Oh, mon Dieu !
Excusez-moi… Les habitués du forum savent que je suis catholique. Catholique pratiquant, convaincu… j’adhère à la doctrine de l’Eglise et j’ai le plus grand respect pour l’Eglise, qui n’est pas qu’institution, mais épouse du Christ, corps mystique, peuple constitué de pécheurs et préfiguration de la Jérusalem céleste.
Vous avez trop écrit pour que je prétende avoir tout lu en détail. Je vous ai suivi jusqu’à la page 7 avant de me décourager. Cependant, permettez-moi quelques remarques personnelles.
- Tout d’abord, je suis d’accord avec la plus grande partie de ce qu’écrit Eric, tout simplement parce qu’il sait bien de quoi il parle, ce qui est bien pratique dans quelque débat que ce soit, n’est-ce pas ? Beaucoup jugent les religions par l’entremise d’un ensemble de représentations que je ne qualifierais pas de culture. Je pense à ces histoires d’individus sans âme que l’on veut convertir de force. Comment voulez-vous convertir quelqu’un qui n’a pas d’âme ?!
Un classique de la “femme sans âme” ou de “l’indien/le noir sans âme”. Pour les Chrétiens du Moyen-Age et de l’époque moderne, la question de l’âme des Noirs ne s’est jamais posée : au contraire, ils comptaient bien sur une alliance avec le Royaume du prêtre Jean (l’Ethiopie) pour prendre à revers les Musulmans. D’ailleurs, ne représente-t-on pas depuis quelque temps les Rois Mages comme chacun d’une race différente ?
- Tiens, puisque l’on parle des Rois mages : oui, l’Ecriture ne parle pas des Rois mages mais tout de même des mages. Magoi, en grec, ce sont des prêtres de la religion zoroastrienne -surnommés pafois “adorateurs du feu” ou “Parsis”,mais qui méritent plutôt le nom de Mazdéistes.
- L’appellation “catholique romain” est typiquement protestante - mais je pense te l’avoir déjà dit, Eric, non ? Les catholiques ne s’appellent jamais ainsi entre eux. Nous nous appelons “catholiques”, tout court, notamment en raison de l’existence de rites orientaux dans l’église catholique, comme les rites syro-malankar, syro-malabar, etc. “Romain” est une appellation rituelle, or le rituel n’est qu’un habit (mais l’homme a besion d’habits).
- La raison n’est pas une puissance luttant contre la religion. La raison est une faculté de l’être humain. Et comme nous sommes unis, quand nous agissons, nous le faisons avec la totalité de nous-mêmes : nous nous impliquons dans nos actes avec notre raison, mais aussi notre psychologie, notre histoire personnelle, notre corps, notre volonté. Ainsi, même un acte d’adhésion implique la raison. La “foi” consiste en effet, comme le disait Eric, en une forme de confiance, mais elle ne s’oppose pas à la raison. Je dirais que l’on a de bonnes raisons de faire confiance à quelqu’un et de ne pas faire confiance à un autre ; il en est de même dans notre rapport à ce que l’on appelle la foi, de façon absolue. Quand quelqu’un décide d’adhérer, franchit le pas, il le fait généralement après avoir mûrement réfléchi, et à l’issue d’un itinéraire de conversion lent et patient. Les conversions instantanées n’existent pas. Même chose en ce qui concerne la doctrine et le dogme : les catholiques, et c’était même l’objet du message initial, ne croient pas tous en la doctrine de l’Eglise catholique. Comment peut-on donc penser que la doctrine est imposée ? En fait, chaque croyant fait son chemin, personnellement, et les Eglises en font autant. Le dogme est né de discussions intenses ; il s’est toujours limité à un nombre de points très restreint de ce qui est cru et vécu ( ne confondez pas dogme et doctrine : le dogme ne porte que sur quelques points, essentiellement de christologie, la doctrine est plus large mais n’a pas la même autorité). Bref, un être humain, qui, dans un aspect quelconque de sa vie, mettrait dans sa poche sa raison, ou son coeur, ou tout autre aspect de sa personne, serait profondément déséquilibré : il s’agit là d’un cas individuel relevant de la psychiatrie, pas du cas du croyant ou de l’incroyant moyen, à quelque époque que l’on se situe.
- Dans la mesure où, comme le disait en passant Eric, tenter de prouver tous les premiers principes est infaisable (toute tentative dans ce sens s’est soldée par un échec), on est obligé de vivre en admettant certains axiomes, pour ainsi dire - tels que le fait que j’existe vraiment, vous aussi, ainsi que le monde matériel (je parle de mes axiomes). Il s’agit là, au passage, de ce que l’on pourrait appeler des “actes de foi”. En constatant les limites de la raison, on doit normalement en prendre son parti, sans la rejeter, mais en lui donnant la place éminente qui lui convient. Est-il raisonnable et assuré de proclamer haut et fort l’inexistence de Dieu ? En fait, l’agnostique est plus prudent. Mais tout homme accepte de mener sa vie dans un monde composé de choses qu’il admet, et qu’il ne peut ni pratiquement mettre en doute, ni, à l’inverse, fonder avec fermeté. Kadotori, tu te places dans une perspective politique, militante et historique, donc tu durcis ton langage ; mais tes thèses ne sont pas plus fermes que les autres. Tu es dans le domaine du possible, c’est tout : soit tu parles de faits précis, mais ce ne sont que des cas particuliers, qui constituent un dossier, mais pas une certitude, soit tu te places dans le champ des principes, et là tu témoignes de croyances plutôt que d’une démarche vraiment rationnelle.