Galuf, le brut de ta fiche de paye ne représente qu’une partie du coût réel de ton salaire à l’entreprise. La majorité des salariés ne comprennent pas bien cela, et sont persuadés que le brut feuille de salaire est le coût exacte, mais c’est faux.
Oui, en Belgique pour un employé le rapport est plutôt 1500 net, 3000 brut et 4000 coût pour l’entreprise une fois les cotisations sociales et patronales payées.
C’est bien beau tout çà mais… En quoi, en tant qu’acheteur, je dois prendre en considération si un jeu a pris 5 minutes à être créé ou dix ans ? Le seul critère du prix que je suis prêt à mettre c’est le matériel. On ne peut pas parler de l’intérêt du jeu car un jeu génial pour certains peut-être inintéressant pour d’autres. Est-ce qu’un livre va se vendre plus cher qu’un autre au prétexte que son auteur a mis 20 ans à l’écrire ? Non. Si un réalisateur met 5 ans à faire son film c’est son problème mais le prix de la place reste le même.
Dans ce cas je peux te faire des boîtes blanches, super carton 3mm, plein de cubes et de morceaux de plastique à un prix imbattable. Avec des marqueurs en prime pour faire ton propre jeu, puisque seul le matériel compte.
Tu vois le problème avec ce raisonnement ? Un petit peu quand même ? Non pas du tout ?
Après il faut aussi voir qu’avec la professionnalisation du secteur, les gros éditeurs peuvent alterner les risques. D’un coté, (ou pas) des jeux dont la rentabilité est assurée, citons au hasard des extensions par milliers de jeux qui marchent bien (oui oui carcassonne, dominion et zombicide au fond), des traductions de jeux qui ont déjà été rentabilisé outre atlantique (oui messieurs ffg france, euh edge pardon, par exemple). De l’autre ils se doivent d’encourager la création. Attention je ne crache pas sur les jeux rentables, ni les éditeurs qui les éditent (oui j’ai carcassonne, pandémie, timeline, assaut sur l’empire, ou encore x-wing et leurs myriades d’extensions, pour ne citer que ceux la). Par contre je pense que les joueurs ont conscience qu’éditer un jeu n’est pas gratuit et sont prêt à financer son développement via KS, j’en veux pour preuve le financement de 7th continent, qui est le parfait exemple du jeu novateur, dont le financement KS participe à la préproduction du jeu. Du coup à mon humble avis il y a bien moins d’idée reçue, et les joueurs sont bien moins candides que tu ne sembles le faire croire.
Il y a en fait 2 paramètres en prendre en considération :
- A. combien les joueurs sont prêts à donner pour acquérir le jeu
- B. combien le jeu coûte à produire (y compris la conception et les salaires)
… et l’éditeur ne peut prendre la décision d’éditer le jeu que si B
Dans un projet comme 7th continent il y a un énorme apport préalable par les créateurs : développement des centaines de cartes, illustrations, marketing et communication. C’est un premier projet mais un poids lourd et s’ils ont du recourir à KS c’est justement me semble t’il parceque après avoir investi autant en amont c’était nécessaire pour aller au bout et payer la production.
“Je peux te faire des boîtes blanches, super carton 3mm, plein de cubes et de morceaux de plastique à un prix imbattable. Avec des marqueurs en prime pour faire ton propre jeu, puisque seul le matériel compte.”
Tout-à-fait. Sauf que je ne l’achète pas car ce “jeu” ne m’intéresse pas.
Tu vois le problème avec ce raisonnement ?
@roolz : mal formulé, quand je disais qu’on ne “parlais plus du jeu” je voulais dire “plus spécifiquement du jeu”…
merci Éric pour ton article très intéresant et très instructif.
Ca fait 30 ans que c’est ce que fais l’industrie du jeu vidéo. Ils te vendent un matos qui coûte quelques cents à produire à plus de 50€. Tu n’achètes QUE de la réflexion intellectuelle qui se traduit par quelques images sur ton écran et un gameplay qui te plait ou non. C’est sûrement ce que n’a pas réussi à faire le jeu de société : faire comprendre aux gens qu’ils achètent avant tout une idée. Le support n’est qu’un moyen de retranscrire l’idée. Pour le jeu vidéo, ça ne choque personne. Un jeu qui a demandé 8 ans de développement est souvent vendu plus cher qu’un jeu qui a demandé 3 ans. Dans le jeu de plateau, que le développement ait demandé 3 semaines ou 3 ans, l’acheteur paye le même prix (à matos équivalent). Mais c’est clair qu’avec le mouvement institué par le financement participatif, on ne reviendra plus en arrière : c’est un mode de financement qui ne mets en avant que le matos (au détriment des règles) et donc clairement on voit bien que l’acheteur est près à mettre 100€ dans un jeu moyen au matos pléthorique mais pas dans un jeu génial au matos classique. Clairement, j’achète un Splotter en carton à 100€ mais pas un Zombicide plein de plastique au même prix. Mais je suis une exception, le travail de l’auteur me semble beaucoup plus important que celui du sculpteur pour mon plaisir. Mais je suis une exception, je le sais.
Difficile comparaison. Si, au final, le jeu vidéo est vendu 50€ comme le jeu de société, le coût de production final n’est pas le même. Pour le jeu vidéo, cela coûte de moins en moins cher alors que le jeu de société reste toujours aussi coûteux. Cependant aujourd’hui le coût de développement d’un jeu vidéo est sans commune mesure avec celui d’un jeu de société. Et puis il y a tout de même le matériel. Crois moi lorsque mon fils a payé sa console il se rend bien compte qu’il n’achète pas une idée mais bien du matériel. Quelques cents à produire pour le jeu certes mais des milliers de dollars de développement. Tu sais bien le nombre de poste qu’il faut pour un jeu vidéo; rien à voir avec un jeu de société où la plupart des structures se composent de 3 ou 4 personnes. Par contre il est vrai que le financement participatif ne met en avant que le matériel pour vanter le jeu. Je ne parlerai de Conan que le jour où je le verrai; enfin plus exactement le jour où j’y jouerai…en 2025 tel que c’est parti.
“C’est justement tout le problème si les joueurs ne prennent en compte que le prix du matos :-)”
Mais comment peut-il en être autrement ? Tu ne peux pas vendre un jeu plus cher qu’un autre au prétexte de l’idée. Tu vas dire que ton jeu est génial alors tu le vends 200€ même s’il n’a que 3 jetons et 10 cartes ? Tu vas dire que ton jeu t’a demandé 10 ans de travail et donc le vendre 200€ ? Reconnais que c’est impossible.
Il n’y a que deux façons d’accepter pour un client de payer le prix fort : le matériel et/ou la licence.
Qu’est-ce que j’en ai a foutre que Micro-bidule ait passé 2 ans a développé son jeu. Certes, c’est sans commune mesure, mais tu acceptes de payer pour un jeu vidéo, et pas pour un jeu de société. Même si c’est plus cher pour un jeu vidéo, ça coûte quand même très cher pour un jeu de société. La seule différence, c’est que dans le jeu de société, le développeur n’est pas payé, il fait tout bénévolement. Mais sinon, c’est exactement la même chose, sauf que le jeu vidéo a réussi à imposer le fait que taper des lignes de codes, ça doit être rémunéré alors que le jeu de société n’a pas réussi à faire comprendre qu’équilibrer tel ou tel mécanisme ça devrait aussi l’être (ça représente des dizaines voire des centaines d’heure de boulot).
Rémunéré certes mais pas par le client final. C’est tout simplement impossible. De toute façon c’est la même chose en interne. Si tu as inventé un jeu que tu vas présenter à un éditeur, tu vas lui dire : je veux 50% de droits d’auteur parce j’ai passé 10 000 heures à créer ce jeu; je pense qu’il va dire comme moi, il s’en fiche bien du temps que tu as mis. Encore une fois si un romancier a mis 2 jours ou 10 ans à écrire son bouquin, l’éditeur ne vas pas pour autant lui donner un pourcentage plus élevé. Imagine : Tolkien a mis 12 ans a écrire The Lord of the Rings…
C’est un bien triste constat, pour els éditeurs et surtout pour les auteurs: leur travail de création n’est pas du tout valorisé. à te lire, qu’ils aient bossé comme des malades ou torché le truc en deux jours, seuls le matos compte.
Tu dis que ton fils à conscience d’avoir acheté du matos, mais tu mélange la console et les jeux qui suivent. Une fois qu’il a sa console, quand il achète un jeu, niveau matos il reçoit soit un cd/dvd/br et un boîtier, soit … rien (downloads, DLC et clefs steam).
Il est donc clair qu’il paye pour avoir accès au jeu, et pas pour du matos.
Loïc a raison, c’est un truc que les jeux vidéos ont su faire et pour lequel le secteur du jeu de société à énormément de retard: mettre en valeur le fait que ce que nous produisons et vendons, c’est un jeu de réflexion, un produit culturel, et pas une boîte de carton et de plastique.
Et c’est clair que certains éditeurs s’en sortent mieux que d’autres, Splotter est un excellent exemple, quand on paye 70 àou 90 euros pour un antiquity, un roads and boats, great zimbabwe ou fats food magnate on comprend immédiatement que ce n’est pa sle matos qu’on paye mais bien le jeu.
(Et je suppose que quand tu vois ces jeux tu t’étrangles et tu trouves leur prix scandaleux, vu ton raisonnement.)
la comparaison avec le jeu video est vraiment pertinente : effectivement avec le JV le public accepte de payer non pas pour du matériel, mais pour les heures qu’il va passer à jouer.
L’absence de cout en matériel permet d’ailleurs des stratégies de vente interessantes, pour vendre au joueur au prix max qu’il est pret a payer. Excelent article sur le sujet ici:
http://www.nofrag.com/2015/mar/16/46717/
On retrouve ca dans certains KS de JdR et de JdS, avec des versions de luxe très cher ou des “all-ins” pour ceux qui veulent depenser des sous.
Dans le prix de vente, oui.
Maintenant si toi, en tant qu’éditeur, tu décides de valoriser leurs créations en les payant royalement tant mieux. Si cela peut te rendre moins triste.
Et comment sont ils payés par les éditeurs ?
Qu’ils aient bossé comme des malades ou torché le truc en deux jours, les droits d’auteurs n’en tiennent pas compte. C’est le nombre de boites vendues.
A noter aussi qu’en jeux vidéos la dématérialisation permet une approche commerciale différente : tu payes le jeu plein pot pour l’avoir à sa sortie, et si tu attends quelques mois le prix diminue, puis ca ressort en platinum ou autre promo, et finalement quelques années après tu l’as dans un humble bundle pour trois francs six sous.
Ca par contre c’est infaisable en jeux de société vu que même si le développement du jeu et les illus sont totalement amortis il faut recouper le prix du matos dans les retirages.
Mais ca serait intéressant de voir apparaître des stratégies de prix segmentées dans le temps : un prix avec une belle ristourne pour les backers si c’est financé en participatif, puis à la sortie un gros prix et 6-12 mois plus tard le prix diminue. Du genre 70€ à la sortie du jeu et 45€ six mois plus tard.
(je sens que ca va couiner…)