Le pro Mac
Le pro Mac, ou « pommé », est comme tout membre de communautés minoritaires, très engagé et très sectaire. Il hait les pro Windows et tolère de justesse ses petits camarades pro Linux, autres « rebelles » aux cheveux gras de l’informatique.
Qu’il soit riche ou surendetté, comme tous les Français, il n’hésite pas à s’offrir le dernier modèle de Mac Mini Book G78. Pourquoi 78 ? Parce qu’il est 78 fois plus cher qu’un PC ayant les mêmes capacités ! Et oui, entrer dans la secte Apple, ça se paie. Ça a démarré dans les années 80. A l’époque, le particulier qui voulait faire de la PAO de qualité avait deux solutions. La première, c’était de s’acheter un Atari ST Mega 4 et son imprimante laser. Coût total : une brique. La seconde, c’était de se payer un Mac et son imprimante laser. Coût de l’achat : dix briques ! Les différences ? Négligeables mais les possesseurs de Mac ne voulaient rien savoir. Eux étaient des pros de la PAO, ils étaient l’élite ; les autres n’étaient que des amateurs, même si on écrivait mieux qu’eux ! Même chose en musique, où le Mac est solidement implanté.
Vingt ans après, ça n’a pas changé. Comme le pro Windows qui pense que c’est le logiciel de marque qui donne le talent, le pro Mac pense lui que c’est le prix qui rend pro. Utilisant son 6ème crédit à la consommation consécutif, notre banane s’offre la reine des pommes pour rejoindre le verger, car oui, les possesseurs de Mac en achètent pour la simple raison que « les pros en utilisent tous ! » Il pourra donc utiliser son ordi de pro à 2500€ pour consulter ses mails comme un pro, taper ses CV de demandeur d’emploi pro sous Word et naviguer en pro sur des sites de cul pro, et avec Internet Explorer parce que Safari a encore quelques problèmes sur les machins en Java, Flash et autres médias…
Le reste du temps, il travaille sur son Mac. Il n’a pas trop le choix d’ailleurs car s’amuser sur Mac, faut vraiment le vouloir. Essayer de trouver des programmes de téléchargement, des codecs, et surtout des jeux, est un défi quotidien pour lui.
La nouvelle vague de pro Mac, arrivée par l’iPhone, ou par lassitude des plantages incessants et autres virus tenaces qui pourrissent son PC depuis des années, est sans doute la pire. Persuadés de changer de vie en même temps que d’ordinateur, ces nouveaux convertis oublient tout de leur passé mécréant et moqueur envers leurs quelques amis qui buvaient du cidre depuis le Mac Classic. Après leur chemin de croix (pèlerinage à l’Apple Store, achat de « OS X pour les nuls », inscriptions sur tous les forums Mac du Net…), ils commencent leur propagande, devenant, comme tous les dévots fraîchement convertis, plus pro Mac qu’un pro Mac ; tout en péchant régulièrement sous couvert de manque de compatibilité Mac-PC. Les vieux réflexes ont la vie dure. Après quelques années de tâtonnements, ces fidèles de la dernière heure découvrent qu’ils peuvent eux aussi customiser l’apparence de leur OS jusqu’aux moindres détails et se retrouver, comme tous les amateurs de tuning PC, avec un bel écran de beauf-otaku-geek.
Prix élevé oblige, la mentalité de snobinard-bobo du fan de Mac rejaillit à chacun de ses investissements et sa santé mentale ne dépend que du modèle d’iPhone qu’il utilise. « Quoi, tu n’as pas un iPhone 40ème génération ? » C’est vrai, comment survivre sans voir des films sur son téléphone ? Et vu la durée de la batterie, mieux vaut que ça soit un court-métrage…
Convaincu d’avoir connu l’illumination, le pro Mac se fait un plaisir sans cesse renouvelé de tacler les possesseurs de PC lambda, qui n’ont vraiment pas besoin de ça puisque leur sac à puces acheté à l’hypermarché du coin plante sans cesse, entre deux rêves où il se voit lapider à coups de pommes pourries ce voleur de Billou, devenu milliardaire en piquant toutes les idées d’Apple. Donc, les siennes…