La première baffe ludique dont je me rappelle, c’est sans doute Heroquest, découvert lors de la fameuse dernière semaine d’école en primaire où tout le monde ramenait son jeu de société… Forcément, à 12 ans, comment ne pas être émerveillé par l’univers proposé par le jeu… Je me rappelle aussi Stratego : à l’époque, on parvenait sans peine à s’immerger dans l’univers d’un jeu pourtant abstrait. Et quel plaisir de tendre des pièges à l’adversaire sans être constamment à la merci des dés comme on pouvait l’être à Heroquest.
Quelques années plus tard, c’est Magic the Gathering qui m’avait fait découvrir une nouvelle dimension ludique. En courant de cercles de joueurs en tournois, j’ai aussi fini par déchanter devant la compétitivité exacerbée et l’argent de poche dilapidé en boosters.
Ensuite, c’est des Full Metal Planete, Risk, Fief 2, Civilization, Junta et Formule Dé qui m’ont réellement marqué : des ambiances toujours plus ou moins fantastiques, ou du moins fantasmées, mais dans un temps de jeu et un budget circonscrits. D’une manière toute relative concernant le temps de jeu, car rares étaient les occasions de terminer les parties ! Aujourd’hui, il n’y a guère plus que FMP que je continue à pratiquer (éventuellement Formule Dé en un seul tour de circuit et quatre joueurs max).
La vraie baffe ludique qui a suivi, c’est sans doute les Colons de Catane. Exactement le même plaisir de jeu que sur tous les titres précédents (univers onirique, interaction, négoce), mais en un temps de jeu et un plaisir littéralement concentrés. J’ai du en jouer des dizaines de parties à l’époque, et c’est vraiment ce jeu qui a commencé à m’inciter à regarder de plus près les créations ludiques « modernes ». Peu après a suivi Citadelles, un peu dans le même esprit finalement. Le bluff remplace le marchandage, et c’est tout aussi bien… En parallèle, je continue les jeux de conquêtes/diplomatie avec un autre groupe de joueurs. Plus le temps passe, plus je me rends compte que les interactions proposées par ces jeux m’intéresse de moins en moins : des situations diplomatiques toujours identiques, des alliances arbitraires contre lesquelles la meilleure stratégie au monde ne peut pas grand chose, la nécessité de « sous-jouer » constamment toute la partie juste pour ne jamais risquer de se retrouver avec un avantage trop visible et se retrouver la cible des ires adverses (jouer les Calimero c’est rigolo une fois). Citadelles a sans doute été un véritable révélateur : de l’interaction oui, voire de l’interaction directe, mais jamais arbitraire : un simple coup de bluff peut suffire à se protéger d’un assassin ou un voleur.
Avec les années, ce sont des jeux plus posés, plus « cérébraux », qui ont commencé à me marquer : Tikal et ses majorités, la gestion avec Puerto Rico, le retour de l’interactivité avec Tigre & Euphrate, Löwenherz ou Age of Steam, les enchères et planification avec Princes de Florence, la légèreté avec Müll + Money ou Ra. Après la grosse overdose sur les jeux de conquêtes, j’apprécie d’autant plus des jeux à l’interaction cadrée (enchères, négoces gagnant-gagnant, agressions arbitraires trop couteuses, etc.). Et aussi les premières douches froides : Carcassonne puis Alhambra, ultra-répétitifs au bout de dix parties m’ont fait prendre conscience que les jeux trop « familiaux » ne m’intéressaient plus, et Caylus qui a marqué pour moi le déclin des jeux de gestion. De plus en plus de complexité (au point de me rappeler constamment les problèmes de logistique que j’avais commencé à étudier alors) pour de moins en moins de plaisir, je pense qu’aucun gros jeu de ce genre ne m’a marqué depuis Funkenschlag.
Le renouveau est venu des jeux à bases de dés ou de cartes : St Petersburg, Yspahan, Phoenicia, RFTG, et dernièrement Dominion. Des parties courtes, intenses, riches, variées. Une grosse impression d’infinité sans jamais être prise de tête : sans doute que l’étincelle Magic ne s’était jamais éteinte. Dans le cas de RFTG et Dominion, l’impression d’être toujours en train de découvrir à chaque fois un nouveau jeu a été très forte pendant plusieurs centaines de parties !
Une grosse période de jeux à deux joueurs en parallèle : j’ai découvert la fameuse gamme Kosmos par les excellents Dracula et Kahuna, mais c’est surtout Schotten-Totten et le SDA la Confrontation qui m’ont marqué dans ce format.
Occasionnellement, un OVNI ludique qui marque quand même, comme Galaxy Trucker (jeu de rapidité geek) ou Byzantium (le tour de force de faire un vrai jeu de conquête sans diplomatie interminable et répétitive), Through the Ages, ou encore des mécaniques impeccablement huilées qui passent toutes seules, comme Amyitis, Acquire, l’Année du Dragon, Heimlich & Co. ou Macao. Pas de vraies baffes ici, mais des jeux qui avec le recul ressortent bien plus souvent qu’à leur tour.
Et l’immanquable détour par les jeux coopératifs : d’abord déçu par les Chevaliers de la Table Ronde, qui ne fonctionne vraiment que par le système de félon, et Pandémie, trop mécanique et solvable par un seul joueur, finalement convaincu par le SDA coop’ et Ghost Stories, capables de réellement mettre en valeur une stratégie construite par un groupe.