De la religion, du créationisme et de l'interprétation

Tehem dit:Le problème avec la métaphore de la théière c'est que si elle expose bien l'irrationalité du croyant elle ne permet pas pas pour autant de valider la rationalité de l'incroyant.


L'incroyance en dieu n'étant pas la croyance en l'inexistence de dieu, la posture de l'incroyant est rationnelle car il n'est pas rationnellement interdit d'être rationnel, donc il y a au moins une posture rationnelle. Hors, nous croyons ou nous ne croyons pas, donc la croyance en dieu étant d'après Russell, non-rationnelle, la rationalité de la non-croyance s'en déduit.
VictorVVV dit:il n'est pas rationnellement interdit d'être rationnel, donc il y a au moins une posture rationnelle.


Ça n'a aucun sens.
tehem dit:Pire, en poussant ces arguments jusqu'au bout elle invalide totalement la pensée athée.

grolapinos dit:
Oh ? explique-moi ça ! :)

Bon j'ai tout de même fait un petit effet d'annonce, je le reconnais.
Disons que ça invalide la logique athée la plus basique :
Russell dit:Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j'aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. Mais si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé. Cependant, si l'existence de cette théière était décrite dans d'anciens livres, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et inculquée aux enfants à l'école, alors toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d'excentricité et vaudrait au sceptique les soins d'un psychiatre à une époque éclairée ou de l'Inquisition en des temps plus anciens.

Son sophisme repose sur :
A) une hypothèse : entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil
B) une contrainte forte sur la capacité de l'autre à obtenir la preuve : la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes

Le problème c'est que la façon que nous aurons de qualifier A ou B ne dépendra pas de la véracité de ces deux points mais de nos propres capacités cognitives ici lié à l'Histoire, notre contexte social, notre éducation etc.

Ainsi A semble délirante comme assertion. Mais elle n'est pas délirante parce qu'intrinsèquement délirante. Elle est délirante parce que nous savons au moment ou on la formule qu'elle est fausse: elle est historiquement délirante. Il y a 1000 elle aurait semblé moins fausse. Il y a 100 ans elle aurait semblé aussi farfelu que l'hypothèse de boulons flottant dans l'espace entre la terre et la lune ou que la présence (ce que l'on sait pourtant vrai aujourd'hui)

L'assertion B elle se présente comme une pseudo limite, inventé pour renforcé l'obligation de crédulité. Mais elle ne dit rien d'autre que: "je n'ai pas les moyens de vous faire constater la preuve de ce que je vous dis". Ce que beaucoup de scientifiques disent assez régulièrement. Non qu'ils n'ont pas les preuves de leurs théories: il n'ont pas les moyens de les faire comprendre ne serait-ce qu'au cinquième de la population mondiale. Un exemple tout bête : Tom le termite répète plusieurs fois à MrGirafe dans une autre topic, qu'il n'a pas le temps de lui expliquer tout ce qu'implique les théories de Darwin.

En gros tu remplace A par une théorie à laquelle tu crois et qui n'a pas encore été bèlement admise par un gros paté de gens qui de toutes manières ne savent pas de quoi on parle et B par n'importe quelle moyen valide (selon toi, individu rationnel) de ne pas pouvoir leur faire comprendre : la mécanique de la métaphore fonctionne toujours.

Quand je relis cette métaphore, je me demande toujours si je ne préfère pas le coup du dragon rouge dans le garage...

Grolapino,

Dieu n est pas un objet mathématique, mais " dieu existe" est une phrase qui est soit vrai, soit fausse, soit “j en sais rien”.


Victorvv,
Dans ce cas, Russell ne parle pas d athéisme mais d’ agnosticisme.


Éric,
C était une provocation présomptueuse.
Tant qu’ a faire que Dieu existe, autant qu’ il nous aimes… Mais pourquoi que nous? Pourquoi que l humanité ? Pourquoi pas les chats, les souris, le bacille de koch, les milles pattes ?

Tehem,

Je te répond a la place de grolapinou : les théières en orbite ne sont pas des objets mathématique !
:wink:

tehem dit:Ainsi A semble délirante comme assertion. Mais elle n'est pas délirante parce qu'intrinsèquement délirante. Elle est délirante parce que nous savons au moment ou on la formule qu'elle est fausse: elle est historiquement délirante.

Je ne te suis pas. Pour moi, elle était intrinsèquement délirante il y a 100 ans. Pourquoi elle aurait semblé moins fausse il y a 1000 ans ?
tehem dit:L'assertion B elle se présente comme une pseudo limite, inventé pour renforcé l'obligation de crédulité. Mais elle ne dit rien d'autre que: "je n'ai pas les moyens de vous faire constater la preuve de ce que je vous dis". Ce que beaucoup de scientifiques disent assez régulièrement. Non qu'ils n'ont pas les preuves de leurs théories: il n'ont pas les moyens de les faire comprendre ne serait-ce qu'au cinquième de la population mondiale. Un exemple tout bête : Tom le termite répète plusieurs fois à MrGirafe dans une autre topic, qu'il n'a pas le temps de lui expliquer tout ce qu'implique les théories de Darwin.


Là, je ne suis pas d'accord du tout. C'est tout-à-fait différent de ne pas pouvoir exhiber de preuves et d'exhiber une preuve difficilement compréhensible de tous (ou alors tu peux remettre en cause la totalité des résultats scientifiques théoriques établis depuis au moins 150 ans au nom de cette confusion, ce que tu ne feras pas). Russel se place clairement dans la première hypothèse...

Non, désolé, je ne suis vraiment pas convaincu par tes objections :wink:
grolapinos dit:Là, je ne suis pas d'accord du tout. C'est tout-à-fait différent de ne pas pouvoir exhiber de preuves et d'exhiber une preuve difficilement compréhensible de tous

Du point de vue de celui à qui tu veux faire avaler la couleuvre, non.
jmguiche dit:Grolapino,
Dieu n est pas un objet mathématique, mais " dieu existe" est une phrase qui est soit vrai, soit fausse, soit "j en sais rien".


Non, elle est soit vraie, soit fausse. Et NOUS, on ne peut pas en établir de preuve scientifique. Très sincèrement, l'indécidabilité est une notion mathématique particulièrement difficile à établir, et elle est complètement inutilisable ici.
grolapinos dit:
VictorVVV dit:il n'est pas rationnellement interdit d'être rationnel, donc il y a au moins une posture rationnelle.

Ça n'a aucun sens.

Si ni croire en A, ni ne pas croire en A seraient des postures rationnelles, il n'y aurait pas de posture rationnelle et ce, pour une raison rationnelle (pas un problème d'impossibilité physique de l'homme). Hors, il ne semble pas rationnellement interdit d'être rationnel.

En fait, la théière, le dragon rouge, le père Noël et la conspiration des hommes serpents représentent le même sophisme. On prend un exemple qui est ridicule à cause de la précision des termes.
Si j’envisage Dieu comme l’a peint Michel-Ange, effectivement l’hypothèse est ridicule. Mais en fait, ce qui est ridicule, c’est de prendre Michel Ange au pieds de la lettre, ou de croire que les chrétiens le prennent au pied de la lettre.

tehem dit:
grolapinos dit:Là, je ne suis pas d'accord du tout. C'est tout-à-fait différent de ne pas pouvoir exhiber de preuves et d'exhiber une preuve difficilement compréhensible de tous

Du point de vue de celui à qui tu veux faire avaler la couleuvre, non.


C'est vrai, mais je ne crois pas que le point de vue de Russel soit de nous démontrer que l'on cherche à nous mentir depuis des siècles au sujet de Dieu. Il montre juste que si l'on pouvait faire table rase de toute notre culture religieuse, l'hypothèse d'un Dieu n'aurait pas de raison de nous paraître moins farfelue que celle de la théière de l'espace. Comme il est rationnel de penser que cette théière n'existe pas, il est tout aussi rationnel de penser la même chose de Dieu.

Je ne dis pas que c'est parfait ni que tout le monde devrait être convaincu par l'argumentaire à moins d'être idiot, je dis juste que cela me suffit à titre personnel pour me convaincre de la rationalité de mon athéisme :wink:
grolapinos dit:
jmguiche dit:Grolapino,
Dieu n est pas un objet mathématique, mais " dieu existe" est une phrase qui est soit vrai, soit fausse, soit "j en sais rien".

Non, elle est soit vraie, soit fausse. Et NOUS, on ne peut pas en établir de preuve scientifique. Très sincèrement, l'indécidabilité est une notion mathématique particulièrement difficile à établir, et elle est complètement inutilisable ici.

En effet, l indecidabilite n est pas le bon concept.
Notre incapacité a dire, aujourd'hui hui, rationnellement, autre chose que "j en sais rien" est plus juste.
Après ça, soit on a la foi (irrationnelle) dans l existence Dieu, soit on a la foi (irrationnelle) dans son inexistence. Soit on n a pas de foi, et on n en sais rien.
Eric dit:En fait, la théière, le dragon rouge, le père Noël et la conspiration des hommes serpents représentent le même sophisme. On prend un exemple qui est ridicule à cause de la précision des termes.
Si j'envisage Dieu comme l'a peint Michel-Ange, effectivement l'hypothèse est ridicule. Mais en fait, ce qui est ridicule, c'est de prendre Michel Ange au pieds de la lettre, ou de croire que les chrétiens le prennent au pied de la lettre.


Je trouve cette objection-là plus convaincante.

Je vais aller me coucher avec, ça me fera peut-être rêver que Dieu vient me toucher le bout du doigt :wink:
jmguiche dit:Après ça, soit on a la foi (irrationnelle) dans l existence Dieu, soit on a la foi (irrationnelle) dans son inexistence. Soit on n a pas de foi, et on n en sais rien.


Pas de souci.

Je n'ai rien contre ce point de vue (qui n'est pas le mien), tant qu'on ne cherche pas à me faire croire que le mien est illogique :wink:
grolapinos dit:Il montre juste que si l'on pouvait faire table rase de toute notre culture religieuse, l'hypothèse d'un Dieu n'aurait pas de raison de nous paraître moins farfelue que celle de la théière de l'espace. Comme il est rationnel de penser que cette théière n'existe pas, il est tout aussi rationnel de penser la même chose de Dieu.
:


Si l'on pouvait faire table rase de tout notre bagage intellectuel occidental, l'hypothèse que seul ce que nous appelons "rationnalité" nous permet d'appréhender le monde tel qu'il est n'aurait pas de raison de nous paraître moins farfelue que celle de la théière dans l'espace.
La vision du poète est moins ancrée dans le réel que celle du mathématicien, est elle pour autant moins vraie ?

Bref, la rationnalité est-elle capable de se critiquer elle-même ? Ou devons nous renoncer à Kant ?
Selon moi, il est rationnel de laisser de la place à l'irrationnel (ou plutôt à l'a-rationnel)
grolapinos dit:
jmguiche dit:Après ça, soit on a la foi (irrationnelle) dans l existence Dieu, soit on a la foi (irrationnelle) dans son inexistence. Soit on n a pas de foi, et on n en sais rien.

Pas de souci.
Je n'ai rien contre ce point de vue (qui n'est pas le mien), tant qu'on ne cherche pas à me faire croire que le mien est illogique :wink:

Pourtant, tu ne sais pas s il y a ou non une théière. Simplement que c est improbable.
Plus sérieusement, Dieu ou pas Dieu, la question de la religion est plus vaste que l existence d'un barbu. La question est "tout ceci a t il un sens qui nous dépasse?". Que la réponse soit un Dieu du monothéisme, une mécanique de réincarnation ou tout autre chose, tu répond avec certitude "non" a cause d' une théière. Cela ne me semble pourtant pas de même nature.
tehem dit:
Sherinford dit:C'est - dans la plupart des cas - contraire à la loi. Ca me suffit.

Ben ça fait de toi un sociopathe...


On ne doit pas avoir la même compréhension de cette notion. Quelqu'un qui respecte la loi n'est pas un sociopathe. L'un n'implique pas l'autre. Ce serait même plutôt l'inverse: un sociopathe n'en a rien à foutre des lois...

:lol:
Eric dit:Selon moi, il est rationnel de laisser de la place à l'irrationnel (ou plutôt à l'a-rationnel)


Je crois que ça, on l'avait compris.

C'est sur ce point que je ne suis pas d'accord avec toi: le rationnel doit laisser la place à l'inexpliqué, mais pas renoncer pour autant à lui trouver une explication rationnelle.

C'est finalement tout le sujet de ce topic: tu peux lire un livre qui te dit "Dieu a créé le monde en sept jours", t'arrêter là, et refuser toute autre explication quant à la création du monde.

Ou tu peux avoir l'esprit ouvert quant aux découvertes scientifiques sur l'évolution. Certes, avant Darwin et sa théorie, il n'y avait pas d'explication rationnelle à l'origine des espèces, qui était donc "inexpliquée".
jmguiche dit:Philippe,
Le croyant se palce dans l expérience personnelle... Maiis peut être que l incroyant aussi ! Les deux position sont aussi respectable l une que l autre.
Je ne vois pas ce qu' il y a de plus présomptueux a ne pas croire en dieu qu' a y croire!
Ce qui est présomptueux c est de se croire aimé de Dieu !


Je ne dis pas que la position de l'incroyant n'est pas respectable. Je dis qu'affirmer savoir de façon sûre que Dieu n'existe pas ne me semble pas possible. Dans ta reprise de ma phrase, tu emploies le verbe "croire" - apparemment cela a fait tout un débat avant, alors que "croire" ne signifie certainement pas "savoir de façon sûre". Relis bien : pour moi, la position la plus facile à tenir est celle de l'agnostique, qui croit qu'il n'est pas possible de se déterminer pour ou contre l'existence de Dieu. Franchement, cela semble la position la plus rationnelle.

Est-ce présomptueux de se croire aimé de Dieu ? Certainement, c'est bien étrange ! Mais Dieu n'est pas comme nous.
Eric dit:
La vision du poète est moins ancrée dans le réel que celle du mathématicien, est elle pour autant moins vraie ?


Mais non ! Ce n'est pas le même aspect du réel qui est appréhendé, c'est tout. Le mathématicien travaille sur le quantifiable, pas le poète. Le mathématicien n'a rien d'intéressant à dire sur ce que tu as ressenti un soir face à la mer - et pourtant c'était réel. Le poète n'a rien d'utile à dire sur les forces qui s'exercent sur un pont suspendu.

Le tout c'est de ne pas attendre de l'un ce qui est du domaine de l'autre, mais les deux parlent bien du réel !