Me vient l’idée de vous sonder à propos du thème des jeux. Pour vous, un jeu qui respecte son thème, c’est :
1) Les actions que j’entreprends sont logiques par rapport au thème, les cartes (ou les bâtiments) ont un effet en rapport avec ce qu’elles(ils) représentent. Exemple : Age of Empires III (le missionaire “convertit” un indigène à votre couleur), Agricola ( le four permet de cuire du pain à partir de grain ), etc…
2) Les sensations de jeu elles-mêmes retranscrivent le thème ET/OU les qualités pour gagner sont liées à la thématique. Exemple : à Bootleggers, jeu de gangsters, il faut savoir négocier et utiliser la menace pour gagner. A Invasions, les vagues successives de raids vikings de plus en plus lointains.
3) Il me faut le 1) et le 2) pour dire que le thème est respecté.
4) Je me fous du thème.
Je serais bien preneur d’exemples de 1), de 2) et surtout de 3)!!!
Cette discussion m’est venue en lisant ce que dit christian d’Innovation :
Je trouve le thème très bien évoqué, contrairement à d’autres. Au niveau individuel de certaines cartes ça peut en effet être discutable, par contre je trouve qu’il y a un vrai thème général, à savoir la fuite en avant des civilisations, je trouve ça très bien vu, en particulier la façon dont les derniers âges s’emballent et échappent parfois au contrôle du joueur !
[Pour donner une explication thématique des décalages de piles.
Le féodalisme : Système politique de la féodalité. Domination des possesseurs de grands domaines, de grands capitaux.
Ensuite si on prend la carte elle dit : dogme : j’exige que vous transfériez une carte qui produit du (tour) de votre main vers la mienne ! dogme coop : Vous pouvez décaler vos cartes jaunes ou mauves à gauche.
Pour moi le theme et la définition sont respectés. trop fort ! ]
ce qui, à mon avis nous donne le 1) qui manquait au 2) !
viking dit:Je serais bien preneur d'exemples de 1), de 2) et surtout de 3)!!!
Star Wars Queen Gambit Battleship Galaxies Horreur à Arkham Thèbes Battue Stronghold Death Angel Mousquetaires du Roy Battlestar Galactica Le seigneur des anneaux coop Snow Tails Space Alert etc.
Tous les jeux TnT Games sont fiers de respecter leur environnement thématique. Nous luttons d’ailleurs actuellement pour être reconnu par le label que nous souhaitons nous même mettre en place : écoludo. Un label respectueux du thème d’autrui tout un insufflant un vent de rendu cardiocérébral très proche de l’univers originel, tant par la sensation de jeu que par la sensation du joueur.
Je crois que j’avais déjà abordé cette discussion il y a longtemps mais voilà…
Dans le jeu on a tendance à confondre thème et sujet. Le sujet c’est ce que ça raconte, exemple : on joue des marchands de la renaissance qui veulent s’enrichir. Le thème c’est ce que ça veut dire, exemple : la cupidité mène à la destruction. Le thème, ce que ça veut dire, peut théoriquement se placer dans n’importe quel contexte. Le thème sous forme d’affirmation à plutôt sa place dans une œuvre comme un film ou un roman, et il me semble que le jeu est plus dans son rôle exploratoire avec des thèmes sous forme d’interrogation. Exemple : la cupidité peut-elle faire le bonheur des hommes ?
Or aujourd’hui je constate que beaucoup de jeux on un sujet, parfois fort, mais pas toujours de thème. Et inversement on reproche à certains jeux d’être trop abstrait alors qu’ils distillent leur thème à travers un gameplay peut-être un peu distancié mais très évocateur.
Or le thème c’est un des éléments fondamentaux qui donnent de l’âme à un jeu, qui fait qu’on est touché sans forcément pouvoir identifier la source de cette force. Alors que le sujet (ce que d’habitude on appelle un thème donc), pour moi ce n’est que de la couleur, qui peut dépeindre quelque chose parfois avec vivacité mais qui a mon avis nous interpelle moins s’il ne vient pas supporter un vrai thème.
Comme au cinéma, où tous les effets et toute la technique du monde sonne creux si l’auteur n’a pas un vrai thème à nous faire partager.
voilà pourquoi je suis sensible au thème d’Innovation, même si on peut effectivement noter quelques limites au niveau du traitement du sujet.
Pour revenir à ta question, le 1/ est le sujet et le 2/ le thème. Dans un jeu j’aime avoir les deux, à savoir un sujet haut en couleur et qui a du sens.
Et j’ai pas vraiment trouvé de discutions globales sur le thème dans les 15 premières pages des résultats de recherche, après j’ai eu la flemme… Désolé
Oui, endeavor a une thématique forte, même si son sujet est traité moins finement que dans d’autres jeux sur le même sujet, encore que ce dernier point soit discutable.
Mouaif, je ne prendrais pas endeavor comme exemple. Le traitement du sujet manque singulièrement d’imagination et en devient assez nauséabond (les apports positifs de la colonisation avec l’abolition de l’esclavage comme caution morale, ). Le thème pâtit aussi de ce traitement: dans le déroulement de la partie, les questions que tu évoques relèvent plus de la machine à points de victoire qu’autre chose: raconter que l’esclavage c’est risqué parce qu’on a l’air fin quand c’est aboli, ça ne fait pas une histoire très intéressante (ni historiquement sensée). Le point thématique qui marche bien serait plutôt l’exploration: c’est cher, on ne sait pas trop où ça mène, et on peut se faire piquer l’investissement que l’on a fait.
Pour revenir à la question de départ, je trouve que Wallace est une référence pour ce qui est du thème: ses jeux sont construits autour d’une situation dramatique dans laquelle les joueurs sont placés. Ses jeux de gestion posent toujours une situation décalée par rapport à «développez votre … en exploitant au mieux le …, la … et le … que les autres joueurs convoitent aussi. Saurez vous accumuler de la renommée en tant que …»; ainsi: -dans Tinners’ Trail, il faut tirer ses billes de l’exploitation d’une ressource dont le déclin est programmé. Le plateau en fin de partie est assez éloquent pour ça: plein d’investissements réalisés partout pour plus rien à extraire. Pas besoin de règle sur le chômage, on voit dans quel état on a laissé la Cornouaille. -dans Brass/AoI, la concurrence va amener à des synergies; on voit à la fois un tissu économique émerger de la concurrence, mais on observe aussi des effets d’entente manifestes: la demande n’est pas là pour être satisfaite, mais pour ramener du pognon. De même, dans ses jeux historiques, il y a toujours un problème en une phrase qui va créer la tension du jeu: -dans liberté, comment retourner sa veste pour toujours s’en sortir (sauf le jour où on ne s’en sort pas…) -dans god’s playground (ou mordred), faut-il défendre la pologne ou se servir dans le gâteau au risque de l’affaiblir. Dans tous ces jeux, tu as plein de 2, et plus ou moins de 1. Plus dans god’s playground ou a few acres of snow, un peu moins dans liberté (essentiellement un jeu de majorité abstrait avec des têtes de Danton pour faire joli), presque rien dans Tinners’ Trail, et ainsi de suite.
Je crois aussi que ce qui fait plaisir dans le traitement d’un sujet concret, c’est le recul que l’auteur aura pris par rapport à lui. Les jeux «usines à pv» en manquent souvent, ce qui rend le thème creux (Endeavor encore une fois, ou Troyes ou Caylus, que seules leurs illustrations sauvent). Dans ces cas-là, les actions logiques par rapport au thème ne suffisent pas à rendre le thème du jeu. En revanche, un sujet, même creux, peut devenir prenant quand il y a une prise de position originale à son propos: -les friedmann friese ou small world (a priori, plus creux tu résonnes) y parviennent par l’humour, -les wallace par une perspective dramatique.
Autre exemple, pourquoi Olympos passe-t-il pour avoir moins de thème que Small World? Pas faute d’élément thématique dans le matos, mais parce que le traitement du sujet est assez plat: il faut «se développer», c’est à dire faire tourner le moteur du jeu. Dans small world, il y a une problématique: «dans la fantasy, on voit n’importe quoi comme pouvoir, mais qui poutrera qui?», ça crée du relief, pourtant avec un sujet assez peu présent (super, des elfes et des nains).
Oui, intéressant tout ça, même si on n’est pas trop d’accord sur Endeavor, mais peu importe.
galbolle dit:Autre exemple, pourquoi Olympos passe-t-il pour avoir moins de thème que Small World? Pas faute d’élément thématique dans le matos, mais parce que le traitement du sujet est assez plat: il faut «se développer», c’est à dire faire tourner le moteur du jeu. Dans small world, il y a une problématique: «dans la fantasy, on voit n’importe quoi comme pouvoir, mais qui poutrera qui?», ça crée du relief, pourtant avec un sujet assez peu présent (super, des elfes et des nains).
Je formulerais ça autrement : c’est pas que le traitement du sujet est plat c’est qu’il n’y a pas de thème ! Ou en tout cas je n’en ressent pas en jouant. Pourtant j’adore ce jeu ! Mais comme tu dis, les seules questions sont mécaniques… “Qui poutrera qui” n’est pas un thème. Ou alors peut-être un thème sur les différences culturelles, mais je vois pas trop comment le formuler pour l’instant…
Pour moi, un thème réussi, c’est l’immersion dans une histoire et l’utilisation de mécanismes propres à cette histoire. Supergang est un must en la matière : Les joueurs se disputent la possession de quartiers et comme ce sont des gangsters, ils règlent leurs comptes avec des flingues. C’est là que les joueurs s’immergent complètement dans le thème : on tire à fléchettes réelles avec un vrai flingue en plastique sur un personnage en carton représentant le joueur adverse attaqué. Si le duel est d’une importance vitale, le tireur a tendance à trembler et se donne ainsi plus de chances de rater, l’adversaire pouvant se venger en tirant à son tour. Les joueurs poussent des cris de victoire ou de désespoir comme dans la vraie vie. J’adore ce jeu pour cette raison. Pour autant, j’adore également Râ dans lequel il n’y a absolument pas de thème, ou même pire : un thème complètement artificiel a été plaqué, alors que le jeu aurait pu supporter ne pas avoir de thème.
galbolle dit:Mouaif, je ne prendrais pas endeavor comme exemple. Le traitement du sujet manque singulièrement d'imagination et en devient assez nauséabond (les apports positifs de la colonisation avec l'abolition de l'esclavage comme caution morale, ). Le thème pâtit aussi de ce traitement: dans le déroulement de la partie, les questions que tu évoques relèvent plus de la machine à points de victoire qu'autre chose: raconter que l'esclavage c'est risqué parce qu'on a l'air fin quand c'est aboli, ça ne fait pas une histoire très intéressante (ni historiquement sensée). Le point thématique qui marche bien serait plutôt l'exploration: c'est cher, on ne sait pas trop où ça mène, et on peut se faire piquer l'investissement que l'on a fait. Pour revenir à la question de départ, je trouve que Wallace est une référence pour ce qui est du thème: ses jeux sont construits autour d'une situation dramatique dans laquelle les joueurs sont placés. Ses jeux de gestion posent toujours une situation décalée par rapport à «développez votre … en exploitant au mieux le …, la … et le … que les autres joueurs convoitent aussi. Saurez vous accumuler de la renommée en tant que …»; ainsi: -dans Tinners' Trail, il faut tirer ses billes de l'exploitation d'une ressource dont le déclin est programmé. Le plateau en fin de partie est assez éloquent pour ça: plein d'investissements réalisés partout pour plus rien à extraire. Pas besoin de règle sur le chômage, on voit dans quel état on a laissé la Cornouaille. -dans Brass/AoI, la concurrence va amener à des synergies; on voit à la fois un tissu économique émerger de la concurrence, mais on observe aussi des effets d'entente manifestes: la demande n'est pas là pour être satisfaite, mais pour ramener du pognon. De même, dans ses jeux historiques, il y a toujours un problème en une phrase qui va créer la tension du jeu: -dans liberté, comment retourner sa veste pour toujours s'en sortir (sauf le jour où on ne s'en sort pas…) -dans god's playground (ou mordred), faut-il défendre la pologne ou se servir dans le gâteau au risque de l'affaiblir. Dans tous ces jeux, tu as plein de 2, et plus ou moins de 1. Plus dans god's playground ou a few acres of snow, un peu moins dans liberté (essentiellement un jeu de majorité abstrait avec des têtes de Danton pour faire joli), presque rien dans Tinners' Trail, et ainsi de suite. Je crois aussi que ce qui fait plaisir dans le traitement d'un sujet concret, c'est le recul que l'auteur aura pris par rapport à lui. Les jeux «usines à pv» en manquent souvent, ce qui rend le thème creux (Endeavor encore une fois, ou Troyes ou Caylus, que seules leurs illustrations sauvent). Dans ces cas-là, les actions logiques par rapport au thème ne suffisent pas à rendre le thème du jeu. En revanche, un sujet, même creux, peut devenir prenant quand il y a une prise de position originale à son propos: -les friedmann friese ou small world (a priori, plus creux tu résonnes) y parviennent par l'humour, -les wallace par une perspective dramatique. Autre exemple, pourquoi Olympos passe-t-il pour avoir moins de thème que Small World? Pas faute d'élément thématique dans le matos, mais parce que le traitement du sujet est assez plat: il faut «se développer», c'est à dire faire tourner le moteur du jeu. Dans small world, il y a une problématique: «dans la fantasy, on voit n'importe quoi comme pouvoir, mais qui poutrera qui?», ça crée du relief, pourtant avec un sujet assez peu présent (super, des elfes et des nains).
Endeavor est un exemple un peu provoc' : je peux infirmer un peu ma position en disant que dans cette durée de jeu, il est rare qu'un jeu m'ait procuré ce genre de sensations. ( et je ne crois pas que l'esclavage y soit cautionné, bien au contraire ) Mais passons.
Sur Wallace, je suis bien content que tu en parles. Vu que j'ai jamais joué à un de ces jeux (je considère pas que Conquest of the Empire II soit de lui), j'étais assez mal placé pour en parler. Mais j'ai lu les règles de pas mal de ses jeux et je pensais directement à lui en lisant christian sur la notion de thème. Tu remarqueras quand même que ses jeux sont plus longs. En effet de ce que j'en lis on a plus de 2) que de 1) dans Wallace, on a même souvent un ou deux mécanismes assez abstraits mais qui vont servir son idée globale du thème.
viking dit: Endeavor est un exemple un peu provoc' : je peux infirmer un peu ma position en disant que dans cette durée de jeu, il est rare qu'un jeu m'ait procuré ce genre de sensations. ( et je ne crois pas que l'esclavage y soit cautionné, bien au contraire ) Mais passons.
Je ne dis pas qu'il cautionne l'esclavage, mais qu'il se contente d'une condamnation de façade, qui sert à se dédouaner d'un traitement négligé d'un thème historique sensible. C'est pour moi un exemple de paresse intellectuelle (dans le traitement du thème, pas dans les mécanismes du jeu) qui en fait un objet de sous-culture.
Attention la question ne porte absolument pas sur l’immersion, qui relèverait plutôt du sujet que du thème à mon avis.
Pour repréciser, le thème n’a rien à voir avec le sujet et le contexte. Par exemple dans Liberté de Wallace, la Révolution Française n’est pas le thème, c’est le sujet. En réalité c’est même le contexte, le sujet étant “des hommes politiques grenouillent pour le pouvoir pendant le révolution française”. Le thème serait plutôt quelque chose comme : “peut-on conserver son idéologie quand la victoire est en jeu ?”. Clairement le jeu répond “non”, du moins à mon avis après quelques parties seulement.
Cette distinction relève peut-être un peu de la sémantique mais est importante à mon avis. D’une part au niveau du design elle permet comme en dramaturgie d’avoir un point focal autour duquel tout s’articule. D’autre part j’ai l’impression que si plus d’auteurs approchaient le game design de cette façon, c’est à dire avec certaines techniques issues de la dramaturgie, on aurait moins de jeux au “thème” vu et revu où simplement la mécanique change et plus de jeux avec une âme parce que l’auteur aurait quelque chose à dire et surtout aurait les moyens de le dire. Un même sujet pourrait être le véhicule d’une multitude de thèmes.
Bon j’utopise peut-être un peu mais pour moi c’est une piste de travail importante depuis pas mal de temps donc voilà ! Il y a plus que ce que j’ai noté rapidement là et c’est susceptible d’évoluer mais voilà !
galbolle dit:Autre exemple, pourquoi Olympos passe-t-il pour avoir moins de thème que Small World? Pas faute d'élément thématique dans le matos, mais parce que le traitement du sujet est assez plat: il faut «se développer», c'est à dire faire tourner le moteur du jeu. Dans small world, il y a une problématique: «dans la fantasy, on voit n'importe quoi comme pouvoir, mais qui poutrera qui?», ça crée du relief, pourtant avec un sujet assez peu présent (super, des elfes et des nains).
Je formulerais ça autrement : c'est pas que le traitement du sujet est plat c'est qu'il n'y a pas de thème ! Ou en tout cas je n'en ressent pas en jouant. Pourtant j'adore ce jeu ! Mais comme tu dis, les seules questions sont mécaniques... "Qui poutrera qui" n'est pas un thème. Ou alors peut-être un thème sur les différences culturelles, mais je vois pas trop comment le formuler pour l'instant...
Dans l'original, Vinci, l'auteur avait voulu retranscrire les destins des civilisations : essor, apogée, déclin, chute... Dans la plupart des jeux de civilisation on s'arrête à l'apogée... pour moi c'est déjà une approche thématique intéressante.
En fait en passant de Vinci à SmallWorld on a gagné du 1) pour perdre du 2), j'ai l'impression!
En fait, il faudrait sûrement ajouter une réponse au sondage :
1) Les actions que j’entreprends sont logiques par rapport au thème, les cartes (ou les bâtiments) ont un effet en rapport avec ce qu’elles(ils) représentent. Exemple : Age of Empires III (le missionaire “convertit” un indigène à votre couleur), Agricola ( le four permet de cuire du pain à partir de grain ), etc…
2) Les sensations de jeu elles-mêmes retranscrivent le thème ET/OU les qualités pour gagner sont liées à la thématique. Exemple : à Bootleggers, jeu de gangsters, il faut savoir négocier et utiliser la menace pour gagner. A Invasions, les vagues successives de raids vikings de plus en plus lointains.
3) Le jeu s’articule autour d’une ou plusieurs questions ou thématiques que le sujet inspire à l’auteur et, éventuellement, il essaie d’y répondre.
4) Il me faut le 1) et le 2) et le 3) pour dire que le thème est respecté.