continuum l’ensemble des pratiques ludiques, avec des polarisations et un marché de masse, avec de nombreux enjeux d’identification pour les joueurs et joueuses.

Dire à quoi on joue, choisir ses jeux/ses auteurs et autrices, c’est devenu pour certain.e.s une façon de se définir. De là l’ensemble des phénomènes observés et décrits ci-dessus, la catégorisation des jeux, la distinction entre jeux “pour joeurs/joueuses” et jeux “pour non-joueurs/joueuses”, etc.

Je suis d’accord avec cette assertion.
Depuis quelque temps, alors que je me tiens très éloigné des nouveautés, je constate, à travers les jeux qui me sont proposés dans mes groupes, une sorte de surenchère de couches.
Great Western, j’en parle in extenso ici.
Maracaibo, il y en a aussi partout.
Projet Gaia, le jeu aux 5 monnaies (dont deux dépendantes l’une de l’autre) et autres artifices.

Comme si le “toujours plus” de notre société de lobotoconso se retrouvait dans les jeux de société, car les joueurs, blasés de la profondeur simple, ont besoin de quantité.

Terraforming Mars est cité par plusieurs personnes ici comme un jeu complexe pourtant je trouve que c’est typiquement le jeu expert épuré sans une tonne de mécaniques, sans 10milles phases lors d’un tour et qui s’installe rapidement. Je pourrais aussi citer Underwater Cities (bien que je le trouve un poil moins fluide).
Le genre de jeu que j’aimerais voir plus souvent. 
Clairement pas une complexité critiquable en soit je trouve. Au contraire.Ça serait comme critiquer les échecs ou autres jeux qui font travailler nos méninges mais qui se comprennent « assez vite » et se mettent en place rapidement.

Par contre je trouverais plus à redire sur des jeux, par exemple, de Pfister, Tascini ou Chvatil (bien que j’aime leurs jeux) que je trouve mécaniquement nettement plus complexes mais pas forcément stratégiquement. Et avec bien plus de matos.

Teotihuacan c’est le genre de jeu où je suis obligé d’avoir le livre ouvert des règles à chaque partie. 

Terraforming Mars je n’ai jamais vraiment eu besoin de m’y référer après une ou 2 parties.


Oui, Terraforming Mars est un jeu qu’on peut sortir avec un joueur occasionnel, du moment qu’il est partant pour 3h de jeu. Si le gars n’est pas de ceux qui veulent tout contrôler, en une génération il a tout compris et le problème sera plus pour moi d’attendre entre deux tours que la personne ait lu toutes ses cartes et comprenne quoi en faire (surtout que les premières parties, on a tendance à prendre un peu toutes les cartes sans savoir trop sélectionner).

Il est donc long, mais complexe ? Certes, plus qu’un familial, surtout pour celui qui se tape la règle et l’explique, mais il reste sinon très abordable.

mea culpa, terraforming mars ne fait pas partie des jeux décriés pour ma part. Même si je l’ai évoqué. Le problème c’est surtout sa notion de jeu à moteur autistique qui dérange, ceci couplé à une relative longueur et tout de même une légère complexité, mais on est loin d’un Lacerda. Je crois que c’est une mécanique qui me pompe l’air maintenant. En terme de complexité, TM se rapproche d’une complexité à la Agricola ou Scythe. Rien de bien complexe en réalité. Mais bon je pense que si on veut jouer les autistes, autant jouer simplement à un jeu de course aux PV rapide et Race FTG le fait bien. 
Bref, les goûts et les couleurs tout ca quoi.

Je me rapproche du commentaire qui précise qu’un jeu complexe n’a pas besoin de règles complexe et d’alourdissement de mécanique. Tigre et Euphrate, Concordia, les jeux de Kramer en sont la preuve. Toutefois au prix d’une thématique quasi inexistante. C’est vrai. Et c’est le probleme de l’épure poussé peut être à l’excès… mais ca a bien fait le job. 
De toute facon, je pense qu’il n’y a plus besoin de sortir sur le marché des jeux épurés à l’allemande.
Avoir chez soi les classiques existants garantit de très nombreuses heures de jeu. D’ailleurs, il n’en sort que peu (les heures de gloire d’Ystari/Filo sont derrière nous).

Par contre je considère que si on veut innover, j’apprécie plus les auteurs qui joignent complexité modérée ou leger enchevetrement de mécanismes, theme et une certaine épure : Conclusion. Lang, Chvatil et Wherle on fait à mon sens, du bon travail d’innovation sur leurs jeux (respectivement : Blood Rage/Rising Sun, Dungeon Petz, Root). J’aimerais donc aussi jouer à la nouvelle version de Pax Pamir pour juger du travail de Werlhe en ce sens. 

Bon oui, à la fin il faut des jeux pour les fans d’excel, des jeux pour celui qui veut se battre etc… mais, bon ca n’empeche pas de considérer, qu’il y’a eu une espèce de course puérile à la complexité pour faire complexe. Et je suis bien content que cette tendance soit réduite à peu de jeux désormais. toutefois peut etre que ca n’a jamais été très présente, peut etre que le flot de sorties à attenué le poids de ces jeux complexo-complexes dans les débats de comptoir comme celui ci :wink: (oui j’assume)

TTWD dit :Concordia, Ch. de Bourgogne, Clans of Caledonia... dans mes bras!

Ouaiiiiiis fuck au Covid !

Je constate avec ce fil, et avec plaisir, c'est que ce sont pas les jeux complexes que je n'apprécie pas, mais certains bien particuliers, ceux qui sont un empilement de mécaniques en fait.

En caricaturant, à vous entendre on dirait qu’il faudrait arrêter de sortir de nouveaux jeux, qu’on devrait se contenter de ceux qui existent :slight_smile:
Je sais que mon point de vue n’est pas partagé mais je ne vois toujours aucunes courses à la complexification dans ce que vous avancez. Felds , Rosenberg Pfister et Lacerda sont sur un mode de création avec moult actions/ressources combinaisons depuis des années et je ne vois pas une amplification du phénomène. Mais contrairement à ce qui est avancé, ce n’est pas un simple empilement de mécanismes ou du copier coller. Je peux comprendre qu’on ai pas envie de jouer à ce genre de jeu mais je trouve très réductrice et caricaturale cette vision des choses.
A l’inverse à force dépurer on arrive à des jeux simplistes ?  la simplification est le reflet d’une paresse intellectuelle de notre société lobotoconso qui veut tout tout suite et surtout sans effort

Si on prend le temps (et l’envie) d’y jouer on se rend compte que ces mécanismes font sens, et que ce que proposent ces auteurs c’est que l’on puisse explorer les différentes composantes, chercher comment les associer et les exploiter.
Après je dois avouer qu’avec Lisboa ou Feudum j’atteins mes limites

Pour illustrer le cas de “complexité inutile” , petite analyse perso sur le cas évoqué de Great western :

Le jeu repose sur concept assez simple qu’on retrouve dans le tour d’un jeu : il s’agit d’associer un deckbuilding avec un parcours sur un chemin. Le chemin a différentes étapes, avec intérêts concurrentiels (recrutement, achat de vache) et donc aspect course. Le but va être d’avancer tout en se préparant une main idéale à l’arrivée.

La problématique c’est que le deckbuilding n’est pas accordé avec le concept d’une route : la route a des étapes dans un ordre fixe. Le deck lui se dépile au hasard. Le sel du jeu est justement dans ce conflit. Pour donner des leviers d’actions aux joueurs, Pfister a donc instiller dans sa mécanique par mal d’effets, pouvoirs , actions bonus ou possibilités alternatives pour gérer cette progression parallèle du deck et du chemin. Alors certes on pourrait en trouver quelques une un peu inutile (le bonus d’effet à validation d’objectif), mais il faut comprendre qu’on n’est pas un cas d’une complexité gratuite dans le sens où le jeu aurait marché sans (après peut-être un autre auteur devant le même concept aurait adopté une autre approche)