Ce sujet fait suite à la brève sur le reportage du Spiel : cliquez là !
Cher Monsieur Tom-le-termite,
Tom-le-termite dit:disons que le ton a la fin de l’article est un peu amer…
Ben, en gros, je dis 2 choses à la fin : 1/ que je ne suis pas un grand amateur de “Zooloretto”, ce qui ne veut pas dire que le jeu n’est pas bon ou ne mérite pas le Spiel. 2/ que ça va se vendre et que le but est de vendre du jeu.
Maintenant, forcément, j’aurais comme un grand nombre aimé voir gagner “yspahan”, mais le jury est souverain et il a forcément raison puisque quoi qu’on puisse en dire, “Zooloretto” et “Yspahan” étaient au coude à coude que ce soit chez les joueurs ou ailleurs.
Sur le point 2, c’est une chose qui m’a surpris lors des discussions que j’ai pu entendre sur place. L’argent, les ventes est une variable très importante. Ce n’est pas mal en soit, qui refuse de l’argent ? Pas moi. Juste, on l’oublie un peut trop souvent quand on pense “prix ludique” ou qu’on a une vision exclusive de joueur… Et je pense que le Spiel est un prix qui doit faire vendre du jeu. Quand on a intégré ça, on voit la chose différement. Et c’est un peu ce que j’ai essayé de dire dans l’article (en écrivant ça dans le train tout fatigué que j’étais )
Ce qui est rigolo, c’est qu’on ne parle absolument pas des autres jeux )
l’aspect financier ne m’est absolument pas venu a l’esprit dans mon mot “amertume”.
d’ailleur karis le dit lui meme:
karis dit:Le sentiment d’amertume général est dû au fait que nous avons rapidement compris en arrivant à Berlin (bruits de couloirs et autres) que ce serait Zooloretto ou Yspahan.
La deception est legitime et je comprend tout a fait.
Mon intervention n’etant donc pas une critique, mais un constat. vous etes decu, tout autant que beaucoup sur ce forum, moi y compris puisque je souhaitais voir Yspahan gagner.
Et je ne comprend pas pourquoi partir sur une discussion de l’aspect financier de la chose
tom-le-termite dit:Et je ne comprend pas pourquoi partir sur une discussion de l’aspect financier de la chose
Ben, pour discuter quoi. Moi, sur place, ça m’a marqué. Lors d’une discussion avec l’organisatrice d’Essen par exemple… Et je pense que pas mal ne pense pas à ça quand ils pensent speil ou salon, et donc, je me dis que du coup, c’est pas mal en tant que témoin d’évoquer le truc.
Mais un truc d’entendons nous bien, perso je n’ai pas d’amertume du tout, que ce soit “Yspahan” ou pas, ça ne change rien si ce n’est le ton où le récit de la vision “franophone” que j’ai essayé de transcrire.
phal-un-shoulliat-deçu dit:on, passez le ressentiment de protectionnisme, celui de “ouais, c’est un prix pour les allemands par des allemands”, force est de constater que même si l’on est pas fan de “Zooloretto”, ce qui est mon cas, il a toutes les qualités pour se vendre en masse. Le jeu est simple, rapide, avec juste ce qu’il faut de stratégie et de hasard pour laisser une chance de victoire à tous les membres d’une famille. Ce qui caractérise sans doutes le Spiel à l’heure actuelle. L’illustration de lé boîte, par exemple d’aussi, avec le petit panda, sachant que les allemands sont raides dingue de Knut l’ours blanc du zoo de Berlin
en effet, on occulte le mode journalistique là… on est plus dans le journal intime… mais puisque nous sommes tous des voyeurs en puissance, continuez a nous montrer votre journal intime
Je suis moi aussi déçu pour Sébastien Pauchon et Ystari (doublement même, vu que je suis franco-suisse). En même temps, ça me fait plaisir pour Michael Schacht. Je ne connais ni zooloretto ni coloretto, mais je suis fan de K&K, magna grecia, Don, etc.
Pour le panda, j’ai vu que mayfair game va sortir le jeu avec une thématique moyennageuse: ça s’appellera Patrician et ça me fait tout de suite plus envie que les zolis animaux du zoo…
Je me pose les mêmes questions que Monsieur Phal concernant le SDJ. En deux mots :
1. Comme tous les prix, le SDJ repose sur une base de choix subjective. D’excellents jeux peuvent ne pas être primés. Loin d’être un problème, la subjectivité d’un jury est justement ce qui lui donne sa personnalité, et qui fait donc la valeur du prix qu’il décerne.
2. Est-ce que les retombées financières pour le monde du jeu en général seraient les mêmes si le prix avait été accordé à Yspahan plutôt qu’à Zooloretto ? On peut en douter, Zooloretto semblant susceptible de faire plus de ventes. Or prendre en compte ce facteur économique amène en toute logique, toute chose perçue comme égale par ailleurs, à provilégier des jeux à plus forte potentialité commerciale.
La question est donc : un membre du jury doit-il intégrer cette logique commerciale dans ses critères de choix ? Si on répond oui, est-ce que ça ne pose pas un problème de biais vis-à-vis des éditeurs dont l’orientation éditoriale est moins porteuse sur le plan marketing ? Est-ce que ça ne risque pas de contribuer à terme à une uniformisation qualitative de l’offre ? Car ce n’est pas juste un prix parmi d’autres : c’est LE prix, dont l’attribution pèse lourd en terme de poids économique.
Il me semble que c’est une question critique car la survie de bien des éditeurs ne tient qu’à un fil. Et donc paradoxalement, tenter de donner un coup de pouce “par le haut” au marché du jeu, pourrait au final contribuer à l’étouffer “par le bas”.
Ted Lapinus & Phoenix dit:Est-ce que ça ne risque pas de contribuer à terme à une uniformisation qualitative de l'offre ?
Ca me semble assez évident. C'est une (belle) opération de popularisation de jeux grand public moins cons que le Monop', pour faire bref. Ca sous-entend que des tas de grands jeux ne pourraient jamais y prétendre et que des tas de grands auteurs dont les créations nous ont valu des heures de plaisir ne l'auront jamais, dans leur style habituel (à quand Splotter au SdJ ? ). Après j'imagine qu'il est toujours sympa pour un auteur de choper le SdJ (considérations financières, qui ne sont pas méprisables, à part) même si ce style de jeu n'est pas son créneau habituel. Un peu comme un cinéaste européen qui attrape l'Oscar du meilleur film (oui, je sais, assez improbable). Ca ne veut pas dire qu'il a fait / qu'il fera du blockbuster hollywoodien toute sa vie, mais c'est bon pour le moral.
Si ca peut élargir un peu le public du "jeu de société moderne" (dieu qu'elle est laide cette appellation), tant mieux, et à la marge attirer plus de monde vers des jeux un peu plus élaborés. Pour des joueurs plus diversifiés et/ou exigeants, et évidemment sans sombrer dans le snobisme, il y a peut être lieu de replacer ce prix dans son contexte et son importance. Beaucoup d'entre nous préfèreront passer une soirée sur un TI3/Antiquity/Puerto Rico/Caylus/votre-jeu-"exigeant"-préféré que sur Zooloretto ou tout autre lauréat du SdJ qui, avec le temps, va de plus en plus devenir une machine à pondre des sous.
Ted Lapinus & Phoenix dit: 2. Est-ce que les retombées financières pour le monde du jeu en général seraient les mêmes si le prix avait été accordé à Yspahan plutôt qu'à Zooloretto ? On peut en douter, Zooloretto semblant susceptible de faire plus de ventes.
Alors moi, c'est de là que viendrait mon amertume. Le jury a très bien expliqué son choix et on ne va pas revenir dessus, mais il ne faut pas oublier que des jeux comme El Grande ou Tikal (bien plus complexes qu'Yspahan) se sont très bien vendus (le "virage commercial" se situant entre l'échec de Torres et le succès de Carcassonne). El Grande avait même dépassé les ventes de Catane (lui-même bien plus compliqué que la plupart des spiel actuels) sur une année...
Donc, puisqu'on peut supposer que le public n'est pas forcément plus bête qu'avant, cela veut dire qu'il y avait de la place pour un poil de complexité. Avec tout mon respect pour Zooloretto, je ne suis pas du tout sûr qu'Yspahan aurait fait un mauvais Spiel et je pense que sa haute rejouabilité aurait pu lui garantir de très bonnes ventes à moyen terme, mais nous ne le saurons jamais et c'est bien dommage...
L'architecture du prix fait qu'un seul jeu est dans la lumière et que les autres n'obtiennent que des miettes. Mettre un jeu dans la lumière est évidemment la bonne solution (car de multiples gagnants troubleraient l'image du SdJ) mais on ne mesure vraiment l'ampleur du fossé que quand on reste sur le bord de la route alors que la Ferrari s'en va, et là ça déprime un peu
Prendre en compte les retombées économiques possibles d’un jeu pour remettre un prix, je trouve ça lamentable. Vraiment lamentable. L’industrie (l’artisanat ?) du jeu est une industrie de prototypes. Ce qui veut dire que par définition, personne ne peut prévoir à l’avance si un jeu se vendra ou non. Si c’était le cas, les éditeurs ne proposeraient que des best-sellers. Or ce n’est pas le cas. C’est LA-MEN-TA-BLE !
MOz dit: L'industrie (l'artisanat ?) du jeu est une industrie de prototypes.
je pense que tu confonds le marché allemand et le marché français. le Spiel des Jahres est décerné en allemagne par des allemands avec, sauf erreur de ma part une charte relativement précise concernant les critères. les chiffres et les mécanismes économiques ne sont pas transposables. et je comprends vraiment le vide ressenti à rester sur le quai pour Ystari, entreprise inovante et performante, tant en terme de produit que de positionnement. reste à la France à dégager un prix qui correspondrait plus à la physionomie de son marché. avec Cannes, on a de belles occasions de promouvoir le jeu en direction du public et d'éclairer la production des maisons d'édition françaises. c'est peut-être aussi l'occasion de réfléchir et d'enclencher une vraie dynamique autour de cette manifestation.
Kouynemum dit: avec Cannes, on a de belles occasions de promouvoir le jeu en direction du public et d'éclairer la production des maisons d'édition françaises. c'est peut-être aussi l'occasion de réfléchir et d'enclencher une vraie dynamique autour de cette manifestation.
Surtout avec le changement dans le fonctionnement de l'As d'Or.. c'est l'occasion de booster !
MOz dit:Prendre en compte les retombées économiques possibles d'un jeu pour remettre un prix, je trouve ça lamentable. Vraiment lamentable. L'industrie (l'artisanat ?) du jeu est une industrie de prototypes. Ce qui veut dire que par définition, personne ne peut prévoir à l'avance si un jeu se vendra ou non. Si c'était le cas, les éditeurs ne proposeraient que des best-sellers. Or ce n'est pas le cas. C'est LA-MEN-TA-BLE !
Je suis d'accord avec toi même si cette part de réflexion sur la "rentabilité" potentielle des jeux en lisse pour le Spiel me semble inévitable.
Un bon spiel (en termes de ventes) engendrera davantage de retombées sur le monde du jeu et peut entraîner un cercle vertueux et favoriser la création.
Je sais c'est assez cynique mais c'est quelque chose de récurrent dans des domaines en quête de reconnaissance et d'exposition.
A ce titre Zooloretto sera peut-être un excellent spiel, et il faudrait le considérer désormais comme le porte drapeau du JDS.
...et n'oublions pas que la plupart des plus grands jeux n'ont jamais obtenu le prix (ni le plus grand des auteurs d'ailleurs..).
dardar dit: Je sais c'est assez cynique mais c'est quelque chose de récurrent dans des domaines en quête de reconnaissance et d'exposition.
ce n'est pas cynique, non. on dirait que le monde du jeu n'est qu'un univers de doux illuminés qui créent pour créer et accessoirement, pour combler la passion d'autres gentils dingues.
il faudra quand même arriver à admettre que cet univers repose sur un marché et que si les éditeurs ne vendent pas avec des marges suffisantes il n'y a plus de production possible. vendre plus de jeux grâce à un prix, ce n'est pas cynique, c'est économiquement naturel. maintenant, ça ne veut pas dire non plus que les acteurs de ce marché ne soient pas des passionnés, mais la passion si elle ne s'accompagne pas d'un peu d'efficacité commerciale reste inopérante à élargir lechamp de cette passion. ce que l'on peut regretter c'est que ce booster commercial ne puisse pas profiter à un type de jeu moins lisse. la même problématique a surgi à propos de Cannes : il y a sûrement des choix de rentabilité commerciale à faire en direction des acteurs de ce marché si l'on veut dynamiser le secteur grâce au Festival.
dardar dit: Je sais c'est assez cynique mais c'est quelque chose de récurrent dans des domaines en quête de reconnaissance et d'exposition.
ce que l'on peut regretter c'est que ce booster commercial ne puisse pas profiter à un type de jeu moins lisse.
ça, c'est subjectif
plus ou moins, quand même. on ne peut pas dire qu'Yspahan et Zooloretto recouvrent les mêmes publics, ni ne nécessitent les mêmes investissements en terme de règle.