Le loup-garou de Wall-Street, Martin Scorsese, 2013
Obscène, vulgaire, sans limite.
Scorsese fait se rejoindre la forme de son film avec la personnalité de son personnage principal, comme il l’a toujours fait (Taxi Driver, Raging Bull, Casino, les Affranchis).
Enfin pour être plus précis, il fait se rejoindre la forme avec le thème du film : la saloperie absolue que peut devenir le fric. LA drogue dure du film (parmi toutes celles que s’envoient les personnages)
C’est à la fois la grande qualité et la principale limite du film. Je n’ai pas encore tranché : d’un côté Scorsese fait un film incroyablement couillu en allant aussi loin (jusqu’à la nausée, quasiment) dans la vulgarité sans limite. Ce n’est pas un film “agréable”, on oscille toujours entre rire franc et rire jaune (avec toujours cette petite honte intérieure d’en avoir ri). De l’autre, c’est assez répétitif et un peu lourd.
Je crois que c’est bien sûr le but de Scorsese : le trop-plein, la répétition, tout ça je pense est voulu et même si ça n’en fait pas un objet agréable de bout en bout c’est justement un acte assez osé de la part de Scorsese.
This is America
Du point de vue du style, d’un côté Scorsese garde sa ligne de conduite habituelle (narration éclatée, voix-off, scènes musicales au cordeau) et en même temps il l’étoffe en faisant appel à la comédie régressive à l’américaine, et, dans ses meilleurs moments, au burlesque. J’en viens donc aux acteurs, tout simplement brillants, Di Caprio en tête (mais Jonah Hill aussi). Di Caprio nous montre une nouvelle facette de son incommensurable talent : l’expression corporelle. Il renoue avec une certaine tradition du cinéma muet : le jeu du corps. Dans une scène mémorable, son personnage complètement défoncé se retrouve incapable de rejoindre sa bagnole et de commander ses membres. Moment de bravoure absolu, d’une brillante pureté : un plan-séquence fixe, pas de dialogue, juste un mec qui rampe. Lors de la scène suivante, c’est avec Jonah Hill que le festival se poursuit lors d’un corps-à-corps au sol hilarant impliquant aussi le fil du téléphone, et une tranche de jambon.
Le corps à corps en question
Comme le personnage brossé ici est assez tôt insupportable, il y a une différence avec ses autres films. Scorsese a rarement eu aussi peu de respect pour son personnage principal. Ici il y a bien quelques moments de grâce par ses qualités d’orateur, ça reste un connard, obscène, égoïste, un des pires connards de la filmographie de Scorsese. C’est aussi une des difficultés que pose le film à son spectateur.
Tout de même, ce personnage ne naît pas connard, mais il est assez effarant de constater à quelle vitesse son milieu le contamine (le génial “déjeuner” avec l’excellent McConaughey).
Toutefois je trouve que le film manque d’une altérité, d’une voix discordante dans le camp de Jordan. Les objections qu’on lui fait (son père, qui qualifie ses pratiques d’obscènes, et sa première femme) sont un peu légères, et surtout, parmi tous les gens qui travaillent avec lui, aucun ne trouve à aucun moment qu’il va trop loin. C’est justifié dans le film par ce que dit le héros (il crée une “meute”), mais ça donne un ton un peu misanthrope au film que d’habitude Scorsese parvient à éviter.
Ce qui est édifiant, c’est que de tous les personnages qu’il a brossés, maffieux, losers, paranos, celui qui atteint le paroxysme de la vulgarité est un courtier de wall street.
Pas vraiment un film de Noël. Fucked-up!
A peu près le même ressenti que viking sur le dernier Scorcese.
Vu un 1er Janvier, dans une salle bondée (nous pensions être tranquille c’est raté ).
3h de vice et de mauvaises résolutions, l’année commence bien…
Le loup de Wall Street
Le film va loin, et est globalement très puissant. Sans limite. Alors après on est dans la grande tradition des films de mafieux, façon réalisateur d’origine Italienne des eighties. Cette ivresse de pouvoir, cette addiction aux addictions, on est en terrain connu.
Un sacré moment de cinéma quand même, pendant lequel je me suis régalé. Les scènes mémorables se succèdent à un rythme effréné, un vrai tour de force pour 3h de film! Un cynisme aussi jouissif que vomitif, parfaitement résumé dans la scène du yacht, 1er face à face entre le loup et le berger.
S’il est vrai que ce salaud sans nuance ne mérite aucune empathie , je ne serai pas surpris que Jordan Belfort devienne l’icône absolue d’une certaine culture du vice, à l’image d’un Tony Montana. Le souci, c’est que Belfort, lui, existe vraiment.
4.5/5
J’ai moi aussi vu le loup de Wall Street (Scorsese/DiCaprio, ça ne se refuse pas).
Et bien je n’ai pas du tout aimé : trop vulgaire, trop orgie, pas franchement dénonciateur, et 1 heure de film de trop. C’est bien simple, j’avais hâte que ça se termine ! Le seule moment où on rigolait, c’était la grosse défonce avec Leo qui rampe. Pour le reste…
deepdelver dit:pas franchement dénonciateur
What ? Pas moralisateur oui, pas dénonciateur non.
5,5/5 pour moi au fait. Trop de moments où je me suis dit (c'est trop bon, c'est trop bon).
Je vais y retourner si l'occasion se présente.
Les derniers Scorsese ne m’ont pas emballés (on va dire depuis Casino), et je suis pas client de Di Caprio, donc au ciné ça sera clairement sans moi, après je dis pas…
J’ai vu “Le Loup de Wall Street” et j’ai trouvé ça très bien.
Scorsese montre un monde ignoble et son personnage principal est vraiment une ordure.
La scène de la fille qui accepte de se faire raser la tête pour de l’argent résume assez bien le film je trouve : c’est un univers d’humiliation, de bêtes. C’est vraiment la loi de la meute. C’est assez effrayant comme film.
Et DiCaprio est fantastique.
viking dit:Toutefois je trouve que le film manque d’une altérité, d’une voix discordante dans le camp de Jordan. Les objections qu’on lui fait (son père, qui qualifie ses pratiques d’obscènes, et sa première femme) sont un peu légères, et surtout, parmi tous les gens qui travaillent avec lui, aucun ne trouve à aucun moment qu’il va trop loin. C’est justifié dans le film par ce que dit le héros (il crée une “meute”), mais ça donne un ton un peu misanthrope au film que d’habitude Scorsese parvient à éviter.
Il y a quand même le personnage de sa deuxième femme. La famille. Avec quelques belles scènes du film. Après, je me demande si Scorcese, au delà de la dénonciation et du dégoût, n'est pas aussi dans la fascination.
J'entend souvent aussi que depuis Casino il déçoit, mais il a quand même été associé à des choses intéressantes: Aviator, Gangs of New York, Les infiltrés, Shutter Island, Shine a light, Boardwalk Empire, No direction home, tout cela a des défauts, beaucoup des films sont décevant au regard des projets, mais quand même...
Après, je me demande si Scorcese, au delà de la dénonciation et du dégoût, n'est pas aussi dans la fascination
Tu as bien raison! Il me semble quand même que ce personnage le fascine beaucoup moins que les gangsters de Casino...
Mais en effet, ce qui l'intéresse c'est de créer un phénomène d'attraction/répulsion, le film n'en est que plus efficace (bien que, du coup, pas forcément constamment agréable... Ce qui est plutôt bien en fait)
Et le film par rapport au bouquin ?
En tout cas vous m’avez mis à la bouche là ! ^^
Sinon dire que Scorsese n’a rien fait depuis Casino, je trouve ça un peu fort… Gangs of NY est pour moi un truc central de sa filmographie
Mirmo :
Que tu aimes ou pas, c’est au minimum un film très intéressant quand on connaît un peu la filmo de Scorsese. Que ça soit du point de vue du style ou du fond.
Mirmo dit:Sinon dire que Scorsese n'a rien fait depuis Casino, je trouve ça un peu fort... Gangs of NY est pour moi un truc central de sa filmographie
J'ai parlé de non emballement, pas qu'il n'avait rien fait.
Mais si je dois détailler : Hugo Cabret est pas top, Shutter Island est bof, Les infiltrés plutot très moyen, Aviator très bof, Gangs of NY est effectivement bon, A tombeau ouvert pas trop mal, Kundun très moyen.
Le top étant loin derrière avec : Mean streets, Taxi driver, NY NY, Raging bull, La valse des pantins, la dernière tentation du Christ, Les affranchis, Le temps de l'innocence et Casino.
Je préfère moi aussi la première partie de la carrière du bonhomme, je dois dire.
Lapinesco dit:Mirmo dit:Sinon dire que Scorsese n'a rien fait depuis Casino, je trouve ça un peu fort... Gangs of NY est pour moi un truc central de sa filmographie
J'ai parlé de non emballement, pas qu'il n'avait rien fait.
Mais si je dois détailler : Hugo Cabret est pas top, Shutter Island est bof, Les infiltrés plutot très moyen, Aviator très bof, Gangs of NY est effectivement bon, A tombeau ouvert pas trop mal, Kundun très moyen.
Le top étant loin derrière avec : Mean streets, Taxi driver, NY NY, Raging bull, La valse des pantins, la dernière tentation du Christ, Les affranchis, Le temps de l'innocence et Casino.
Ah...
Autant Shutter Island (film à twist sans réelle personnalité) et les Infiltrés (remake inutile) je n'aime pas du tout, autant j'adore tout le reste (pas vu Kundun ceci dit).
Hugo Cabret est magique, c'est une déclaration d'Amour au cinéma. Je suis parfois tenté de penser que ça aurait pu être réalisé par un autre mais je ne crois pas que le résultat aurait eu la même saveur. Le film est orchestré comme l'automate qu'il présente.
A Tombeau Ouvert c'est une sorte de pendant ambulancier de Taxi Driver qui frise parfois l'exercice de style. Je le prends comme un trip hallucinogène où l'ambiance insomniaque est très bien retranscrite.
The Aviator, c'est aussi un gros travail de Scorsese de mémoire, la fin est assez tragique et glauque. Et il n'y avait pas beaucoup d'autres personnes que lui pour filmer la grandeur puis la déchéance aussi bien.
Et Gangs of New York c'est le film somme sur NYC. Il n'y avait que lui pour le réaliser. Les scènes cultes y sont légion (l'introduction est complètement dingue) et il a (re)mis Daniel Day Lewis sur le devant de la scène.
Aviator je peux comprendre mais Hugo Cabret je peux pas
C’est justement parceque c’est Scorsese que je trouve Hugo Cabret si mauvais.
J’attendais d’un ciénaste comme lui que les clins d’oeil soient plus fin (le truc en carton pate pour Lloyd c’est limite).
Bref il a tant manqué, pour moi, dans ce film, c’est tellement grossier dans le traitement, que je sauve rien dedans
Vous me faites flipper avec Les Infiltrés. Moi, j’adore ce film. J’ai des goûts de chiottes ?
Non, non, les infiltrés c’est excellent. Mais certains n’aiment pas parce que c’est un très bon remake d’un film très moyen.
viking dit:Non, non, les infiltrés c'est excellent. Mais certains n'aiment pas parce que c'est un remake très moyen d'un très bon film.
Tu avais du te tromper, j'ai corrigé pour toi
Mirmo dit:viking dit:Non, non, les infiltrés c'est excellent. Mais certains n'aiment pas parce que c'est un remake très moyen d'un très bon film.
Tu avais du te tromper, j'ai corrigé pour toi
Je vais vous aider à trancher: c'est un très bon remake de l'excellent 1er épisode d'une incontournable trilogie!
Non mais je trollais, en fait je l’ai pas vu Infernal Affairs.
Je trouve que la période “DiCaprio” de Scorsese est pas si mal.
“Aviator”, j’avais beaucoup aimé, “Les Infiltrés” et “Gangs of New York”, je trouve ça plutôt bien, même si ce ne sont pas des chefs-d’oeuvre.
“Shutter Island”, j’étais un peu déçu, alors que l’ambiance qui se met en place au début est très bien.
Mais “Le Loup de Wall Street” est ce qu’il a fait de mieux depuis longtemps et c’est, à mon avis, le meilleur film de Scorsese avec DiCaprio.
De toute manière, Scorsese est un type très fort. C’est le genre de réalisateur qui fait parfois des films mineurs, mais jamais, ou très rarement, de mauvais films.