El comandante dit:Ce n'est pas le discours mais le dogme. L'idée qu'en fait y compris les incroyants - brebis égarées - sont inspirés dans leur amour par Dieu et qu'un jour ils verront la lumière et le reconnaîtront; mais même s'ils ne parviennent pas à la révélation, leur situation ontologique ne change pas pour autant aux yeux des croyants : ils sont créatures de Dieu et un axiome ou système philosophique différent est par principe erroné (puisqu'on est dans le dogme). L'agnosticisme - en tout cas tel que je le conçois - n'exclut pas la possibilité : soit, ils ont peut-être raison (et on le verra bien assez tôt) et je ne prétends pas avoir raison pour eux, malgré eux voire contre eux. Mais la transcendance divine n'est pas un principe suffisant - et même pas nécessaire - pour fonder ma vie - notez bien que ça n'empêche pas certains d'y croire.
Ca j'ai compris, mais je ne vois toujours pas en quoi c'est excluant. Et tu m'accorderas que c'est assez cohérent dans une vision du monde. Quand je reconnais le bienfondé de la théorie de l'évolution, je me dis que le créationniste est tout autant un produit de cette évolution que moi. De même l'héliocentrisme est valable même pour les géocentristes...
Et encore une fois, tu fais un mauvais usage du mot dogme et une généralisation excessive de mes réponses, des croyants seraient en désaccord avec moi voire plus agnostique que moi et si vraiment je prenais ma vision des choses pour un dogme, je qualifierais ces croyants d'hérétiques. Ce que je me refuse à faire.Parle d'article de foi, si tu veux, je n'y verrais rien à redire, mais le dogme, c'est trop précis en langage théologique.
El comandante dit:Leur vision de la nature humaine - des individus incapables d'amour sans Dieu - me semble très en-deçà de la réalité. L'individu n'existe pas sans lien social - sa mère, sa famille, ses proches, la société. Ni psychologiquement ni historiquement. L'individu n'a jamais été seul face à Dieu pas plus qu'il n'a jamais un jour passé ou refondé un contrat social avec ses voisins (que ce soit dans les versions hobbesienne ou rousseauiste ou de Locke, peu importe, ce sont les mêmes fadaises, y compris dans leur version allégoriques elles n'expliquent rien). L'être humain fait société depuis toujours, depuis ses débuts comme mammifère ou sa naissance comme être vivant. Ce sont ces liens permanents qui font l'amour et s'opposent à la volonté de puissance.
On sait désormais - ce que ni Rousseau, ni Luther, ni Moïse ne savaient en leur temps, et on ne saurait leur reprocher - que la privation d'affection envers un nouveau-né entraîne des lésions cérébrales permanentes et des comportements psychotiques; qu'il en va de même pour l'isolement. On sait aussi - et chaque jour un peu plus, historiquement et archéologiquement - comment les hommes ont fait société, les rencontres, le rôle du don, le rôle des croyances et des religions, etc., qui font lien eux aussi. Bref, tout ce qui compense là encore la volonté de puissance par l'immanence des liens interindividuels, sociaux.
Ce n'est pas du scientisme, mais ce sont les progrès de la science qui ont permis ces avancées et ces nouvelles compréhensions en à peine plus d'un siècle. Explications que n'avaient pas à leur disposition les grands créateurs de récit et, encore une fois, on ne peut leur reprocher. Mais aujourd'hui qu'on les a, le dogme de l'amour divin et la conception de l'individu me semblent d'autant plus erronés et excluants, y compris en tant qu'allégories, de la réalité de l'être humain.
D'une part, si, c'est un peu du scientisme : tu prends pour argent comptant des choses qui sont encore énormément débattues quant à leurs fonctionnements et leurs mécanismes et tu me sembles en tirer des conclusions hâtives et excessives. Ces liens permanents par exemple fondent aussi bien l'amour que la volonté de puissance (le principe du mâle alpha) et pas l'un contre l'autre... Que l'être humain ait besoin d'amour (ce que Rousseau, Moïse et Luther savaient bien évidemment (enfin, pour moïse je ne suis pas sûr qu'il ait existé, alors...)) ne veut pas forcément dire que l'amour vienne de l'homme. Quand Boyer donne des explications neurobiologiques à la foi, il se garde bien d'en conclure que Dieu n'existe pas (ce serait comme de dire que la lumière n'existe pas puisque l'homme est programmé pour la percevoir)
Mais surtout, tu fais une confusion sur l'amour. Tout ce dont tu parles, ressort de l'eros et du phile, ce qui est très bien. Effectivement, je n'ai pas besoin de Dieu pour aimer mon épouse et mes enfants ou pour avoir envie de bien m'entendre avec un pingouin. Mais le christianisme a eu besoin d'inventer un nouveau mot : l'agape pour désigner un concept qui va quand même beaucoup plus loin que le simple besoin ou goût de l'autre... C'est de cet agape que l'homme est incapable par lui-même.
Mais si tu peux m'expliquer quels sont les processus biologiques et sociétaux qui me poussent à affirmer que Staline a autant de valeur que Gandhi ou que tant que je préfère ma propre famille à mes oppresseurs, je ne suis pas encore dans l'amour, ça m'intéresse...
El comandante dit:Et rien à voir avec esprits forts ou faibles; ce genre de saillie me semble pour le coup plus relever de la volonté de puissance, ou de la fuite comme l'explique Laborit, que d'une manifestation d'amour fut-il divin.
Bon allez, j'arrête, surtout qu'on ne va pas se comprendre, donc ce fut inutile.
Ben ce qui m'a parut ressortir des esprits forts ou faible , c'est le "de toute façon vous ne nous comprendrez jamais" sans inclure aucune réciprocité à cette difficulté de compréhension.
ceci dit, le péché étant universel, je n'ai jamais prétendu échapper à la volonté de puissance...
Et moi, j'ai pas trouvé ça inutile. Mais j'ai toujours pas compris en quoi on est incapable de vous inclure.