Voici un autre prof qui écrit lui directement au président de la république:
Montpellier, le 25 novembre 2008, Cazals Bastien Montpellier à Monsieur le Président de la République Palais de l’Elysée 55, rue du faubourg Saint-Honoré 75008 Paris
Monsieur le Président de la République, Si je prends la liberté de vous écrire cette lettre, c’est qu’aujourd’hui, en tant qu’enseignant et directeur d’école comme en tant que citoyen, je suis en colère, proche de la révolte. Je ne peux plus me taire. Je me dois de réagir. Permettez-moi, tout d’abord, d’insister sur l’expression de mon profond attachement et de mon immense respect pour cette République française dans laquelle j’ai eu la chance de venir au monde. Je suis attaché à ce pays car je considère qu’à certaines périodes de sa longue histoire, il s’y est dit, écrit et fait de si belles choses. Outre l’immense patrimoine culturel qu’elle a constitué, la France – tout particulièrement de sa révolution de 1789 au programme du Conseil National de la Résistance, en passant par la République et sa loi de 1905 sur la laïcité – a su porter si haut et avancer si loin les valeurs universelles consacrées dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qu’elle a fini par faire le choix ambitieux d’une république laïque et démocratique où tous les citoyens vivent ensemble, en bénéficiant de la liberté, de l’égalité et de la solidarité ! Tellement admirable que j’ai choisi de servir cette République, ma République. J’en serais presque fier… sauf que je ne suis pour rien dans tout cela, j’en hérite. Et un tel héritage se partage ou se défend ! C’est ainsi que j’arrive à l’objet de ma lettre. En ce début de XXIème siècle, que reste-t-il de l’état républicain à la fois puissant et protecteur, comme de ses grandes missions d’intérêt public ? Plus grand chose : les idéologies en vogue étouffent la flamme républicaine tandis que les réformes en cours dépècent les derniers lambeaux des services publics. D’autres pourraient citer la justice, la santé ou la solidarité, je vous parlerai de ce que je connais, de ce que j’ai choisi : l’école primaire publique. Monsieur le Président, autant vous le dire de suite, avec les transformations qui s’opèrent actuellement, l’État ne pourra plus garantir à chaque citoyen les mêmes droits en terme d’éducation. Et il s’agit, là, du déni d’un droit fondamental, surtout dans une république qui se prétend historiquement éclairée par le savoir et la pensée, la finesse et le bon goût. Cette ‘‘modernisation’’ de l’Éducation Nationale, qui se construit pas à pas depuis des années, avance sur plusieurs plans à la fois mais dans une grande cohérence. Sachant que votre temps est précieux, j’ai donc choisi de n’en aborder qu’un aspect, le plus saisissant. Ayant déclaré la guerre contre l’échec scolaire, votre ministre en charge du dossier a entrepris de moderniser l’école prétendument dans l’intérêt des élèves mais avec quand même, dans un coin de la tête, les impératifs budgétaires liés à la mise en œuvre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), au respect du pacte européen de stabilité et autres contingences financières. Ainsi, à cette rentrée 2008 et sans concertations préalables aux prises de décisions, M. Darcos a ainsi décidé : de mettre en place des nouveaux programmes qui conviennent parfaitement aux élèves comme ma fille, qui est structurée, attentive et appliquée, mais ne laisseront que peu de chances à son copain Victor de surmonter ses difficultés d’apprentissage ; de diminuer le nombre d’heures de classe pour les élèves comme ma fille qui travaille bien et comprend vite mais pas pour Victor qui est soutenu 2h par semaine dans ses difficultés d’apprentissage e et de renforcer le dispositif de stages de remise à niveau en CM1/CM2 pour que Victor entretienne ses difficultés d’apprentissage pendant les vacances de ma fille… Mais ce n’est pas tout – et Victor est finalement un peu chanceux, car la rénovation du primaire est en cours et, pour la rentrée 2009, sans plus de concertation, M. Darcos nous annonce qu’il va : supprimer progressivement les enseignants membres du Réseau d’Aides Spécialisées au Enfants en Difficulté (RASED) qui aident Victor pendant le temps scolaire et sans lui refaire la classe ; mettre toujours plus d’élèves par classe – puisque toujours moins d’enseignants – ce qui ne plaira pas trop à ma fille qui aime avoir l’attention de la maîtresse mais beaucoup à Victor qui préfère se faire oublier ; et remplacer la prise en charge à l’école publique des 2/3 ans par leur accueil dans des structures locales payantes, ce qui n’affectera pas la scolarité de Victor mais de son petit frère Hugo qui restera encore un an à la maison avec sa maman car « sa veau pas l’coup de bosser au smig si faut payer le jardin des veilles » ! Hugo n’aura donc pas la chance de son frère de bénéficier des apports langagiers et de la stimulation cognitive d’une première socialisation à l’école maternelle. Croyez-vous sincèrement, Monsieur le Président, que votre ministre pourra, par de telles réformes, atteindre l’objectif qu’il s’est fixé de diminuer par trois le nombre d’élèves en difficulté ? Et pouvez-vous m’affirmer que l’école primaire de demain continuera d’assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale ? Actuellement, nous assistons à la mise en œuvre, à marche forcée, des dernières grandes étapes de la transformation du système éducatif français. J’en veux pour preuve l’autoritarisme croissant exercé par la hiérarchie, le souci de rendre improductif l’exercice du droit syndical au travers du Service Minimum d’Accueil (SMA), ou celui de faire surveiller l’opinion et l’activisme des enseignants ! Aussi, comme bon nombre d’entre eux, j’entre aujourd’hui en résistance parce que je ne peux me résoudre à ce que l’école publique, mon école, ne se préoccupe ni de Victor, ni de Hugo, sans être pour autant en mesure de faire éclore un nouveau Victor Hugo. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration (article 15 de la DDHC de 1789) c’est pourquoi d’un fonctionnaire dévoué je me vois contraint de devenir un fonctionnaire désobéissant ! En conséquence, en tant qu’enseignant tout d’abord, je prends les décisions suivantes : Je n’appliquerai pas les nouveaux programmes mais continuerai à travailler dans l’esprit des programmes de 2002 (qui n’ont d’ailleurs fait l’objet d’aucune évaluation). Je n’effectuerai pas l’aide personnalisée auprès des élèves (qui est destinée à remplacer l’aide spécialisée du Rased) mais mettrai à profit ces 60 heures annuelles pour rencontrer les parents deux fois dans l’année (en milieu et fin d’année), organiser les projets pédagogiques collectifs et également pour faire vivre la bibliothèque de mon école (qui est actuellement sous-utilisée faute de personnel mis à disposition). Je ne déclarerai pas à l’administration mon intention de faire grève, 48h à l’avance, mais j’informerai, comme par le passé, les parents d’élèves au moins deux jours avant. Je ne me porterai jamais volontaire pour les stages de remise à niveau ni ne transmettrai de liste d’élèves. Ensuite, en tant que directeur, je prends les décisions suivantes : Je ne participerai plus au fichage centralisé des écoliers via Base Elèves Je ne traiterai plus que les demandes administratives qui concerneront directement les élèves, mes collègues ou le fonctionnement de mon école. Enfin, en tant que simple citoyen en dehors de tout parti politique, je n’empêcherai pas la diffusion de ces prises de position professionnelles mais au contraire, tenterai de participer à l’émergence d’une résistance citoyenne et non-violente, porteuse d’un projet de société généreux et ambitieux – depuis la crise financière, nous savons tous qu’il est possible de trouver beaucoup d’argent lorsque c’est nécessaire – car notre République est en train de tourner le dos à ses dernières missions d’intérêt public… Conscient que vous ne mesuriez probablement ni l’ampleur du désastre qui menace l’école, ni celle de la colère qui submerge le monde enseignant, je sais que vous entendrez mon appel et ne décevrez pas l’espoir que je mets dans la grandeur de votre fonction. Je vous prie de recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de mon attachement respectueux à la dignité de l’État républicain laïc et de croire en ma détermination à continuer d’œuvrer pour tous les élèves qu’ils soient ma fille, Victor ou Hugo. CAZALS Bastien
dans ma circonscription de Tours sud, nous sommes 5 écoles entières à être entrées en rebellion. Nous n’avons pas mis en place la fameuse “aide personnalisée” du midi, nous n’appliquons pas les nouveaux programmes, et il est probable que nous n’allons pas faire passer à nos élèves les évaluations de CM2. Une sixième école vient de nous rejoindre par ailleurs.
Refalo n’est donc pas seul. Nous avons subi plusieurs visites de notre inspecteur, et nous avons reçu en début de semaine une injonction de l’IA à mettre en oeuvre les dispositifs, sous peine de retrait de salaire. Ce qui ne va pas (tous) nous faire céder. Dans mon école, nous sommes suffisament motivés pour défendre les élèves en difficulté (que nous connaissons bien pour en avoir un bon nombre…) en échange de quelques journées de salaire.
Mais nous manquons d’info sur ce qui se fait ailleurs… Quelqu’un n’aurait pas ici des adresses de blog ou de liste de diffusion qui permettent de recenser l’ensemble des “résistances” actuelles?
Au sujet des retenus de salaire qui sont une menace qui plane sur pas mal de prof, la plupart du temps, elles sont illégales, car elles ne s’appuient pas sur une absence ou une carence. Les enseignants sont présents et font généralement leur boulot. Le problème est que si les services du rectorat effectuent la retenue de salaire il le font généralement sur une base arbitraire (généralement 1/30è du salaire). Ce qui ne correspond à rien puisque qu’il n’y a rien de prévu autre que la mise à pied dans le cas d’une faute commise. Dans le cas précis, si vous refusez d’appliquer la nouvelle déforme, vous vous retrouvez avec vos 30 élèves durant 26 heures au lieu de 24 heures + 2 heures avec 6 élèves. Du coup, il suffit de dire que les 24 élèves supplémentaires durant ces 2 heures font du soutient personnalisé. Légalement, vous êtes blindés car la loi ne prévois aucune indication d’effectif pour ces deux heures de soutien. Le seul problème qui peut être soulevé c’est que les élèves absents à ces deux heures ne peuvent pas être comptés absents si les parents ne vous ont pas notifiés leur accord.
Pour en revenir au sujet, la sanction financière n’est inscrite nul part dans aucun statut de l’enseignant. Elle l’est dans le code du travail et ne peut être appliquée que dans des cas très précis, prévus par la loi qui fait référence à l’incapacité du travailleur à assumer ses fonctions. Autrement, en cas de faute, c’est une autre procédure qui entre en compte.
Du coup, dans 99% des cas, la retenue sur salaire est illégale. Et là se posent deux problèmes:
1° les profs n’ont pas nécessairement envie d’aller au tribunal administratif pour porter plainte et engager une procédure y compris lorsqu’ils ont foncièrement raison et le droit pour eux.
2° les fautes de l’administration portent sur l’état et pas sur les fonctionnaires qui sont à l’origine de cette faute. Ainsi, le recteur n’a aucune chance d’être sanctionné pour cette abus de pouvoir. (lorsque DeRobien avait licencié un délégué syndical de façon abusive, c’est l’état qui a payé, mais aucune personne de l’administration n’a été inquiétée).
Du coup, tout cela fait que la menace et l’intimidation fonctionne. Maintenant, si vous avez un parents avocat avec vous (c’est rare ) vous êtes bien munitionné.
De mon côté, j’ai mis en place l’aide fin novembre après avoir été convoqué à l’IA. Je m’y suis résolu car personne ne me suit dans mon école, ni en Haute-Vienne à ma connaissance. J’ai été sanctionné pour refus d’obéissance, car j’ai traîné des pieds aux yeux de l’inspection et l’IA m’a enlevé 1:30 du salaire par arrêté. Je vais sans doute aller au TA. En parallèle une AG tente de lancer une lettre collective de refus, mais la plupart des syndicats refusent de soutenir l’action. Je pousse le mien, on verra bien.
Où en est Alain Réfalo ?
Ce “soutien” c’est le noeud du problème, mais les gens ont peur.
Alain Refalo est inspecté régulièrement. Sa hiérarchie ayant demandé un rapport. Ils marchent sur des oeufs. Je crois que l’IA aurait préféré que ça tombe sur un autre que lui
Néanmoins, demains soir, à l’école d’Alain, il y a une réunion où les enseignants et les délégués des parents d’élèves vont proposer à tous les parents d’élèves de l’école de sursoir au dispositif de l’aide personnalisé en prenant tous les enfants en classe durant ces heures là. Les parents qui ne voudront pas pourront reprendre leur gamins. Ca permettra aux autres d’avoir cours dans une classe moins surchargée
Blue dit: Tu n'avais pas besoin de ça parce que tu n'étais pas en grande difficulté. J'imagine que si tes enfants en avaient besoin, tu en verrait l'utilité ! Mais tu as raison, les élèves en grande difficulté font une quantité négligeable d'électeurs... Pas la peine de s'en soucier !
C'est lourd cette manie d'affabuler les choses. Sinon, je suis certain qu'a mon epoque il n'y avait pas de Rased, eleve en difficulte ou pas.
Le hic c'est que les élèves en difficulté d'il y a 20 ans ne sont pas les memes qu'aujourd'hui! Certains élèves arrivent à l'école sans meme savori ce que lire veut dire ou sans aucune idée de ce qu'ils peuvent attendre de l'école. Pour ces enfants la, la suppression du Rased et de la maternelle (à court terme) va être désastreuse!
Imagine qu'en petite section, certains enfants arrivent sans meme savoir à quoi peut bien servir un feutre (juste laisser une trace, je ne parle pas la evidemment de colorier, dessiner ni meme d'écrire!) ou sans jamais avoir fait le moindre puzzle à encastrement... Disons que la grosse difficulté de l'école de nos jours, c'est la grosse difficulté de faire entrer certains enfants dans leur métier d'élève... ce qui était nettement moins courant il y a 20 ans...
Créé en 1976, les GAPP (groupes d'aide psychopédagogique) sont devenus les RASED (Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté) en 1990.
De fait, le Rased n'existait pas il y a 30 ans mais une autre structure existait, structure que tu n'as pas vu, parce que tu n'en n'as pas eu besoin... Comme quoi, la volonté d'aider les élèves en difficultés n'est pas toute récente!
On vient pour aider les maîtres» De notre correspondante Une cinquantaine d’écoles de Montpellier ont ouvert leurs portes aux parents d’élèves hier soir, dans le cadre d’une «Nuit des Ecoles» pour la défense de l’Education Nationale. Reportage. A la maternelle James Joyce, dans le quartier plutôt défavorisé de la Paillade, les tables sont posées bout à bout pour recevoir les quiches, les gâteaux et les jus de fruits apportés par les adultes. Une vingtaine d’enfants jouent sagement. Environ 70 personnes, dont la moitié d’enseignants, défilent au cours de la soirée. Tous écoutent en silence l’histoire fictive d’Enzo, gamin de CP en 2012, dont la maîtresse de 65 ans est une retraitée qui vient remplacer la maîtresse en congé maternité. «J’avais les larmes aux yeux», confie une maman après ce récit. «La télévision, la radio, personne ne vous informe sur ce qui se passe. La seule manière de vous informer, c’est en vivant des moments comme ce soir», souligne Marc Parouty, directeur de l’école Senghor, qui comme cinq autres écoles, se sont réunies à James Joyce pour l’opération. «On ne nous demande pas d’éduquer les enfants pour qu’ils arrivent à réfléchir mais de faire qu’ils répètent des tâches de façon mécanique et qu’ils n’aient pas la capacité à dire non», explique Gilles, un instituteur. «On compte sur la mobilisation des parents», fait remarquer Annick, enseignante spécialisée, après avoir rappelé les menaces de suppression des Rased (Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté). Ce souhait, relayé par d’autres instituteurs, semble être entendu. «On vient pour aider les maîtres», observe Sandrine. «Cette soirée renforce ce qui a été dit à la réunion d’information vendredi dernier à la Maison pour tous Léo Lagrange, où il y avait 250 personnes », analyse Khadidja, maman de deux enfants en CM2 et en maternelle. «Les gens n’ont pas conscience de la gravité de la chose. Moi demain [aujourd’hui ndlr], je serai à la manif. On viendra avec nos enfants car c’est leur avenir! Ils se battent pour leur futur!», déclare Anne, parent délégué. « Compte tenu du fait que plusieurs écoles étaient regroupées dans un seul établissement, c’étaient environ 3/4 des 115 écoles de la ville qui participaient à cette “Nuit des Ecoles”», a estimé la mairie de Montpellier (PS-Modem-PC), qui soutient cette action. Un soutien également exprimé par le président du Conseil général de l’Hérault (PS). En revanche, à Béziers, la mairie UMP a «émis un avis défavorable à l’occupation des locaux» d’une école primaire, où une trentaine d’adultes se sont quand même réunis hier soir. «De voir que les gens ne sont pas prêts à tout accepter, ça redonne le moral», confiait en fin de soirée une institutrice.
Il a de la chance en fait. Parce que, pour compiler rapidement l'actualité, il aurait pu subir une fouille rectale par un chien anti-drogue.
J'suis mort de rire en lisant ça...
Les enseignants font partie des professions les plus conservatrices que je connaisse.
Quand je lis ceci, je m'interroge:
"Je refuse de travailler dans l'esprit des programmes de 2008, recentrés sur le français et les maths qui privilégient la mémorisation."
Les maths et le français, c'est de la mémorisation?
J'ai du mal à voir en quoi un recentrage de l'enseignement autour de ces deux matières dont il est difficile de contester l'importance est une mauvaise chose.
Si quelqu'un peut me l'expliquer, je suis tout ouïe...
Pour Colomiers, les parents ont décidés de faire une lettre à l'IA demandant le rétablissement des 26 heures de cours pour TOUS et pas seulement 15% des élèves. Du coup, dès la rentrée de janvier, les profs vont accueillir les élèves exactement comme l'an dernier. Rien n'aura bougé. L'un des plus content a cette annonce a été mon fils qui a très vite compris que grasse à cela, il allait à nouveau pourvoir faire des activités d'éveils car il commence en en avoir marre des cours magistraux à 2000 à l'heure. J'suis tombé sur le cul lorsqu'il m'a fait cette réflexion
J’ai vu que Le Monde avait publié un article hier sur le sujet. La radio ne parlait aussi. Ca émerge lentement…
Et il y a ça qui circule par mail entre “désobéissants”…
ALLONS ENFANTS …VERS L’AVENIR…!!! Journée d’Enzo - 3 septembre 2012 Enzo est assis à sa place, parmi ses 42 camarades de CP. Il porte la vieille blouse de son frère, éculée, tachée, un peu grande. Celle de Jean-Emilien, au premier rang, est toute neuve et porte le logo d’une grande marque automobile. La maîtresse parle, mais il a du mal à l’entendre, du fond de la classe. Trop de bruit. La maîtresse est une remplaçante, une dame en retraite qui vient remplacer leur maîtresse en congés maternité. Il ne se souvient pas plus de son nom qu’elle ne se souvient du sien. Sa maîtresse a fait la rentrée, il y a trois semaines, puis est partie en congés. La vieille dame de 69 ans est là depuis lundi, elle est un peu sourde, mais gentille. Plus gentille que l’intérimaire avant elle. Il sentait le vin et criait fort. Puis il expliquait mal. Du coup Enzo ne comprend pas bien pourquoi B et A font BA, mais pas dans BANC ni dans BAIE ; ni la soustraction ; ni pourquoi il doit connaître toutes les dates des croisades. On l’a mis sur la liste des élèves en difficulté, car il a raté sa première évaluation. Il devra rester de 12 à 12h30 pour le soutien. Sans doute aussi aux vacances. Hier, il avait du mal à écouter la vieille dame, pendant le soutien ; son ventre gargouillait. Quand il est arrivé à la cantine, il ne restait que du pain. Il l’a mangé sous le préau avec ceux dont les parents ne peuvent déjà plus payer la cantine. Il a commencé l’école l’an dernier, à 6 ans. L’école maternelle n’est plus obligatoire, c’est un choix des mairies, et la mairie de son village ne pouvait pas payer pour maintenir une école. Son cousin Brice a eu plus de chance : il est allé à l’école privée à 3 ans, mais ses parents ont dû payer. La sieste, l’accueil et le goûter n’existent plus, place à la morale, à l’alphabet ; il faut vouvoyer les adultes, obéir, ne pas parler et apprendre à se taire, se débrouiller seul pour les habits et les toilettes : pas assez de personnel. Les enseignants, mal payés par la commune, gèrent leurs quarante à cinquante élèves chacun comme une garderie. L’école privée en face a une vraie maternelle, mais seuls les riches y ont accès. Mais Brice a moins de mal, malgré tout, à comprendre les règles de l’école et ses leçons de CP. En plus, le soir il va à des cours particuliers, car ses parents ne peuvent pas l’aider pour les devoirs, ils font trop d’heures supplémentaires. Mais Enzo a toujours plus de chance que son voisin Kévin : il doit se lever plus tôt et livrer les journaux avant de venir à l’école, pour aider son grand-père, qui n’a presque pas de retraite. Enzo est au fond de la classe. La chaise à côté de lui est vide. Son ami Saïd est parti, son père a été expulsé le lendemain du jour où le directeur de l’école (un gendarme en retraite choisi par le maire) a rentré le dossier de Saïd dans Base Élèves. Il ne reviendra jamais. Enzo n’oubliera jamais son ami pleurant dans le fourgon de la police, à côté de son père menotté. Il paraît qu’il n’avait pas de papiers… Enzo fait très attention : chaque matin il met du papier dans son cartable, dans le sac de sa maman et dans celui de son frère. Du fond, Enzo ne voit pas bien le tableau. Il est trop loin, et il a besoin de lunettes. Mais les lunettes ne sont plus remboursées. Il faut payer l’assurance, et ses parents n’ont pas les moyens. L’an prochain Enzo devra prendre le bus pour aller à l’école. Il devra se lever plus tôt. Et rentrer plus tard. L’EPEP (établissements publics d’enseignement primaire) qui gère son école a décidé de regrouper les CP dans le village voisin, pour économiser un poste d’enseignant. Ils seront 45 par classe. Que des garçons. Les filles sont dans une autre école. Enzo se demande si après le CM2 il ira au collège ou, comme son grand frère Théo, en centre de préformation professionnelle. Peut-être que les cours en atelier seront moins ennuyeux que toutes ces leçons à apprendre par coeur. Mais sa mère dit qu’il n’y a plus de travail, que ça ne sert à rien. Le père d’Enzo a dû aller travailler en Roumanie, l’usine est partie là-bas. Il ne l’a pas vu depuis des mois. La délocalisation, ça s’appelle, à cause de la mondialisation. Pourtant la vieille dame disait hier que c’est très bien, la mondialisation, que ça apportait la richesse. Ils sont fous, ces Roumains ! Il lui tarde d’être en récréation. Il retrouvera Cathy, la jeune soeur de maman. Elle fait sa deuxième année de stage pour être maîtresse dans l’école, dans la classe de monsieur Luc. Il remplace monsieur Jacques, qui a été renvoyé, car il avait fait grève. On dit que c’était un syndicaliste qui faisait de la pédagogie. Il y avait aussi madame Paulette en CP ; elle apprenait à lire aux enfants avec des vrais livres ; un inspecteur venait régulièrement la gronder ; elle a fini par démissionner. Cathy a les yeux cernés : le soir elle est serveuse dans un café, car sa formation n’est pas payée. Elle dit : « A 28 ans et un bac +5, servir des bières le soir et faire la classe la journée, c’est épuisant. » Surtout qu’elle dort dans le salon chez Enzo, elle n’a pas assez d’argent pour se payer un loyer. Après la récréation, il y a le cours de religion et de morale, avec l’abbé Georges. Il faut lui réciter la vie de Jeanne d’Arc et les dix commandements par coeur. C’est lui qui organise le voyage scolaire à Lourdes, à Pâques. Sauf pour ceux qui seront convoqués pour le soutien… Enzo se demande pourquoi il est là…Pourquoi Saïd a dû partir. Pourquoi Cathy et sa mère pleurent la nuit. Pourquoi et comment les usines s’en vont en emportant le travail. Pourquoi ils sont si nombreux en classe. Pourquoi il n’a pas une maîtresse toute l’année. Pourquoi il devra prendre le bus. Pourquoi il passe ses vacances à faire des stages. Pourquoi on le punit ainsi. Pourquoi il n’a pas de lunettes. Pourquoi il a faim. Projection basée sur les textes actuels, les expérimentations en cours et les annonces du gouvernement trouvées sur le net’. Si vous ne voulez pas que vos enfants, petits-enfants, neveux, nièces, petits voisins, …, deviennent des copains de classe de ce petit Enzo, faites suivre ce mail à votre carnet d’adresse ! Il faut que tout le monde prenne conscience de ce qui les attend à plus ou moins court terme. Il faut que le ministère arrête de détruire l’Education Nationale !!!
Sherinford dit: "Je refuse de travailler dans l'esprit des programmes de 2008, recentrés sur le français et les maths qui privilégient la mémorisation." Les maths et le français, c'est de la mémorisation? J'ai du mal à voir en quoi un recentrage de l'enseignement autour de ces deux matières dont il est difficile de contester l'importance est une mauvaise chose. Si quelqu'un peut me l'expliquer, je suis tout ouïe...
Voui, tout a fait, les maths et les français mis en avant dans les nouveaux programmes relève plus de la mémorisation que de la réflexion en ce sens qu'il demande aux enseignants d'apprendre aux enfants des techniques (opérations en maths, déchiffrage en lecture) en reléguant au second plan la reflexion sur l'objet utilisé.
En gros, qu'est ce qui est le plus important en analyse numérique : savoir à quel moment utiliser une opération (comprendre une situation problème, l'analyser et savori que le problème sera résolu par une soustraction) ou savoir poser une soustraction?
La réponse est évidente : il est rpéférable de savoir quand utiliser telle ou telle opération et ce d'autant plus que n'importe quelle crétine de machine à calculer est capable de réaliser l'opération... Alors que j'ai beau discuter avec ma calculette, elle ne me dit pas que si j'ai 27 billes et que j'en perds 12 je dois faire une soustraction...
C'est dans ce sens que les nouveaux programmes sont dérangeants, il a tendance à vouloir faire des faiseur et non des comrpeneurs. D'autant plus que de nombreuses études ont prouvé qu'on apprenait d'autant mieux si on savait à quoi servait l'outil qu'on utilisait (apprendre la technique de la soustraction a plus de sens une fois qu'on l'a déjà manipulé)...
J'espere avori été quelque peu clair...
Ah, et dire que les enseignants sont les pires conservateurs qui soient c'est amha faux. les enseignants ne sont pas contre le changement, à condition qu'il soit positif pour les élèves... le bouleversement qui est proposé est un formidable bon en arrière et, au sens de beaucoup, un regression. Je pense pour ma part qu'avec les réformes qui se profilent, les élèves en grosses difficultés seront irrémédiablement tiré vers le bas, lestés qu'ils seront par leur incomprehension de ce qu'on leur demande d'apprendre. Et il me semble normal de le dire et de tenter de défendre ce point de vue.
Le Korrigan dit:La réponse est évidente : il est rpéférable de savoir quand utiliser telle ou telle opération et ce d'autant plus que n'importe quelle crétine de machine à calculer est capable de réaliser l'opération... Alors que j'ai beau discuter avec ma calculette, elle ne me dit pas que si j'ai 27 billes et que j'en perds 12 je dois faire une soustraction...
La réflexion qui me vient quand je lis ceci, c'est que si tu ne sais pas faire de soustraction, tu n'arriveras pas non plus à résoudre le problème.
Et je ne vois pas en quoi l'utilisation systématique des calculatrices plutôt que l'apprentissage des méthodes de calcul sur la base desquelles celles-ci fonctionnent va permettre aux élèves de devenir plus intelligents.
Sinon, je te rejoins quand tu dis que le "à quoi ça sert" fait partie des moteurs de la motivation des élèves, raison pour laquelle je n'ai jamais très bien compris pourquoi il était important d'apprendre les nombres complexes, par exemple, étant donné leur utilité extrêmement marginale...