Economie du jeu et Crowdfunding

ThierryT dit:pour rappel, le prix unique du livre préserve surtout les éditeurs, même si ceux-ci se retranchent derrière le besoin de préserver les librairies (d'ailleurs, en France, l'Association pour le Prix Unique du Livre a été fondée et menée par des éditeurs). Les premières expériences en la matières étaient clairement anti-libraires. Qu'elles ont été combattues par des auteurs. Et dans les rares cas où on a demandé l'avis du public (je pense à la Suisse, je ne sais pas s'il y en a eu d'autres?), celui-ci s'y est opposé.
La loi une fois en vigueur, on parle de sauvegarde du patrimoine librairiesque. Pour autant, rien ne prouve que la loi l'ait permis. Cette sauvegarde est de plus très partielle. Elle n'a pas non plus empêché la FNAC de réussir sa prise de marché (qui était la crainte des libraires). Elle ne bloque pas non plus aujourd'hui la progression d'Amazon (nouveau grand méchant). Et son extension au livre numérique fait que la France affiche des chiffres dignes d'un pays du tiers-monde. Le lecteur est le grand perdant de l'histoire. Socialement, la lecture n'a pas progressé (au contraire). Et la qualité de la production, on peut en débattre des heures...
(je réalise bien que ça va en faire hurler pas mal donc, je précise: je ne dis pas que ça serait/aurait été mieux sans. Je n'en sais foutrement rien. Mais, par contre, présenter cette loi comme le sauveteur du livre/libraire, c'est peut-être le credo officiel mais c'est une position difficile à tenir dans la réalité. La position de libraire n'est pas meilleure en 2015 qu'en 1981. Mais ils sont moins nombreux en souffrir)

Pour avoir été un gros lecteur de BD, avoir écumé les librairies de france et de belgique pendant mes vacances pendant longtemps, j'ai l'impression que jusqu'au début des années 2000, les librairies et les enseignes culturelles ont vécu des années prospères avec la BD. J'ai vu des librairies s'ouvrir un peu partout et investir dans des produits dérivés (tirage de tête, résine, ex-libris, affiches...) pour se différencier de la Fnac.
Et depuis, je vois plutôt des fermetures de librairies BDs, les produits dérivés (qui sont pour moi un bon indicateur de la santé des libraires) se cassent la gueule et les grandes enseignes morflent encore plus face à Amazon parce que la concurrence est plus directe pour eux.
Pour une loi qui est entrée en vigueur au début des années 80, elle semble avoir plutôt bien fonctionné pendant 20 ans. Le début des années 2000 (jusqu'à 2005) coïncide avec l'arrivée d'amazon, mais aussi l'explosion du manga, la surproduction, la fameuse crise qu'on nous vend depuis 15 ans et je ne sais quoi d'autre encore.
Donc oui, quand on discute avec des libraires BDs, ils sont bien content de la loi sur le prix unique du livre et disent que ça les a bien aidé pendant longtemps.
MadTotoro dit:
Tu fais quoi de ton surplus de prod KS pour le retail?
Tu lances tout en boutique en même temps (genre 1 mois après la livraison du KS) ou tu stockes pour étalonner les sorties sur plusieurs mois, 1 an ou +?

En utopie tu étales les sorties... mais en effet ca sous entend de pouvoir stocker... PAR CONTRE je parle de Big One (CMon, Mantic, MGC... Monolith demain...) donc stocker pour avoir un an de sorties c'est normalement pas trop le soucis...
... je parle pas des petits ;)
MadTotoro dit:
je trouve ça super intéressant parce que les exemples ne sont justement pas nombreux.

C'était la premiere fois que je voyais ca perso... et pourtant j'en suis vraiment beaucoup de tres pres, comme tu dis c'est super interressant comme cas (je vais surveiller les petits aux prochains gros lancements, voir si c'est "reproductible"...)
jmt-974 dit:
En utopie tu étales les sorties... mais en effet ca sous entend de pouvoir stocker... PAR CONTRE je parle de Big One (CMon, Mantic, MGC... Monolith demain...) donc stocker pour avoir un an de sorties c'est normalement pas trop le soucis...
... je parle pas des petits ;)

Alors je ne maîtrise pas bien les coûts mais il me semble que le stockage coûte cher même à un gros.
Alors que se qui coûte cher en production c'est le moule. Pourquoi ne pas effectuer 2 tirages, un pour le KS et l'autre pour le retail, plutôt que de stocker whatmilles boîtes pendant un an ?

Parl, seul cas visible pour moi.
Je savais qu’un gros KS ne nuisait pas aux petits mais je b´avais aucun cas où cela lui avait profité

kakitaben dit:
jmt-974 dit:
En utopie tu étales les sorties... mais en effet ca sous entend de pouvoir stocker... PAR CONTRE je parle de Big One (CMon, Mantic, MGC... Monolith demain...) donc stocker pour avoir un an de sorties c'est normalement pas trop le soucis...
... je parle pas des petits ;)

Alors je ne maîtrise pas bien les coûts mais il me semble que le stockage coûte cher même à un gros.
Alors que se qui coûte cher en production c'est le moule. Pourquoi ne pas effectuer 2 tirages, un pour le KS et l'autre pour le retail, plutôt que de stocker whatmilles boîtes pendant un an ?

Parce que stocker des quantités intermédiaires (extensions) coute bien moins que faire des petites prod & logistique ;)

t’as des chiffres pour étayer ? :D

Pour l’histoire de baisser la marge sur un fixe, j’ai du mal à y voir une solution.
Baisser la marge sur les grosses pièces (dans notre cas les gros jeux) ne peut fonctionner qu’avec une rotation de stock importante.
On peut faire le parallèle avec le secteur du prêt à porter dont je connais bien les chiffres, pour les petits indépendants ce n’est pas avec les grosses pièces comme les manteau qu’ils gagnent leur vie car justement les marges sont inférieures à celles des autres produits et en plus les consommateurs sont plus vigilants sur le prix et on tendance à attendre promotion ou soldes qui ampute ou annule celle ci.
La plupart en prenne quelque uns, car il y voit une utilité autre (vitrine, proposition complète,…) mais d’un point de vue financier ca n’a pas de sens. (trésorerie monopolisé,…)
La seule solution c’est que le distributeur reprenne les invendus (comme dans le livre) mais là c’est une prestation qu’il devra inclure dans son taux de marge.
Seule la marge sert à payer : le loyer, le stock, les taxes, les frais généraux, les employés et si il en reste le patron.

Le stockage c’est dans les 5 à 7€/mois/palette.

ehanuise dit:Le stockage c'est dans les 5 à 7€/mois/palette.

Externalisé ca non ? internalisé j'avais plutot du 3-4€ en tete en terme d'entrepot...
[EDIT : ouais non ca date grave, on doit etre a ca maintenant en ZI grosses agglomérations...]
fred henry dit:
Jiheffe dit:Pour des jeux comme Conan, la vie "post-KS" n'est peut être pas la boutique, mais une boutique en -ligne de l'éditeur ?

Il y a une autre solution (on en parlait avec un ami hier) : que les marges ne soient plus des "multiplicateurs" sur les gros produits, mais par exemple : prix d achat + 20€.

Si la marge est un multiplicateur c'est j'imagine pour lisser les risques avec les invendus, et l'immobilisation de capital liée à la mise initiale non ?
je me suis souvent demandé devant des jeux ou l'on sent des économies de bout de chandelles, puis en lisant les explications d'Arnaud (d'Ystari) j'avais fini par comprendre les choses ainsi.
C'est pareil pour toute la chaîne en fait, si tu as le choix entre un jeu qui te coute 10 et que tu vend 20 et un jeu qui te coûte 50 et que tu vends 65 le choix semble logique : prend celui à 10...
A la rigueur ca pourrait marcher pour les distributeurs peut être, ou je dis une grosse connerie ?

Même problème: le distributeur achète un stock qu’il doit refourguer aux boutiques. Chaque invendu est une perte. La marge en % est donc une obligation.

dYnkYn dit:Même problème: le distributeur achète un stock qu'il doit refourguer aux boutiques. Chaque invendu est une perte. La marge en % est donc une obligation.

Tout dépend de quel marché on parle. En france, la plupart des distributeurs travaillent dépôt vente avec les éditeurs français donc ils ne prennent aucun risque. Ils ne payent que ce qu'ils ont vendu.
Après loin de moi l'idée de leur jeter la pierre, ils font un travail qui se paye, tout est normal là dedans. :)

Entre le l’application d’un coefficient fixe ou d’un montant fixe, il reste quand même un peu de place pour des solutions plus fines.
Si le coefficient de marge sert à limiter le risque d’invendu, en toute logique un jeu avec plein de précommandes, d’un auteur connu, déjà ancien et se vendant bien ou faisant l’objet de grosse pub devrait bénéficier d’un coefficient plus faible.

@ Jeremie. C est exactement xe que je veux dire. À aucun moment dans le calcul la marge n est pondérée par le risque. C est ça qui n a pas de sens.

Jeremie dit:Entre le l'application d'un coefficient fixe ou d'un montant fixe, il reste quand même un peu de place pour des solutions plus fines.
Si le coefficient de marge sert à limiter le risque d'invendu, en toute logique un jeu avec plein de précommandes, d'un auteur connu, déjà ancien et se vendant bien ou faisant l'objet de grosse pub devrait bénéficier d'un coefficient plus faible.

J'imagine que ça sert à compenser les pertes faites ailleurs. Mais dans l'idée ça semble logique cependant ça éliminerait toute chance à une nouvel éditeur et un nouvel auteur d'être compétitif face à un éditeur en place avec de gros tirage d'un jeu d'un auteur reconnu.
fred henry dit:@ Jeremie. C est exactement xe que je veux dire. À aucun moment dans le calcul la marge n est pondérée par le risque. C est ça qui n a pas de sens.

sauf à, comme le dit Nono, compenser le risque "global" sur chaque produit.
Sinon le jeu que l'on considère comme risqué, en plus de moins le stocker, on va le marger plus ? Du coup on augmenterais son prix, et donc il ne vendrait encore moins.
Nergal dit:
A la rigueur ca pourrait marcher pour les distributeurs peut être, ou je dis une grosse connerie ?

Non, je ne trouve pas que ce soit une grosse connerie.
En effet l'effort de vente et de promotion d'un jeu à 40€ est le même que celui à 10€. Ce qui change malgré tout c'est le cout de stokage car le jeu à 40€ est souvent 4x voir plus volumineux que le jeu à 10€. Celà peut donc justifier que cela reste un pourcentage.

En boutique par ex, pour une grosse boite de Zombicide à 90€, le vendeur est plus enclin à te faire une remise plus importante (en %) que sur un jeu à 50€.
Parce qu’il immobilise moins longtemps une trésorerie + importante et et qu’il marge plus en brut.

MadTotoro dit:Pour avoir été un gros lecteur de BD, avoir écumé les librairies de france et de belgique pendant mes vacances pendant longtemps, j'ai l'impression que jusqu'au début des années 2000, les librairies et les enseignes culturelles ont vécu des années prospères avec la BD. J'ai vu des librairies s'ouvrir un peu partout et investir dans des produits dérivés (tirage de tête, résine, ex-libris, affiches...) pour se différencier de la Fnac.
Et depuis, je vois plutôt des fermetures de librairies BDs, les produits dérivés (qui sont pour moi un bon indicateur de la santé des libraires) se cassent la gueule et les grandes enseignes morflent encore plus face à Amazon parce que la concurrence est plus directe pour eux.
Pour une loi qui est entrée en vigueur au début des années 80, elle semble avoir plutôt bien fonctionné pendant 20 ans. Le début des années 2000 (jusqu'à 2005) coïncide avec l'arrivée d'amazon, mais aussi l'explosion du manga, la surproduction, la fameuse crise qu'on nous vend depuis 15 ans et je ne sais quoi d'autre encore.
Donc oui, quand on discute avec des libraires BDs, ils sont bien content de la loi sur le prix unique du livre et disent que ça les a bien aidé pendant longtemps.

je ne connais rien au marché de la BD. Mais un rapide wiki me donne un sentiment contrasté:

En 2012, le marché de la bande dessinée francophone vit une situation paradoxale. Depuis seize ans le nombre de publication ne cesse de croître9 et atteint le chiffre de 5 327 livres publiés dont 72 % sont des nouveautés (le reste se partageant entre rééditions, art book et essais). Cette bonne santé économique vient après une période de crise qu'a subi le secteur durant les années 1980-1990 mais qui est maintenant dépassée10. Toutefois, ce succès n'est pas total et seule une centaine d'album bénéficie de tirages supérieurs à 50 000 exemplaires. De même, dix mangas représentent 50 % de l'ensemble des ventes de ce secteur11. D'ailleurs le marché du manga se stabilise après avoir longtemps progressé. Si au milieu des années 2000, la production de manga constituait la moitié de la production de bande-dessinée10, depuis il recule et en 2010 il connaît une baisse de près de 14 % en volume et de 7,7 % en valeur12 et en 2011 une stabilisation.
Par ailleurs, 310 éditeurs sont recensés mais quatre publient plus de 43 % des titres13. Ces grands groupes se caractérisent par une production diversifiée et un catalogue important alors que les éditeurs plus petits sont souvent cantonnés à une niche (Panini : comics et manga, Bamboo : humour essentiellement, l'Association : bande dessinée d'auteur…) et ont un fonds moins riche. Cela n'empêche pas des succès importants comme Les Profs édités par Bamboo (120 000 exemplaires) ou Les Simpson édités par Jungle (150 000 exemplaires)14. La situation est donc contrastée et certains craignent que la surproduction menace l'équilibre de ce marché

si tu demandes à un libraire en activité s'il pense que le prix unique est bon, la réponse est biaisée par ton échantillon. Pour lui, oui, évidemment qu'elle est bonne.
Si on regarde les chiffres d'affaire de l'édition, c'est pourtant le marasme quasiment complet de 1980 à 2000. Du côté des tirages, c'est le calme plat jusqu'en 1995. Mais ça explose ensuite (yep, Internet, c'est le mal mais d'un seul coup les gens achètent des livres. Causalité? Hasard?).
En fait, Internet, ça a fait essentiellement mal aux librairies-presse, grandes enseignes (GSC et GSA, ceux-là même qui avaient fait souffrir les libraires la décennie précédente), + clubs/VPC tradi (évidemment). Ceux-là, qui n'ont aucune activité réelle de conseil et ne jouent pas vraiment la proximité, en prennent plein la tronche (+ les encyclopédies papier, quasiment une espèce disparue). Mais, globalement, le "vrai" libraire, celui qui vend du livre près de chez toi, il souffre moins que les autres.
Et c'est là que ça rejoint la problématique de Fred ama. On peut multiplier les exemples mais, globalement, les gens sont toujours attachés à leur spécialiste proche. Même s'ils lui sont infidèles, ils y tiennent. C'est d'autant plus vrai pour nos boutiques de jeu, exacerbé par la niche à laquelle on appartient.
Finalement, le plus gros danger amha pour les boutiques serait que notre loisir de niche devienne mainstream. Parce que, là, il faudrait faire avec les GS + amazon + VPCistes Internet + nouvelles boutiques (+intérêt financier des éditeurs pour des investisseurs extérieurs au marché dont la logique serait bien moins sympathiques). Mais, bon, je pense "qu'on" est tranquille pour un moment ;)

note: Enfin, un chiffre qui moi m'amuse beaucoup : de façon surprenante, si la proportion de lecteurs a augmenté dans les années 70, elle n'a plus bougé une fois la loi Lang en place. Le prix fixe, il a bien fallu que quelqu'un le paie. In fine, ce furent les clients. Et la "culture" en général