Bon, imaginons…
Imaginons un monde atroce, le nôtre, où des gens de part leur situation géographique de naissance jouiraient d’un pouvoir immense : celui de vivre dans l’opulence. Là rien d’atroce. Mais ces gens savent, à plusieurs niveaux d’analyse que pour vivre comme il le font d’autres meurent. Ces autres sont les maudits, disons même les “maudits du sud” (leur lieu de naissance). Ceux du nord savent ce qui se passe dans le sud, et pourquoi. Ils savent par exemple que le sud meurt de maladies atroces parce que non seulement les sauver coûterait de l’argent (peu finalement), mais aussi parce qu’il est “préférable” de protéger un principe de modèle économique. Ils vont plus loin que “ne pas sauver” les gens du sud : la misère dans laquelle ils les maintiennent sciemment ne leur permet pas de s’instruire, de s’abstraire du quotidien, et de lutter à armes égales (mais certains y arrivent !). Ceux du sud, en réalité sont condamnés à servir, et mourir. Ceux qui rêvent de démocratie voient leurs gouvernements renversés, et des nababs, amis de présidents nordistes divers, sont mis en place pour mater les locaux, et dilapider les ressources naturelles vers le nord.
Des dettes colossales, des armées invincibles, des pouvoirs politiques et économiques issus de la colonisation, des services secrets toujours à l’afut, des politiciens verreux, des médias extrêmement puissants la corruption et l’assassinat sont les armes du nord.
Le sud n’est pas qu’une victime: sans cesse il se rebelle, il lutte, certains arrivent à faire de belles choses, mais presque tous meurent, pour rien.
Et les insouciants du nord le savent, et il savent en être la cause. En fait, s’ils veulent garder leur confort, il faut que ça continue ainsi, et que leurs enfants-rois soient servis par des enfants-esclaves du sud. Personne n’est coupable. Chacun se débat pour travailler, et vivre. Les autres…sont trop loin. Mais la conscience de ces massacre à divers niveaux (physiques, culturels, économiques, politiques), et la véritable caricature de découpage Nord/Sud, pourtant réelle laisse penser qu’il y a une volonté de destruction et d’asservissement des peuples du Sud. En plus l’appartenance au sud se voit physiquement (noirs, arabes, latinos, asiates, …) : difficile d’échapper à son destin !
Donc résumons : loin des yeux, le sud est SYSTEMATIQUEMENT massacré par de nombreux moyens indirects (politiquement corrects, et surtout économiquement). Dans le nord, ceux venant du sud sont mis à l’écart du pouvoir politique et économique (on ne peut pas faire de choses trop voyantes, et chez nous, on a un peu plus d’humanité).
Cette dichotomie géographique, et cette systématisation me fait penser…je lâche les mots, à des “camps de concentration”, à l’échelle de continents entiers !
On est un peu comme les habitants d’Auchwitz : on sait bien ce qui se passe à côté, mais que faire ?
Vous avez vu “I comme Icare”, issu des travaux de Milgram ( Stanley Milgram: «Soumission à l’autorité») : personne ne se sent coupable des atrocités auxquelles il contribue. Après les camps, les SS disaient qu’ils ne pouvaient pas désobéir, qu’ils faisaient ce qu’on leur disait. Les donneurs d’ordres disaient qu’ils faisait le bien, et que eux n’ont rien fait, ils ne savaient pas comment ça se passait sur le terrain. En fait chacun se déresponsabilise.
Mon propos est je le sais choquant, mais c’est une interrogation, pas une affirmation (rappelez vous le “imaginez” du début) : il me semble que ce qu’on fait au sud a beaucoup (sinon toutes) les caractéristiques de ce que l’on prête à la Shoa (identification de peuples à éliminer, élimination systématique de ces peuples à grande échelle, asservissement dans des camps de travail, …).
Les différences que je vois sont de 3 ordres (et je l’avoue non des moindres). D’abord une question d’échelle : l’illusion de liberté est maintenue parce que tout se passe à l’échelle de continents les mers et océans forment les barbelés.
Ensuite une question de moyens : les moyens d’asservissement/éradication sont très indirects (mais néanmoins conscients et volontaires pour ceux qui les emploient). Il s’agit de l’économie, de la dette du 1/3 monde, de l’ingérence politicomilitaire, … . Mais les résultats ne sont t-ils pas les mêmes ?
Et enfin, les peuples oppresseurs sont dans leur grande majorité contre l’oppression, mais passif. Ne rien faire, s’est laisser faire.
Les médias, et la “bien pensance”, fait qu’il est difficile de penser hors champ. J’en veux pour preuve le déluge d’insultes qui me tombera probablement dessus.
Ceci dit, je ne suis sûr de rien, mais je m’interroge, et j’ai peur de la réponse.
Je ne suis pas spécialiste, mais j’ai lu pas mal, et je recommande “No logo”(Naomi Klein), “la fin du travail” (J. Rifkin), les essais de André Gorz, Bourdieu, … . Et je vois trop de cynisme chez les dirigeants. Si vous en doutez, prenons, chez nous : “le bruit et l’odeur”, les massacres d’Ouvéa, les diverses affaires d’armement de Pasqua, la guerre d’Algérie et D’Indochine, les Bidonvilles Harkis, … .
Par ailleurs : Richard, je suis d’accord avec tes propos, mais pas ceux concernant une classification de l’horreur. Justement il ne FAUT PAS faire ça, parce que ça donne des droits aux souffrants, sur l’avenir. Ça leur fait dire : vous me devez plus qu’aux autres, parce que j’ai plus souffert. Je ne suis pas chrétien, mais je pense que la plus belle arme, c’est le pardon, et le pardon acquis, chercher à faire mieux, ensemble (je sais on dirait une tirade de" Martine à la plage").
Pour le Rwanda : io ne s’agit certainement pas d’un acte Implulsif ! Tout est orchestré depuis des dizaines d’années, notemment du fait de l’ingérence franco-Belge et américaine qui a arbitrairement décrété un peuple supérieur à l’autre. J’ai connu des victimes de ces massacres, et encore une fois je l’affirme (mais à France Inter aussi, et ailleurs encore) : le Rwanda c’est bien un Progrom qu’il y a eu. Et nous avons une lourde part de responsabilité là-dedans. A minima celle de non-assistance à peuple en danger !
Maintenant je fais le dos rond !