HIGH FRONTIER 4 ALL: Human Behavior

[High Frontier]

Mes premières parties de High Frontier remontent à 2011, mes dernières parties à 2014 et mon article dans Plato date de 2012… Bref, ça fait un bail et je m’y suis relancé suite à la VF de 500 NDG reçue en fin d’année dernière. Tout d’abord, il faut les remercier du colossal travail effectué tant la traduction d’un tel jeu relève du défi (non pas tant pour ses règles, quoique…) mais aussi pour toutes les notes et détails scientifiques tant dans le(s) livret(s) que sur les cartes qui précisent brièvement certaines caractéristiques des propulseurs, réacteurs, robonautes, générateurs, etc.

Aujourd’hui, je ne joue plus qu’à des jeux qui apportent mécaniques et sensations différentes tout en mettant en branle des cheminements intellectuels qui sortent des sentiers battus. Et le moins que l’on puisse dire est que High Frontier coche toutes les cases. J’ai été stupéfait en y replongeant près de 9 ans plus tard de (re)constater à quel point, sur la base de mécaniques relativement simples, ce jeu parvient à générer réflexions et problématiques qui encore aujourd’hui n’appartiennent qu’à lui…

Voici un jeu de course où l’on peut gagner avec un engin plus lent que celui des autres, où le chemin le plus direct vers un objectif n’est pas forcément le plus court, où l’on participe à la même course que nos adversaires mais pas forcément sur le même circuit, où l’on peut courir une seule et unique compétition avec des fusées radicalement différentes en cours de jeu (comme si vous démarriez le circuit de Monza avec une Formule 1, pour poursuivre avec une 2CV et terminer avec un poids lourd).

High Frontier est un jeu de Deck building où il sera parfois redoutable (voire nécessaire) de ne pas comboter, souvent bon de rompre l’homogénéité d’un bel ensemble technologique, fréquemment pertinent de décaler une combo dans le temps même si on en possède déjà les éléments, attendre (voire même refuser provisoirement) la complémentarité en faisant voyager en amont certaines technologies pour les récupérer plus tard en outpost dans des secteurs plus économes et propices à leur installation et utilisation in situ, etc. Un système de cartes (et d’enchères pour les acquérir) absolument génial et qui, plus que l’asymétrie, met en valeur la dissymétrie ce qui est assez fou et culotté.

Dans un jeu de développement classique, on sait dès le départ à quoi servira ce que l’on peut potentiellement construire. C’est figé et gravé dans le marbre (marquer des points au moyen de tel édifice, produire un machin ou un bidule avec tel autre, pouvoir faire tel truc particulier avec celui-ci, etc.). Ici, il n’y a rien de préétabli quant à ce que l’on pourra faire de la fusée qu’on échafaudera. On a la liberté quasi absolue de pouvoir décider ce qu’elle nous permettra d’effectuer: quoi, où, quand, comment, pour quoi, dans quel timing, sur quelle durée et à quel(s) coût(s)… A High Frontier, on n’est pas au service du jeu, c’est le jeu que l’on doit mettre à notre service.

Et en effet, très vite (dès qu’on a compris grosso modo comment monter une fusée et la déplacer), la priorité va devenir bien plus ce que j’ai envie de faire (de créer) plutôt que pourquoi je le fais (cad par exemple combien ça va me rapporter…): quels moyens je dois mettre en œuvre pour mettre en place ce que je veux faire plutôt que quels moyens je dois mettre en œuvre pour marquer le plus de points possibles… On entre dans une optimisation créatrice bien plus que comptable. Bien entendu, et le jeu en laisse la possibilité, il y en aura toujours qui continueront à optimiser pour les points, il y en aura toujours qui répèteront à l’envie les mêmes schémas quel que soit le jeu (très actuel: faire la même chose toujours, se complaire dans la même routine quel que soit l’apparat superficiel qu’elle revêt et qu’on nous vend). Et HF, si il laisse évidemment à chacun la possibilité d’y jouer et de se battre pour gagner, incite aussi et surtout à se laisser porter par d’autres finalités du type: “et si j’étais le premier à installer une équipe de chercheurs sur les lunes de Jupiter?”, “et si je réussissais le projet fou de faire avec un équipage l’aller-retour sur Pluton?”, “j’ai toujours rêvé de faire de l’astrobiologie et de récolter des données scientifiques sur Titan avec une vue imprenable sur les anneaux de Saturne”, “et si nous allions construire un site industriel subaquatique sur une des faces de Callisto”, “je vais aller construire un propulseur extra-terrestre plus puissant et léger dans l’atmosphère de Venus”, etc.

Plus surprenant encore, certains projets emporteront souvent l’adhésion de certains de nos camarades de jeu qui par curiosité, intérêt et/ou bienveillance, loin du “tout se négocie”, pourront proposer leur aide ou accepter des requêtes tant que ça ne les pénalisera pas dans leurs propres projets: “arrête-toi au passage pour te ravitailler en ergol dans mon usine”, “vu que je n’en ai pas besoin pour l’instant, je te prête mon équipage qui te permettra d’atterrir et de créer une colonie sur Mercure et de ton côté, ce brevet et/ou ce brevet qui ne te servent pas techniquement dans tes projets peuvent m’intéresser de par leurs caractéristiques”, etc. Si les personnes autour de la table ne vivent pas avec des œillères, le coopétitif positif s’installera naturellement (la coopération entre agences spatiales qui bien que concurrentes ont toujours soif de découvrir et d’apprendre de nouvelles choses).

Dans cet esprit, j’ai fait par le passé une partie où mon seul but était d’atterrir sur une comète qui ne passait à portée de fusée de notre système solaire qu’une fois tous les 48 ans (ou un truc dans le goût…). Le montage de cette mission et sa planification tant matérielle qu’en terme de timing a été une des choses les plus passionnantes et enthousiasmantes que j’ai pu vivre ludiquement, un de mes plus beaux souvenirs de jeu. Après, je savais dès le début de partie que je ne serai absolument pas compétitif pour la victoire finale. Si vous saviez à quel point je m’en contrefoutais…

Merci à Eklund qui est un immense auteur de jeux! Merci à 500 NDG qui va me permettre via la VF d’y jouer avec mes filles!

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C’est tellement bien dit !

Je voulais revenir un peu sur l’aléatoire qui avec HF4A change sensiblement des standards de ce que fait Eklund en général sur cet aspect.

Beaucoup le savent, c’est un auteur qui privilégie avec passion et sans concessions le thème. Cela veut dire que pour lui, l’aléatoire, comme partie intrinsèque du processus “naturel” et historique d’un thème qu’il traite doit être forcément intégré à la mécanique ludique qu’il développe afin que l’on soit en immersion et symbiose thématique la plus poussée et profonde possible avec ce qui a pu (ou aurait pu) effectivement se passer dans les faits et avec ce qui se passera (ou aurait pu se passer) ludiquement.

Pour Eklund, un jeu doit participer à une certaine compréhension organique des évènements qu’il met en scène et nous permettre d’en goûter un maximum d’aspects d’un maximum de manières possibles. Donc, pour lui, l’aléatoire est un débat qui n’a tout simplement pas lieu d’être: on ne joue pas pour gagner ou perdre, on joue pour vivre, incarner et évoquer quelque chose, pour laisser une empreinte contextuellement prégnante.

HF4A ne déroge évidemment pas à cette règle d’or Eklundienne mais les aspects les plus spectaculairement aléatoires proposent plus de contrôle et/ou de contreparties que dans d’autres de ses créations (à Megafauna par exemple, on n’aura pas de prise sur les évènements qui pourront plus favoriser certaines espèces que d’autres). Mais encore une fois, tout ceci reste lié à l’ancrage et à la logique thématique.

Dans HF4A, on tire souvent le d6 notamment pour:

-évaluer via l’ISRU (In Situ Resources Utilization) d’un Robonaute si un site extra-terrestre sera exploitable ou pas. La prospection est une réussite si le dé a un résultat inférieur ou égal à la taille du site. Plus il est petit (taille minimale 1), moins il y a de chances d’y trouver des éléments techniquement exploitables (sur des sites de taille 6 ou plus, on n’aura donc pas à lancer le d6 la réussite étant automatique). On est certain de trouver des choses intéressantes sur Mars, moins sur un caillou paumé dans l’espace. Donc, d’abord, si l’on ne veut pas que la réussite de la prospection dépende du dé et bien il faut organiser des missions spatiales sur de gros sites. Ensuite, ce qui est rigolo, c’est qu’un échec au dé rend le site inexploitable pour tout le monde: soit on récupère le site avec un bon jet de dé, soit on le flingue pour tout le monde (la “malchance” est généralisée en quelque sorte). De fait, il est parfois rigolo avec certains Robonautes de flinguer des secteurs de prospection sous le nez d’autres joueurs (soit je les prends pour moi, soit tu ne les auras pas): certaines agences spatiales devront alors revoir leurs plans d’action à la lumière des éléments que vos prospections auront établi.

-passer les points de danger (entrée dans une atmosphère extra-terrestre, zones de risques (corps orbitaux) avec risque d’accident, etc.) et là, c’est simple et radical, sur un jet de 1 on explose et il faudra replanifier et remonter la mission spatiale depuis la terre. Mais on peut à tout moment faire travailler nos ingénieurs qui évalueront les risques et calculeront la trajectoire optimale (bref, nous éviteront d’avoir à jeter le dé): le FINAO (Failure Is Not An Option). Il faudra évidemment payer ces recherches et donc, prévoir d’avoir en stock les liquidités pour ce faire en amont… Sinon, il faudra assumer le risque inhérent à toute mission spatiale. Autre moyen, bien entendu, travailler à éviter ces points sensibles qui sont connus et identifiés.

-les anomalies techniques (Glitches) qui peuvent se révéler sur propulseurs, réacteurs, robonautes, générateurs, etc. et dont la gravité de la panne potentielle devra être évaluée lorsque certaines actions seront effectuées (jet de dé donc) pouvant rendre inopérationnel tel ou tel élément. La présence d’un équipage pour détecter et réparer l’anomalie résoudra le problème (pas de Glitches en orbite terrestre ni à l’endroit où se trouve notre équipage). Il faudra donc, en fonction des pièces techniquement faillibles, de leur localisation extra-terrestre et de l’importance qu’on aimerait leur donner, planifier d’y envoyer éventuellement notre équipage pour un (dé)tour réparateur.


edit: @laurent36: Merci!

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Merci pour cette analyse c’est vraiment intéressant.
Palferso le ludologue sans rire :+1:


Le joueur blanc a établi une première colonie humaine sur Mars et s’apprête à redécoller depuis la basse orbite terrestre (LEO: Low Earth Orbit). Le joueur vert quant à lui a mis progressivement en place des prospections et une usine susceptibles de lui servir de relais (tant quant à outpost, source de carburant potentielle et production Extra-Terrestre). Son but? Aller plus loin dans l’espace…

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Alors que faut-il penser de sa 4ème édition en Kickstarter ?

J’en parle dans le premier message de mon post.

@Commission_Editoriale on passerait pas ce sujet en article ? @palferso, pas d’objection ?

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Pas d’objections votre honneur.

Horreur. Je ne retrouve plus mes versions xxl du plateau normal et interstellar de la v2 !!!

@palferso tu pourrais remettre ta photo du 3e message tout en haut du premier pour faire la couverture ? Ou une autre belle photo si tu as, l’illustration de la boîte de couv par exemple, recoupée sans le titre.
Du moment que c’est une jolie photo assez grande :grin:

Je me suis mal exprimé, désolé. Je parlai en comparaison des 3 premières éditions et les différents rajouts des “modules” ou “extensions” ?
Est-ce que la 4ème édition vaut le coup de passer le pas ? Et les anciens modules y sont ? Ou faut-il en plus prendre le “module 3” conflict ?

Il y a une version XXL ? O M G ! :exploding_head: :scream:

Une question à deux balles (et excusez-moi par avance si la réponse est tapie dans un repli des plantureux billets de monsieur palferso…) : quelles sont les différences principales entre la version originale (que je possède) et cette fameuse v4KS ?
“Simple” refonte des règles ou bien est-il nécessaire/très fortement conseillé de passer aux dernières sorties ?

Absolument pas nécessaire de changer à mon sens. Il y a des nouveautés mais personnellement je n’ai jamais inclus l’ensemble des possibilités offertes par les extensions de la v2.

Je n’ai jamais joué non plus avec aucune extension qui ne soit quelques cartes technos ajoutées.

Comme souligné par fabericus HF4A ne change pas grand chose (ou rien dont je me souvienne) et je n’utilise aucune des extensions (même si les Bernals me font bien envie…).

Et tu as bien raison ! Les bernals ne sont pas absolument nécessaires mais rajoutent à la féérie spatiale ^^

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Ok, je vois, je ne sais pas si je vais encore acheter une énième version. Surtout que les “Bernals” ne sont pas intégrés à la V4 si ? Compatible sinon ?

Quid de la moule au niveau des decks idées ?

On peut passer un certain temps (voir un temps certain) à trouver l’équipement qui nous manque/nous est primordial pour notre mission. Ok c’est thématique, pas de soucis.

Il y a bien les évents pour lesquels, si on obtient un 1 ou 2, on fait défiler les decks. Il y a également le tour d’enchère des autres joueurs qui permet de révéler une autre carte mais pas forcément du deck qu’on souhaite.

Bref, pas trop frustrant à l’usage ?

Non. Tu lances des éléments en attendant (en outpost par exemple). C’est un jeu où il ne faut surtout pas attendre d’avoir ta mega combo pour te lancer (réflexe conditionné Eurogamer…). Ensuite, même avec une fusée moins adaptée à tes visées, tu pourras avec de l’expérience quand même aller à peu près où tu veux même si ce n’est pas optimal (ce sera plus ou moins long, plus ou moins idéal quant à trajet, étapes, etc.). Mais tout est planifiable. De plus, il y a toujours la possibilité (par exemple et entre autres) d’aller pondre une usine E.T. plus proche/plus facile à atteindre pour la config de notre fusée afin de produire un truc bien plus optimal pour nos visées futures. On est face à un jeu créatif bien plus que mécanique où au lieu d’attendre ad vitam aeternam un truc pseudo idéal (la soumission aux mécaniques Euro), il faut réfléchir à ce qu’on peut faire et créer avec ce qu’on a. Je l’ai souligné plus haut, on joue à HF4A pour vivre quelque chose qui va bien au-delà de gagner ou perdre. Aucun autre jeu que j’ai pratiqué (et j’en ai pratiqué beaucoup…) ne m’a rendu aussi annexe et négligeable les notions de points/victoire/défaite.

Bref, attention aux clichés. Je m’en suis également expliqué plus haut et techniquement, HF4A est un jeu à 0 hasard vu que tu peux toujours t’éviter d’avoir à lancer les dés ou si tu en prends le risque, c’est en connaissance de cause et que donc, tu l’acceptes de facto (je n’ai pas utilisé les events au cours de mes dernières parties où je me suis concentré sur fusées et voyages ce qui me semble plus que pertinent pour une reprise et à fortiori une initiation: grosse connerie selon moi d’initier avec les events et encore plus avec tout autre ajout…).

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