Bonjour à tous,
La BD, la littérature, le cinéma ou le reportage, l’art ont exploré certains sujets dérangeants, provoquant, voire choquant de notre société. A ma connaissance, le jeu (hormis quelques JdR restreints) est en général ludique, écoutable, regardable, lisible par tous. Si un jeu ne convient pas avant un certain âge, c’est pour des motifs de petites pièces ou de règles trop compliqués.
J’aimerais donc vous proposer un sujet et l’idée d’un jeu qui serait forcément interdit avant un certain âge. Le but du post est d’avoir le ressenti des joueurs et de répondre à :. Joueriez-vous ou non ? Étant entendu, que visualiser un reportage ou lire un livre nous place comme spectateur, alors qu’un jeu nous pose en tant qu’acteur, la différence est sensible.
Entrons dans le vif du sujet.
Le départ est l’article D398 du code pénal qui indique que “sont transférés en service de psychiatrie les individus responsables pénalement qui présentent des troubles mentaux à connotation de dangerosité en cours d’incarcération et qui ne peuvent pas être soignés en service médico-psychologique régional (SMPR)”.
La suite est l’endroit où atterrissent les individus, à savoir Les unités pour malades difficiles (UMD). Ce sont des services hospitaliers psychiatriques spécialisés dans le traitement des malades mentaux présentant un état dangereux majeur. Il en existe 5 en France.
Je vous livre un extrait de reportage pour vous situer.
Violents, voire meurtriers, rejetés par les hôpitaux psychiatriques et par l’univers carcéral, ils ont échoué dans des unités pour malades difficiles (UMD). C’est dans ces forteresses que médecins et infirmiers s’efforcent de renouer le dialogue: un défi thérapeutique et humain.
Régime sec: pas de vêtements ni d’objets personnels, juste de quoi lire. Les malades font la sieste en pyjama ou en slip et se rhabillent dans le couloir commun. Dans les chambres, avec douche et WC, le lit est arrimé au sol carrelé. Dans la salle commune, les tables sont scellées, la télé est coffrée dans du Plexiglas. Dallages nets, surfaces lisses, angles cuirassés de plastique. Ni couteaux ni fourchettes: la nourriture est coupée en morceaux. Les deux cours exiguës sont cerclées de grillages. Il y a des alarmes, tous les 6 mètres. Et une consigne: ne pas tourner le dos aux patients.
J’ai la sensation d’un monde lent qui subit des accélérations violentes.
L’idée est de mettre le joueur dans la peau d’un malade. Interné par décision de justice, il doit mener son personnage vers la sortie. Le joueur aura une facette destructrice qu’il aura du mal à contrôler, le jeu. L’autre côté, la prise de conscience, le réel sera le joueur. C’est un jeu coopératif dans lequel les joueurs ne devront leur survie qu’à l’entraide. Un joueur qui échoue en arrivera à une action fatale qui obligera l’administration pénitentiaire à une réaction définitive.
Chaque joueur aura un niveau de dangerosité indiqué sur une réglette, par exemple.
Tous le long du jeu, le joueur aura des crises de niveaux différents selon son niveau de dangerosité. Le nombre de points de crises entraîne des troubles de plus en plus graves. Ces troubles se soignent.
Le joueur, dans ses moments de lucidité, souhaite guérir. Il a donc accès au traitement, médicaments (4 injections par jour - règle dans les UMD), séances de psychothérapie, méthodes de contention, sismothérapie, isolement.
Un trouble non soigné entraînera des actions de la part du joueur. Plusieurs choix s’offriront à lui, il pourra réduire l’effet de cette action grâce au personnel soignant. Les actions du joueur seront du type, mutilation volontaire, agression sur codétenu ou personnel, agression sexuelle, diverses violences sur soi ou un tiers, agression verbale, cannibalisme, destruction matérielle…
Chaque crise amène un trouble, chaque trouble non soigné amène une nouvelle crise, c’est le cumul des troubles qui rend l’individu dangereux. Il sera très difficile pour le joueur de revenir à un niveau de dangerosité “Non dangereux pour lui-même ou un tiers”.
Le genre sera un jeu de carte dont certaine formeront sur la table le plateau représentant l’UMD. Les cartes crises seront soft, les cartes troubles seront plus hard et les cartes actions seront carrément trash. Je souhaite volontairement un jeu visuellement choquant, tiré le plus possible de photos existantes retravaillées, pour toucher la conscience sur ce qui existe dans ces lieux clos.
Jusqu’à aujourd’hui, en parlant du projet aux joueurs autour de moi et rien qu’en racontant certaines scènes que je distinguais sur les cartes, j’ai clairement ressenti un gène au mimique des visages. Affronter des zombies qui dévorent les humains reste un vue de l’imaginaire mais affronter un homme qui mange le foie d’un autre nous confronte à une pathologie qui échappe à notre esprit .
Voici posé le décor, en attente de vos réactions.
JYM
La maison de JYM sur jymonpertuis.free.fr
- Cartobut
- Les rats du bitume - Prix spécial du jury au Festival Ludix 2010
- Skurfin
- Supermarché
C’est une question intéressante que tu soulèves là. Je crois que le sujet a été abordé quelques fois dans “Discutons jeux”, thèmes politiquement incorrects, etc… si tu veux t’y référer.
Voilà mon avis : le jeu est un média, certes. Un objet culturel, à n’en pas douter, encore que cette reconnaissance ne soit pas forcément évidente dans les faits. Mais la différence entre le jeu et les autres médias, c’est à mon avis qu’il n’est pas “libre”. Un tableau, un texte, une chanson, ce sont des médias libres, on peut les utiliser pour créer virtuellement n’importe quoi, de Oui-Oui à Irréversible en passant par Meredith Monk. Toute expérience artistique a sa propre valeur intrinsèque, que l’expérience soit positive ou négative, qu’elle porte un message ou non.
A mes yeux le jeu n’est pas un média aussi libre. Sa vocation première, l’origine de l’objet, est de divertir et/ou de faire réfléchir (dans le sens plus calculatoire que métaphysique ou social). Vouloir l’affranchir de sa propre nature, c’est le perdre, le transformer en autre chose. Voilà peut être d’où vient le malaise chez les personnes à qui tu en a parlé : au final, tu ne leur présentes un “jeu” où l’immersion peut être dérangeante - même si ce ne serait certainement pas sans enseignement, est ce que c’est vraiment la vocation d’un jeu ? est ce que ce n’est pas justement plutôt la vocation d’un documentaire ?
On peut trouver “fun” un jeu qui simule au second degré la crise boursière ou les déboires de BP et ses catastrophes pétrolières, mais tout de suite une barrière se franchit si un jeu se propose de simuler la vie d’un camp de concentration où on gère les gazages, même au second degré (ah, le fameux point godwin…). En plus, tu souhaites un traitement réaliste pour les illustrations/photos, donc tu positionnes vraiment ton thème dans les zones sombres de l’imaginaire collectif.
Affronter des zombies qui dévorent les humains reste un vue de l’imaginaire mais affronter un homme qui mange le foie d’un autre nous confronte à une pathologie qui échappe à notre esprit.
Tout est dit. Perso je sais que je n’achèterais pas ce genre de jeu s’il existait, tout simplement parce que je ne trouverais pas grand monde pour y jouer. Et quand bien même on s’en ferait une partie par curiosité, je ne suis pas sûr qu’il ressortirait souvent au vu de ce qu’il propose comme immersion.
My 2 cents.

Ton idée du jeu est celle que je m’en fais, est celle que nous nous en faisons. Justement, mon projet est de transformer le jeu et de le rapprocher de nous.
Je ne compte pas commercialiser cette idée car ainsi que tu le soulignes, tu n’achèterais pas ce type de jeu et je pense qu’il n’y aurait pas que toi. Je voulais plutôt poster un jeu libre à télécharger sur mon site.
Ta notion de média pas si libre que cela, même si je suis d’accord, m’inquiète un peu toutefois. La vocation du jeu est posé, installé, approuvé, essayer de changer de genre m’intéresse justement particulièrement.
Merci de ton avis.
Bonjour jym !
Voilà un sujet bien intérressant, ma foi. Je trouve que ton idée est originale et qu’il y a là matière à creuser. Je me permets de répondre car je suis actuellement en train de travailler sur un de mes prototypes où la folie tient une place importante. Le contexte n’est pas le même toutefois : Les joueurs incarnent des médiums qui ont pour but de ramener la paix dans une grande demeure où le paranormal se manifeste dans toutes ses formes. Chaque rencontre avec les entités fait basculer la raison des joueurs et les mène peu à peu vers la folie. Bien sur, je ne veux pas faire une énième version du manoir hanté, avec des fantômes et des zombis dans les placards, mais plus tendre vers un jeu adulte et me baser sur les progrès scientifiques réalisés ces dernières décénies sur les phénomènes de hantise. Le jeu sera réaliste et obscur et la folie sera un des facteurs importants pour mettre en place une ambiance pesante et crédible. Je crois que la folie humaine peut aider à créer des ménanismes de jeu inédit.
Le jeu est un média, ceci est juste, dont le but est de divertir où d’apprendre et de réfléchir, je suis d’accord, mais je pense qu’il peut s’affranchir de certaines idées ancrées, qu’il peut encore se développer et parvenir à nous étonner. Les jeux adultes ne sont pas si répandus que ça et je pense que le jeu de société est un support plus libre qu’on ne le pense. Dans tous les cas, ça me plaît de penser qu’il y a encore des voies à ouvrir dans ce domaine.
Pour chaudron, tu fais référence au point godwin, qu’est-ce donc ?
Pour jym, je t’encourage dans ton idée, jouer avec la folie m’a toujours semblé très intérressant et aucun jeu de ma connaissance ne m’a permis cela. L’univers carcéral psychiatrique est méconnu, la folie est un sujet qui dérange, mas je trouve ce domaine plutôt porteur.
Le point Godwin, c’est le principe qui veut que “Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Hitler s’approche de 1”. Si ma mémoire est bonne, dans les sujets du forum Tric Trac traitant de thèmes de jeu trash, politiquement incorrects et autres, le point Godwin avait été vite franchi - et ça avait prouvé qu’il y a bien une barrière pseudo-morale derrière laquelle resteront cantonnés certains thèmes.
Quand je dis que le jeu n’est pas un media libre, c’est que je pense qu’il est déjà orienté de part la fonction première de l’objet - jouer. Mais les auteurs de jeux restent libres, eux, de faire d’un jeu ce qu’ils veulent, hein^^… en fait, ce serait peut être plus juste de dire que le jeu n’est pas un media “neutre”, puisqu’il est connoté à la base. “Libre” induit une réflexion sur la liberté d’expression et de création qui n’était pas voulue dans mon propos…
Merci pour ces informations, chaudron. Je suis allé sur le net tout à l’heure sur ce fameux point godwin et me voilà doublement renseigné maintenant.
Pour en revenir au jeu, et à sa place de média, j’ai parfaitement saisi ce que tu voulais dire et je trouve que ton approche est très juste sur ce point. J’espère juste qu’il est possible de decouvrir de nouveaux horizons grace à ce support formidable qu’est le jeu de société, et c’est donc aux créateurs en devenir d’ouvrir le chemin, surtout pour les jeux adultes qui n’ont pas encore entièrement trouvé leur public il me semble. Mais pour cela, je fais confiance à tous les cerveaux qui bouillonnent dans le coin…
J’avais aussi bien compris “neutre” plutôt que “libre”. Mais le jeu est neutre parce que les auteurs le rendent ainsi. Pour en revenir à la BD, par exemple, elle a tout d’abord été de petits encarts de presse pour finir en albums. Elle a commencé par le gag puis a raconté des histoires. Elle a traité de sujets pour les enfants et a fini par abordé des sujets multiples. Le jeu n’est que ce que l’on en fait.
La barrière morale dont tu parles est comme toutes les barrières, elle ne demande qu’à tomber.
Sujet très intéressant, d’autant plus que je retrouve certaines idées d’un proto en cours dans vos projets commun
JYM dit:J’avais aussi bien compris “neutre” plutôt que “libre”. Mais le jeu est neutre parce que les auteurs le rendent ainsi.
Je dirais que plus que les auteurs, ce sont les éditeurs qui ont tendance à refuser des projets politiquement incorrects, car cela représente un risque financier évident …
Astur, tu as bien raison au sujet de l’édition. L’édition d’un jeu normal est déjà risqué alors un jeu teinté déraisonnable n’en parlons pas.
La musique d’un certain genre dans les années 80 s’achetait chez des producteurs indépendants, voire l’autoproduction, aujourd’hui les producteurs de disque acceptent des auteurs qui auraient été refusé il y a 20 ou 30 ans.
C’est pour cela que mon idée était de proposer gratuitement ce jeu.
J’ai pour conseil un éminent psychiatre étranger (vivant en France) qui veut bien me renseigner et m’éviter des erreurs qui m’a signifié que “ne pas tourner le dos aux patients” était un résumé très approprié aux situations dans les UMD.
J’espère que les joueurs, après avoir testé le jeu, rasent les murs pour aller se coucher. Comme dans un très bon film d’horreur, qu’une image floue reste au fond de l’oeil. Evidemment, ils ne rejoueront peut être jamais. D’où, le fait de ne pas commercialiser inutilement un tel jeu.
Effectivement, c’est intéressant.
Il y a même moyen de donner à l’idée un thème plus “sexy” et moins underground je pense…
Un thème horreur, genre “Asile d’Aliénés et autres Contes” de Cthulhu. Ou encore genre le thriller où Halle Berry est enfermée dans son propre hopital psy comme résultat d’une machination.
Par exemple : les joueurs sont injustement internés. Ils doivent sortir. Malheureusement, l’infâme Dr von Schmutz, l’auteur de la machination, leur injecte des calmants et des psychotropes qui les rendent temporairement fous A eux de prouver qu’ils sont sains d’esprit.
Je connais patient 13.
Groddur
tu retombes dans ce que je ne veux justement pas. Une histoire inventée dans laquelle tout le monde sait que le doc von Schmutz n’existe pas.
Je suis parti de personnages réels pour les fiches de perso des joueurs, les faits relatés sur cette fiche, qui devra être lue par les autres joueurs qui simuleront le comité d’accueil en UMD, sont réels. Je n’invente que le mécanisme.
En apparté…
PITCH BOWL is good for me.
En fait, ce que tu proposes, moi ça me fait drôlement penser à ce que doivent parfois être les jeux pour formation en entreprise. Pas sexy, pas rejouable, mais du jeu quand même…
Enfin, en tant qu’auteur, j’aime justement pouvoir prendre des libertés avec la réalité - et respecter la réalité à la lettre,je trouve ça hyper restrictif.
lynkowsky dit:En fait, ce que tu proposes, moi ça me fait drôlement penser à ce que doivent parfois être les jeux pour formation en entreprise. Pas sexy, pas rejouable, mais du jeu quand même...
Enfin, en tant qu'auteur, j'aime justement pouvoir prendre des libertés avec la réalité - et respecter la réalité à la lettre,je trouve ça hyper restrictif.
Tu mets le doigt sur un point, Loïc. La rejouabilité. C'est une donnée essentielle, pour moi. Dans la création, j'essaye de ne faire que des trucs rejouables. Plein de fois. Un proto qu'on essaye une fois et qu'on ne me redemande plus, il part direct à la poubelle (enfin dans un tiroir, on sait jamais, il pourrait resservir sous un autre angle d'attaque

@JYM : Et aussi, si tu veux que ton jeu soit joué, il faut que ton thème soit assez "large", du moins qu'il trouve son public... Un thème trop underground risque de planter ton jeu par simple manque de testeurs...
En aparté : merci pour ton soutien !

D’un point de vue mécanisme de jeu, l’idée est intéressante : des joueurs qui coopèrent pour survivre jusqu’à obtenir le droit de sortir de l’UMD. Cependant, étant “fous” et plus ou moins dangereux, ils sont susceptibles de faire des crises plus ou moins violentes. De fait, le joueur peut contrôler une partie de son personnage et l’autre est relativement arbitraire / dépendante de sa personnalité.
L’idée est intéressante et peut même avoir des vertus pédagogiques pour peu que tu cherches vraiment en détail les différentes pathologies existantes et les troubles qui lui sont associés. En outre, tous les troubles ne se soignent pas. En tant qu’étudiant en psycho, on ne sait finalement pas grand’chose sur les pathologies mentales et encore moins comment les “soigner”. En vérité, les psychologues et psychiatres ne soignent pas. Ils amènent au changement, essayent de faire en sorte qu’un patient puisse vivre avec un trouble ou le dépasser, qu’ils puissent changer d’état. Par exemple, les anti-dépresseurs ne soignent pas la dépression mais agissent sur des neuro-transmetteurs qui inhibent certaines réponses physiologiques.
La nuance entre “soin” et “changement” peut sembler futile, purement sémantique. Elle me semble pourtant très importante. Si on savait “soigner” efficacement une maladie mentale, les UMD ne seraient pas remplies.
Par ailleurs, et là je précise que je ne critique pas la personne mais bien l’idée qui me déplaît : je ne vois pas en quoi faire un jeu “mature” sort des sentiers battus.
Un jeu comme London 1888 est très “mature” dans sa construction : image d’archives, personnages et cartes événements qui reposent sur les faits réels. Est-ce que ça en fait un bon jeu ou un jeu qui fait réfléchir pour autant ?
A l’inverse, un jeu comme Terra est volontairement “gnangnan” dans ses illustrations. Pourtant les règles du jeu s’inspirent de la notion de passager clandestin et fait vraiment réfléchir sur nos comportements en tant qu’acteur. L’un des plus grands problèmes du développement durable provient du dilemme de bien commun (mon geste n’a aucune incidence si les autres ne font rien). Le jeu simule simplement et très intelligemment cela. Si les règles du jeu ne sont pas cyniques, notre façon de jouer l’est totalement. Le jeu est semi-coopératif (un seul vainqueur mais impossible de gagner sans un minimum de coop’). Bref, le jeu traite d’un thème très “hype” avec des illustrations très “bon samaritain” mais propose une expérience étonnamment intelligente avec un regard beaucoup moins gnangnan qu’on pourrait le croire. Et c’est le mécanisme du jeu qui fait ça.
La notion de réalisme est très souvent, et à tort selon moi, au tragique, au trash, au gore, au glauque. Pourtant, je suis sûr que l’ensemble des personnes qui fréquentent le forum trictrac vivent des vies tout à fait “normales” et que ses vies “normales” (ou banales si vous préférez) sont toutes aussi “réalistes” que ce qui se passe dans les UMD.
Ce serait même plutôt le contraire : les patients des UMD ont perdu contact avec la notion de “réalité” (désignée comme telle par une majorité d’individus - plusieurs psychologues insistent justement sur le côté très relatif de la réalité objective).
JYM, que tu sois “un peu inquiété” par le fait que le jeu de société soit un “média pas si libre que ça” m’amuse presque. Les éditeurs sont des gens comme tout le monde qui font des choix somme toute assez rationnelle en prenant en compte leur propre intuition / appréciation d’un jeu mais aussi ce que recherchent les joueurs / acheteurs potentiels. On est quand même à des années lumières d’un système totalitaire qui nuirait à la liberté d’expression. Perso, je serais ravi s’il y avait pus de jeux comme Terra, à la fois simples et avec un message “intelligent”. En même temps, j’achète surtout des jeux pour me divertir. S’ils m’amènent à réfléchir, ce n’est que du bonus. Pour autant, il me semble que le jeu de société “média pas si libre que ça” n’a rien d’inquiétant, pour deux raisons principales :
- la première tient dans la nature du média. Un jeu, pour être intéressant, doit proposer des mécanismes intéressants, parfois au détriment du thème. Certains jeux de plateau, voulant simuler leur thème le plus fidèlement possible, finissent par se perdre par des règles compliquées, des possibilités de jeu dont on ne voit pas l’intérêt, des tours de joueurs interminables… Bref, le seul message qui passe dans ce genre de jeu, c’est “yep, ben je suis pas prêt d’en refaire une”.
C’est l’adéquation entre le mécanisme et le thème qui définit l’intérêt du jeu et permettra de faire passer un message. Le fait que le thème soit traité de manière sérieuse participe à l’ambiance, qui n’est présente que si le mécanisme créé une ambiance. Aussi, il faut bien garder à l’esprit que tous les médias ne permettent pas de diffuser toutes les émotions. Notamment, la gamme d’émotions que l’on peut raisonnablement espérer faire passer dans un jeu de société me semble assez restreinte.
- la seconde vient tout simplement du fait que ce soit faux. Le jeu de société est un média totalement libre. Tu peux faire un jeu sur ce que tu veux, en le traitant de la manière que tu veux. Aucune loi ne t’interdit de le faire. Comme tu l’as dit d’ailleurs, tu peux le proposer sur internet comme un jeu gratuit. C’est juste si on veut tirer profit d’un jeu, qu’il soit diffusé à grande échelle et le succès commercial du jeu soit le succès de son auteur (bref, flatter son ego) que les problèmes se posent et qu’il faut “jouer le jeu des éditeurs”.
Voilou, encore une fois, ce n’est pas contre toi. L’idée peut être très sympa mais il ne faut pas espérer pouvoir faire ressentir les mêmes émotions dans un jeu que dans un film d’horreur, à moins de trouver une façon de faire sortir Sadako d’une carte à jouer…
Si l’important est de diffuser un message, il faut bien réfléchir au canal utilisé. Si l’important est de faire un jeu sympa sur un thème fort et original, il faut surtout réfléchir à l’adéquation mécanisme - thème.
Ton idée du joueur qui perd le contrôle de lui-même est intéressante mais serait-ce vraiment intéressant à jouer ? Est-ce que le joueur serait vraiment effrayé par l’accès de fureur de son personnage et se rendrait compte du côté tragique d’être un aliéné ? Ou serait-il simplement frustré, parce qu’il a enchaîné plusieurs mauvais jets de dés ?
Pour finir, je pense comme toi que le jeu peut être un support formidable pour ouvrir de nouveaux horizons. Mais, pour moi, ton projet de jeu n’en ouvre justement pas. Le traitement “réaliste” (= glauque) d’un thème tragique et dont on parle peu n’a rien d’original en soi.
Je vais suivre ton texte dans l’ordre mister.dante.
Les troubles ne se soignent pas,oui. J’avais cru le comprendre de mon interlocuteur qui mentionnait “les fortes injections de neuroleptiques”. Pas toujours de crises violentes, entièrement d’accord.
Je tiens à te préciser que je n’intégrais pas une notion de voyeurisme malsain de cette idée et que le but n’est pas QUE le trash, mais que quand il existe ne pas le cacher.
J’aime ta critique sur le sujet de la réalité. Effectivement, je pense que tu as raison, mes personnages sont au contraire hors réalité finalement. Alors que les gens de tous les jours sont en plein dedans, j’ai aussi un jeu où tu fais tes courses dans un hyper, c’est réaliste aussi. Enfin, là c’est beaucoup plus fun.
De la même manière, ta réflexion sur ce que le jeu amène comme émotion est très juste. C’est un point que j’avais négligé, je l’avoue. Je ne peux effectivement espérer faire passer certaines émotions au travers d’un jeu. Sinon, celles que tu as ressenties en lisant, à savoir le tragique et le reste qui devront beaucoup à l’illustration.
J’aurais toutefois un désaccord sur le joueur qui perd le contrôle de lui-même, je pense que ce peut être une mécanique marrante. Un peu comme l’ivresse somme toute.
Je vais relire ton intervention…et méditer…J’ai beaucoup apprécié tes remarques.
Hé ! pas la peine de me dire deux fois “ce n’est pas contre toi”, je ne suis pas paranoîaque - blague - C’est vrai, je poste pas un forum pour avoir l’avis de joueurs, si je n’étais pas capable de lire les remarques et critiques des autres.
Groddur - je me fous que ce jeu soit joué ou non. Si aucun testeur n’en veut, je le mettrai à la poubelle avant même d’avoir construit un proto définitif. C’est le sujet qui m’a interpellé. Je le recaserai d’une autre manière un de ces jours si je n’abouti pas comme je l’entends.
JYM dit:Groddur - je me fous que ce jeu soit joué ou non
Pourtant, un jeu n'existe que par le fait d'être joué. C'est en étant joué qu'il vit, échappe en partie à son auteur et peut provoquer des réactions.
J’ai regardé ton site - très bien fait au passage - et j’avais justement vu le jeu sur les courses dans l’hypermarché. L’idée me semblait amusante. Justement, j’apprécie les jeux qui prennent un thème violemment banal et le tourne en dérision / exagération de manière à le rendre amusant. En lisant ton poste, je me disais que ce serait un “vrai” défi de faire un jeu amusant sur la maintenance d’une maison (ménage, repassage, lessive). Mais bon, je ne pense pas que je pousserais mes réflexions très loin sur le sujet…
Pour ce qui est du trash, je pense qu’on a à peu près le même point de vue. Quitte à traiter un sujet, autant ne rien en cacher, mais attention tout de même à ne pas verser dans ce qui le rend commercial : le côté “sensationnel”. Et là, le trash tient une place première dans pas mal de médias. Le jeu de société s’en tire peut-être pas plus mal de ne pas faire partie des médias qui se servent du trash pour vendre.
Pour le mécanisme, je posais juste la question. C’est une idée excellente que de “matérialiser” la folie sous la forme de perte de contrôle. C’est justement cela l’aliénation mentale, le fait de ne plus être “maître en sa propre demeure”, contrairement à une image romancée de la folie libératrice, du pétage de plomb catharsique.
C’est précisément autour de ce mécanisme de perte de contrôle que le jeu doit tourner et donc sur lequel tes réflexions doivent porter. La perte de contrôle intervient-elle de manière arbitraire ou lors d’une phase précise ? Un joueur peut-il “prévenir” une perte de contrôle ? Un symptôme disparu peut-il resurgir suite à une perte de contrôle ? Bref comment arrive une perte de contrôle, qu’est-ce qui la déclenche et qu’est-ce qu’elle entraîne ?
Je dis tout ça parce que si l’idée est intéressante, elle ne doit pas se traduire par quelque chose de purement hasardeuse dans le jeu (agaçant pour certains joueurs) ni purement contrôlable si on dispose de toutes les clés ou d’une connaissance “parfaite” du jeu.
Et pendant que j’y suis, j’ai remonté un post créé par Astur qui proposait une idée qui me semblait originale pour un jeu : être récompensé parce qu’on est gentil !
Et pendant que j’y suis, j’ai remonté un post créé par Astur qui proposait une idée qui me semblait originale pour un jeu : être récompensé parce qu’on est gentil !