akhela dit:kaklou a dit une grosse connerie et tu surenchéris. Dès qu'il y a une société humaine il y a une loi, le problème est l'inverse de votre raisonnement stupide : on a pas attendu de savoir écrire pour faire le droit.
Dis-donc mon ami, prends une tisane et respire
Paradoxalement, je me réjouis assez du dégoût que t’inspirent les civilisations que tu décries, parce qu’au prix d’une sérieuse erreur de latitude, c'est en réalité des empires sud-américains que tu fais la critique (et je ferais la même critique, à raison). Et donc, non seulement je surenchéris quant à l’idée que les civilisations nord-amérindiennes sont une parfaite illustration d’une forme d’anarcho-communisme à grande échelle, territorialement et temporellement, mais j’assume et j’insiste. Attention quand-même, parler d’anarcho-communisme chez les indiens d’Amérique du nord, c’est forcément une forme d’anachronisme. Je m'explique...
C’est parce qu’elle est fondée sur une logique circulaire plutôt que linéaire/pyramidale que la pensée nord-amérindienne a donné naissance à une organisation sociale sans chefferie et sans constitution. Mais je le répète, absence de chefferie ne veut pas dire absence de chef, et absence de constitution ne veut pas dire absence de loi (on s’entend d’ailleurs : ce qu’on entend par loi chez les indiens d’Amérique du nord n’a rien à voir avec ce qu’on entend par loi dans une société pyramidale). En outre, prétendre que les civilisations nord-amérindiennes relèvent d’un modèle qui ne souffre pas de comparaison d’échelle avec les civilisations européennes (en gros il y aurait quelques gugusses éparpillés sur un immense territoire), c’est mal connaître les chiffres. Il est quasi certain que la population nord-amérindienne était de l’ordre de plusieurs dizaines de millions au moment du contact. Mais c’est surtout raisonner à l’envers. Alors que la pensée indienne dispose de mécanismes permettant aux groupes sociaux de s’auto-fragmenter lorsqu’ils atteignent une taille critique, les civilisations pyramidales en sont incapables. Elles souffrent d’une sorte de cancer perpétuel qui les condamne à l’empilement vertical. C’est en fait le modèle pyramidal, celui de nos sociétés actuelles, qui est inviable car non extensible.
C’est souvent intéressant de revenir à l’étymologie. Lorsque Cartier fait sa première rencontre avec des iroquois de Stadacona près de ce qui deviendra plus tard la région de Québec, il croit en entendant le mot Kanata que celui-ci désigne leur royaume, alors qu’il signifie « village » en réalité. Cartier cherche à se positionner, par réflexe, par rapport au sommet du « royaume », et les indiens indiquent naturellement le centre de l’un de leur cercle, leur village. Le Canada tire donc son nom d'un malentendu historique qui en dit long sur l’incapacité des prétendus civilisateurs à sortir de leur modèle pyramidal de pensée. Mais au fond, "Canada" résume l’essence-même de l’âme indienne, le Cercle, où les groupes sociaux sont pensés en fonction de catégories (famille, clan, village, nation, confédération) qui sont concentriques et interdépendantes. Si un jour le monde devient vraiment un village, ce sera un peu grâce à nous
En tous cas, on est en plein dans le sujet de la citoyenneté. Le citoyen, étymologiquement, c’est un membre de la cité, non ? Or un village, conceptuellement, ce n’est pas une cité ! Si le monde devient un jour un village, est-ce que ce sera au prix de ou grâce à la disparition de l’individu-citoyen ?
Maintenant, puisque tu l’évoques, oui les indiens d’Amérique du nord pratiquaient la guerre, l’esclavage, la torture et l’anthropophagie, mais de manière réduite en comparaison des pratiques en cours dans les empires sud-américains (et en Europe, pour ce qui concerne la guerre, l’esclavage et la torture). Pour ma part, je vois toute forme de violence comme un mal absolu, je ne défendrai donc pas ces comportements, mais essayer de comprendre en quoi ils sont spécifiques chez les nord-amérindiens est très intéressant.
Chez les nord-amérindiens, la violence n’était jamais tournée vers l’intérieur du groupe, mais vers l’extérieur. La guerre n’a jamais été mise en œuvre avec la même envergure, au niveau des moyens de destruction mobilisés, que dans les sociétés pyramidales. Quant à son but, il ne s’agissait jamais d’annihiler l’ennemi, celui-ci étant perçu comme fournisseur de remplaçants potentiels aux membres du groupe perdus. C’est d’ailleurs lorsque des ennemis étaient capturés qu’ils étaient soumis à une forme d’esclavage pour une période temporaire, après laquelle on leur accordait souvent le même rang et le même statut que la personne qu’ils remplaçaient (ils héritaient même quelquefois de tout ou partie de son nom). La torture était une pratique extrême en réponse à une situation de deuil extrême. Quant à l’anthropophagie, pratique encore plus rare, là on entre dans le domaine du quasi-spirituel : manger son ennemi, non pas pour lui dénigrer son humanité, mais pour la reconnaître. Mais encore une fois, je ne cautionne pas, je situe juste ces comportements dans leur contexte.