Dexter269 dit :eldarh dit :Ha oui ok, ça s'arrange pas les trad'.
Merci.
[...]
Du coup, ça m'interpelle quand à la professionnalisation du secteur. Il y a de plus en plus de jeux qui sortent, de plus en plus de joueurs et d'achats, mais pas pour autant une augmentation de la qualité des traductions. Et c'est dommage. Je pense qu'il est temps que certaines facettes des jeux de société soient prises au sérieux. Il y a la traduction qui ne devrait être faite que par des traducteurs professionnels spécialisés dans les jeux. [...]
Désolé d'entretenir le HS, mais : je suis traducteur à mon compte, spécialisé dans le jeu de société, et en effet je te confirme que tous les auteurs ou éditeurs n'abordent pas la problématique de la traduction de la même façon.
Pour autant j'ai le sentiment que de plus en plus d'auteurs ou d'éditeurs comprennent l'importance de la traduction. Enfin, disons plutôt qu'ils comprennent qu'une mauvaise traduction peut proprement ruiner un jeu ; il faut aussi prendre en compte le fait que tout le monde ne se balade pas sur les forums spécialisés à la recherche de correctifs ou de précisions. Du coup, je rencontre de plus en plus d'éditeurs (ou d'auteurs) qui y apportent un soin particulier.
En conséquence j'ai développé des partenariats avec plusieurs éditeurs qui me font confiance et qui semblent satisfaits du boulot. Mais j'ai aussi rencontré beaucoup d'éditeurs qui me disent ne pas avoir besoin de traducteur parce que tout est géré en interne, ou qui font appel à des passionnés, trop heureux de rendre service contre une boîte du jeu traduit. Ainsi tout le monde est content : le jeu est traduit, le passionné a sa boîte "gratuitement", et l'éditeur n'a rien à payer.
Sauf que ... !
Il y a des passionnés qui font un boulot formidable : après tout traduire un jeu de société ne demande pas nécessairement d'être traducteur assermenté ; il faut être efficace, cohérent, méthodique, maîtriser parfaitement l'anglais (l'allemand) et le français, et surtout être joueur. Certains passionnés seront meilleurs qu'un traducteur non spécialisé, précisément parce qu'ils ont de l'expérience en tant que joueur et qu'ils sauront "sentir" le jeu. Les bonnes volontés ne manquent pas dans le monde du jeu après tout, et on trouve régulièrement des gens qui vont se dépasser pour proposer une traduction d'un jeu qui leur tient à cœur et qu'aucun éditeur ne propose.
Mais il y a aussi des passionnés qui malgré toute la bonne volonté du monde ne sont pas capables de fournir une traduction satisfaisante et laisseront passer des approximations, des erreurs, des maladresses... et c'est là que le bât blesse justement. Et la peine est double car un éditeur ne peut pas vraiment se retourner contre un passionné qui a voulu rendre service mais l'a fait maladroitement.
A contrario (pas le jeu, l'expression) un professionnel spécialisé maîtrise normalement à la fois la méthode, le bagage technique, et le "sens" du jeu justement. Alors oui il sera plus cher – mais c'est le prix de la tranquillité. Passer par un passionné, c'est un peu lancer une pièce : ça peut être un bon plan si la personne est douée, et dans ce cas c'est tout bénéf ; mais ça peut aussi être une catastrophe qui coûte au final plus cher que l'économie que l'on voulait faire (correctifs, reprints, temps perdu à corriger, image de marque, etc.). Notez que c'est vrai aussi pour la relecture qui est un peu le parent pauvre de la traduction, qui arrive en toute fin de projet quand les délais sont serrés, et qui passe bien souvent à la trappe.
Enfin il arrive à tout le monde de faire des erreurs, passionnés comme professionnels ; la différence c'est qu'une erreur "professionnelle" pardonne beaucoup moins (et c'est la raison pour laquelle je m'efforce d'être extrêmement vigilant dans mon travail – si on paie pour un service, il doit être nickel).
Pour terminer il faut signaler aussi que le jeu de société est un secteur qui s'est énormément professionalisé ; il n'est que légitime qu'un joueur qui paye une boîte 50€ attende une traduction irréprochable. Dans le temps, tu récupérais ton Caylus à vil prix, tu récupérais la traduction comme tu pouvais, c'était un peu le système D... mais je crois que cette période est terminée et que la traduction va de plus en plus se professionnaliser, peut-être un peu plus tardivement que le reste.
Car oui cela reste un métier à part entière, comme l'illustration ou la maquette : on conçoit difficilement qu'un éditeur illustre un jeu sans passer par un illustrateur... pourtant on conçoit qu'il le traduise sans passer par un traducteur. Avec parfois, le résultat que l'on connaît.
(désolé du pavé, c'est un sujet qui me tient à cœur !)