Roolz dit:je rebondis sur un truc qui n'a pas de rapport direct avec les boutiques mais je le dis quand même....
Orpheus dit:Par ailleurs, le truc qui me scie le plus, c'est la tolérance vis a vis des retards.
Ok, y a des impondérables, il peut y avoir des accidents, voir on est moubourré et on pardonne tout...
Mais là c'est fou, on en est à un point ou un KS livré dans les temps est une chose exceptionnelle.
J'avoue ne pas comprendre le non respect systématique (pour simplifier) des deadlines. Que ça arrive sur des trucs compliqués, à figs, qui explosent de façont imprévue, admettons, mais là ça va vachement plus loin.
Les corps où ça se passe comme ça sont pas légion dans le reste du commerce, autant que je sache, et du coup j'en viens à me demander si les éditeurs rencontrent le même genre de difficultés pour une sortie "classique".
Et, si ce n'est pas le cas, qu'est ce qui justifie cela sur KS?
Alors à mon humble avis l'explication est assez simple.
Déjà "dans le reste du commerce" que je connais (industrie/dvpt de produits), les retards c'est très courant. Entre le planning au lancement d'un projet et la date de lancement réel c'est rarement dans les temps. Même pour des boites établies depuis 107 ans. Il y a tout un tas de raisons mais je ne rentrerai pas dans les détails.
La différence c'est que le client :
- soit ne "voit" pas le retard (le jour ou tu lances ton produit il ne sais pas que tu as doublé ton délai de dev initial, le produit est dispo et basta)
- soit le "voit" en direct parce que c'est le donneur d'ordre. Auquel cas, soit il a de l'expérience et savait pertinemment que tu ne tiendrais pas le délai donc il a anticipé (mais il te met la pression à mort quand même), soit il est "puceau" et il couine comme un goret, éventuellement il va voir ailleurs (au final il arrive qu'il revienne en mendiant pour son projet suivant parce que chez les concurrents c'est pire
).
Sur KS les retards sont la norme, tout simplement parce que les lanceurs de KS sont des débutants. C'est le "principe" du KS, monsieur tout le monde peut lancer son projet.
Pas débutants dans tous les domaines, mais des trucs comme la logistique, la fabrication, ça ne s'improvise pas. Tu ne peux pas être expert en tout, surtout quand tu est tout seul ou que tu as une structure de 2 ou 3 bonhommes (c-à-d le petit éditeur typique).
Le fait que ce soit un jeu de cartes ou un gros jeu AT à figs ne change pas radicalement ce fondamental.
Un dev de jeu c'est comme n'importe quoi d'autre, quand tu débutes tu ne connais pas hyper bien tous les processus ni tous les intervenants/fournisseurs. Quand tu connais pas, tu fais confiance aux gens. Et tu apprends dans le sang et la sueur. Et naturellement c'est en retard. Plus le projet est gros (figs etc), plus il y a d'intervenants, plus c'est complexe, plus c'est en retard. Un succès inattendu aggrave juste le problème.
Quasiment les seuls KS qui tiennent les délais sont ceux lancés par des boites qui ont un réseau d'intervenants bien établi et des processus bien huilés (CMoN, au hasard).
Si on prend l'exemple du KS Conan, qui était super bien ficelé et pas géré par des perdreaux de l'année, il y des chances (hypothèse au pif, j'en sais rien mais je suppose) que le retard soit dû tout simplement à 1 ou 2 partenaires/fournisseurs avec lesquels la team n'était pas habitué à travailler, plus sous-estimation d' 1 ou 2 trucs non-familiers (logistique, PM, au pif), plus aggravation due au scope du projet qui a explosé (nb de stretch goals).
Il suffit de relativement peu de choses pour prendre 6 mois dans la face. Mon expérience en projet, dvpt d'outillages et chaîne graphique m'a montré qu'au moindre pépin tu prends cher niveau délai (la logistique j'y connais rien, mais je suppose que ça doit pas être rose non plus). Si ça se trouve je dis des conneries, ça vaut ce que ça vaut, mais bon c'est mon avis...
Pour avoir été un peu formé au contrôle de gestion et à la logistique ainsi qu'à la prod' dans les entreprises en général, il faut savoir deux choses :
- La production se fait durant des moments clairement définis. Dans le cadre de la prod de figs, par exemple, l'usine va devoir définir un moment dans son calendrier où elle produira les figs de tartempion. Elle ne peut pas produire les figs de trumuche en même temps. En effet, il y a un travail en amont d'installation des moules, de mise en route des machines. Si on rajoute le fait qu'il faut anticiper à la fois l'approvisionnement et le transport en aval, on ne peut pas s'amuser à dire : on vous envoie ça vers telle date à X jours prés. Le stockage coûte très cher (relativement) car il faut de la place, de la manutention, des contenants, des étapes de transports supplémentaires. Donc, dans l'optimum, il faut que toute la chaîne s'enclenche rapidement : approvisionnement en moules et matières premières, production, réception des produits et dispatching, livraison... Sinon, les coûts se multiplient de manière exponentielle. Sachant que les usines ont en général un agenda chargé et au cordeau (pour faire tourner au max les machines), il suffit d'un décalage d'une semaine ou deux pour perdre la fenêtre de production pour 6 à 8 mois facile. Le contrôle de gestion, c’est pas sexy, t’as la tête dans des tableaux à douze entrées, tu dois connaître le droit, la finance, la compta, avoir des notions de moyens de prod et engueuler du monde tout en assurant un rapport qualité/délai le meilleur possible. Par contre, ça s’improvise pas et c’est au cœur de tout projet avec une partie industrielle. Donc, faut un gars qui touche sa bille. Et ça, ça se trouve difficilement (ou ça se paye à prix d’or…)
- Un projet est un enchaînement d'éléments individuels qui peuvent se produire en simultanés mais qui, bien souvent, doivent se succéder. Et, c'est parfois le casse tête (A a besoin de B mais aussi de C et D pour s'enclencher mais il faut que B soit suffisamment avancé pour que D s'enclenche. Et C a besoin que A commence pour s'enclencher... Et là, je fais simple). De plus, quand un projet regroupe des personnes qui n’ont pas la même notion de ce qu’est un planning et son respect (genre, des graphistes ou des auteurs, au hasard…), c’est javel Lacroix (chut, chut, pas de marques !) et la bannière pour tenir ton planning… L’immense majorité des projets sont retardés (même chez les pros... Surtout chez les pros !)
Pour finir, une petite histoire du Père FouSW (oh, oui ! Père FouSW, raconte nous une petite histoire !) :
Un de mes profs d’école de commerce avait bossé chez un grand fabricant de sirop (vous le connaissez, hein…). Il a participé à l’un des plus gros bides industriels du secteur (en y réfléchissant, j’avais des brêles comme profs, en fait… C’est quoi le dicton : soit on sait faire, soit on enseigne…

).
En effet, ils avaient créé une magnifique bouteille en verre, soufflée à l’ancienne et créée par des souffleurs de verre réputés. Le machin avait gagné des prix pros et avait été élu produit de l’année… La cible : les mamies qui achètent pour leur petits enfants la même bouteille que quand elles étaient jeunes et les ménagères de moins de 50 ans qui achètent la bouteille comme celle qu’elles avaient chez leur grand-mère… Le produit arrive en rayon, grosse com en amont, produit mis en valeur et tout… Et là, c’est le drame… La bouteille est 5cm trop grande pour rentrer dans un linéaire de supermarché standard… Résultat : les bouteilles (qui pèsent leur poids, hé, c’est du verre costaud !) sont mis tout en haut des linéaires. Autant dire que les mamies et les ménagères de moins de 50 ans, peu adeptes de l’escalade en supermarché pour aller chercher une bouteille de 3kg, ne l’ont pas acheté… Résultat : tout une ligne de prod invendue, des millions de francs pour refaire le moule et mon prof (de contrôle de gestion) viré… Tout ça parce que y a pas un clampin qui a pensé à dire : « Hé, au fait, on a vérifié que la bouteille, elle rentrait dans un linéaire ? ».
Comme quoi, le contrôle de gestion, c’est bien, mangez en !