La question philo du week-end ze retour

Docteur Mops dit:Sans vouloir mettre trop mon grain de sel, je crois qu'il est naïf et assez dangereux que penser qu'une oeuvre ne peut sublimer l'horreur.
L'art n'est en soi pas moral.
Je ne vois aucune raison que par lui-même il sublime certains sujets et pas d'autres.


oui c'est ça le coeur du problème : avoir conscience de ce qui peut se passer dans le traitement d'un sujet, c'est avoir toujours en tête la dangerosité de la sublimation et la complaisance qu'elle peut induire par rapport au thème.
ce n'est pas parce qu'on ressent du "beau" que l'on voit du "bien".

Pour rester avec Picasso,pour ceux qui considèrent la tauromachie comme une horreur:











Dans d’autres domaines:quelques exemples selon moi

Autant en emporte le vent sublime l’esclavage et le KKK

Apocalypse Now sublime la guerre .

Le silence des agneaux , saw subliment le “psycho killer”

Crash

Bagatelle pour un massacre

Massacre à l’espadrille et Rose bonbon?

Miss K pourrait reprendre ses exemples sur Pasolini, Gide…


Edit: je suis trop lent, elle l’a fait, ainsi qu’Eric. je te fournis des titres moins "quadra " … :pouicboulet:

bertrand dit:Autant en emporte le vent sublime l'esclavage et le KKK


mmmmh...j'y vois plutôt la vision du Sud telle qu'elle existe dans certains inconscients ou telle qu'elle est défendue par certains extrêmistes nostalgiques.

Je suis encore moins d’accord avec Apocalypse now comme sublimation de la guerre qu’avec Salo comme sublimation du facisme…

La toromachie vue par Picasso est un très bon exemple… :china:

Kouynemum dit:
bertrand dit:Autant en emporte le vent sublime l'esclavage et le KKK

mmmmh...j'y vois plutôt la vision du Sud telle qu'elle existe dans certains inconscients ou telle qu'elle est défendue par certains extrêmistes nostalgiques.


On pourrait en effet plus parler d'idéalisation, de nostalgie que de sublimation
Eric dit:Je suis encore moins d'accord avec Apocalypse now comme sublimation de la guerre qu'avec Salo comme sublimation du facisme...


Là encore, en effet, on pourrait plus parler de fascination que de sublimation.



Sinon, il me vient aussi à l'esprit le triomphe de la volonté et les Dieux du stade de Leni Riefenstahl

Alors en restant sur l’idée d’élévation, d’exaltation ou de purification.

Autant en emporte le vent sublime l’esclavage et le KKK

Absolument pas. Il montre la fin d’une époque et le bouleversement subséquent (symbolisé par l’incendie, d’ailleurs). Aucune sublimation pour moi. Ceci dit, je l’ai vu il y a longtemps.

Apocalypse Now sublime la guerre.

Juste histoire de dire le contraire d’Eric, je trouve ça plus acceptable comme idée, sans être tout à fait convaincu. Effectivement, la “danse” de la guerre a un caractère esthétisant.

Le silence des agneaux , saw subliment le “psycho killer”

Non, non, là, non. Ces personnages inspirent une grande fascination. Si l’on en vient peut-être à espérer, par exemple, que Lecter parvienne à s’enfuir, l’horreur du carnage que cela nécessite nous remet immédiatement en place. Je ne vois pas de sublimation dans le silence des agneaux.

Quant à Saw, je ne l’ai pas vu.

Crash

J’ai failli vomir en voyant ce film. Désolé, mais Crash est un simple film porno. Ce n’est pas une oeuvre d’art.

Bagatelle pour un massacre, Massacre à l’espadrille et Rose bonbon?

Pas vus



Gide ? Quoi par exemple (désolé pour mon inculture).



Pasolini : ceux qui ont vu une volonté esthétisante dans Salo sont de véritables dérangés, ce n’est pas possible. À part quelques scènes de corps nus, on passe son temps à faire pause le temps de gerber en regardant ce film…

Riefenstahl est un exemple intéressant, même si elle ne représente pas directement l’horreur. Pour Picasso, tu introduis un intermédiaire qui n’a pas lieu d’être : la tauromachie elle-même est-elle une forme sublimation de l’horreur par l’esthétique ?

J’avoue que la réponse ne me semble pas évidente.

Docteur Mops dit:Sans vouloir mettre trop mon grain de sel, je crois qu'il est naïf et assez dangereux que penser qu'une oeuvre ne peut sublimer l'horreur.
L'art n'est en soi pas moral.
Je ne vois aucune raison que par lui-même il sublime certains sujets et pas d'autres.


ou L'art n'est pas en soi moral ?

Cher Monsieur grolapinos,

grolapinos dit:Pasolini : ceux qui ont vu une volonté esthétisante dans Salo sont de véritables dérangés, ce n’est pas possible. À part quelques scènes de corps nus, on passe son temps à faire pause le temps de gerber en regardant ce film.


Juste une remarque me vient, on voit la génération DVD, quand je l’ai vu, on ne pouvait pas faire pause :holdpouic: :lol:

ça ne fait pas avancer la chose, juste peut-être ça place une idée de recul, d’époque, de temps dans les analyses qu’on peut faire… Par exemple, pour ceux qui aiment la tauromachie, ce n’est pas une horreur, donc l’oeuvre ne sublime pas l’horreur du coup. Picasso aimait la tauromachie, il sublimait la beauté de la chose plutôt je dirais… :pouicintello:

Bien à vous de cordialement

Monsieur Phal

punaise
y’en a qui sont capables d’avoir un avis sur la question à 7h14 du mat’

:roll:

Monsieur Phal dit:Par exemple, pour ceux qui aiment la tauromachie, ce n'est pas une horreur, donc l'oeuvre ne sublime pas l'horreur du coup. Picasso aimait la tauromachie, il sublimait la beauté de la chose plutôt je dirais... :pouicintello:


C'est un peu ça que je voulais dire : la tauromachie, c'est la mise en scène festive et esthétique de la souffrance et de la mort d'un être vivant, au point que le caractère cruel et sanguinaire (incontestable) disparaît derrière tout un tas d'autres considérations de nature artistique.
grolapinos dit:
Monsieur Phal dit:Par exemple, pour ceux qui aiment la tauromachie, ce n'est pas une horreur, donc l'oeuvre ne sublime pas l'horreur du coup. Picasso aimait la tauromachie, il sublimait la beauté de la chose plutôt je dirais... :pouicintello:

C'est un peu ça que je voulais dire : la tauromachie, c'est la mise en scène festive et esthétique de la souffrance et de la mort d'un être vivant, au point que le caractère cruel et sanguinaire (incontestable) disparaît derrière tout un tas d'autres considérations de nature artistique.


pour les afficionados, c'est beaucoup plus que ça : c'est un combat entre deux bravoures qui va jusqu'à la fusion entre les deux, dont l'homme va sortir en absorbant la bravoure du taureau, en lui donnant la mort après une lutte intime.
le grand Torero, c'est celui qui fait corps avec le taureau et il n'y a de grand Torero qu'avec de grands Taureaux.
je crois aussi que Picasso aimait profondément la tauromachie. il aimait le taureau. d'ailleurs il est présent à travers son oeuvre comme symbole de bravoure, de force, de l'âme d'un peuple. y compris dans Guernica.
Kouynemum dit:
grolapinos dit:
Monsieur Phal dit:Par exemple, pour ceux qui aiment la tauromachie, ce n'est pas une horreur, donc l'oeuvre ne sublime pas l'horreur du coup. Picasso aimait la tauromachie, il sublimait la beauté de la chose plutôt je dirais... :pouicintello:

C'est un peu ça que je voulais dire : la tauromachie, c'est la mise en scène festive et esthétique de la souffrance et de la mort d'un être vivant, au point que le caractère cruel et sanguinaire (incontestable) disparaît derrière tout un tas d'autres considérations de nature artistique.

pour les afficionados, c'est beaucoup plus que ça : c'est un combat entre deux bravoures qui va jusqu'à la fusion entre les deux, dont l'homme va sortir en absorbant la bravoure du taureau, en lui donnant la mort après une lutte intime.
le grand Torero, c'est celui qui fait corps avec le taureau et il n'y a de grand Torero qu'avec de grands Taureaux.
je crois aussi que Picasso aimait profondément la tauromachie. il aimait le taureau. d'ailleurs il est présent à travers son oeuvre comme symbole de bravoure, de force, de l'âme d'un peuple. y compris dans Guernica.


Tu as entièrement raison, et j'ai l'impression que ça conforte mon point de vue.
grolapinos dit: Tu as entièrement raison, et j'ai l'impression que ça conforte mon point de vue.


c'est plutôt la tauromachie, ressentie par Picasso comme art, et même art de vie, qui sublime le combat à mort.
en tout cas, je ne vois pas de sublimation de l'horreur chez Picasso dans ses représentations de la tauromachie.
et là je crois qu'on est d'accord, même si on emprunte des chemins différents.
Kouynemum dit:
grolapinos dit: Tu as entièrement raison, et j'ai l'impression que ça conforte mon point de vue.

c'est plutôt la tauromachie, ressentie par Picasso comme art, et même art de vie, qui sublime le combat à mort.
en tout cas, je ne vois pas de sublimation de l'horreur chez Picasso dans ses représentations de la tauromachie.

Du coup c'est bien la tauromachie qui sublime la souffrance et la mort (selon les afficionado eux mêmes ?
Et puis l'intervention de mr Phal souligne aussi qu'il y a toute la question de l'intention de l'artiste et de l'intention du public de l'oeuvre, je trouve que la corrida est une horreur, mais peinte par Picasso, elle est belle et épurée de ce qui la rend odieuse. Donc, pour moi, Picasso sublime bien ici l'horreur

Pour Salo, je n'aurais pas du employer le terme esthétisant, j'aurais dû m'en tenir au terme recherche "artistique". (mais si on ouvre en plus sur la question de l'art et du beau, on a pas fini). (ceci dit mettre en pause pour aller gerber, c'est quand même du vice : c'est ne pas vouloir en perdre une miette ;) )

Sans vouloir savoir qui a raison,( ce qui n’est pas le but: nous sommes dans un sujet philo dans la cage), les propos tenus ici me semblent très intéressant et intelligents.Ce qui ne nous empêche pas de n’être pas d’accord

Aussi je voudrai revenir sur quelques points


grolapinos dit:
Autant en emporte le vent sublime l’esclavage et le KKK
Absolument pas. Il montre la fin d’une époque et le bouleversement subséquent (symbolisé par l’incendie, d’ailleurs). Aucune sublimation pour moi. Ceci dit, je l’ai vu il y a longtemps.

Tu n’as pas tort: l’oeuvre présente aussi cela: la fin d’un monde. Mais, et c’est peut-être plus visible dans le roman, il y a une nostalgie de ce monde perdu, qui occulte le versant sombre de l’esclavage. Les esclaves sont heureux avant la chute du sud …
Nostalgie et occultation…c’est quand même un grand pas vers une certaine sublimation de cette société sudiste à mon sens.
grolapinos dit:
Crash
J’ai failli vomir en voyant ce film. Désolé, mais Crash est un simple film porno. Ce n’est pas une oeuvre d’art.


“la pornographie est la forme romanesque la plus intéressante politiquement” disait JG ballard, en préface de Crash , roman dont il est l’auteur, avant d’ëtre le film de Cronenberg
“Je m’intéresse à ce qui touche au plus profond de la psychologie humaine, ce besoin concomitant de sécurité et de violence extrême. On vit par exemple dans un monde où l’automobile est reine, alors qu’elle fait un million de morts chaque année. Ça me passionne d’essayer de comprendre pourquoi les hommes sont fascinés et pervertis par les machines.”

grolapinos dit:Bagatelle pour un massacre, Massacre à l’espadrille et Rose bonbon?
Pas vus

Pas lus devrais tu dire: le premier est de Céline. pour les deux siuivants, je ne me souvients plus des auteurs ( pas sur de les avoir retenus un jou) mais ce sont des romans sur la pédophilie dont au moins un dans mes souvenirs de mes souvenirs des réctions de l’époque pouvaient laisser paraitre une certaine sublimation ou pour le moins une complaisance certaine.Mais je ne les ais pas lu ( d’où le point d’interrogation)
Cette même complaisance se retrouve en partie dans nombre films de guerre ou de psychokillers .

grolapinos dit:Gide ? Quoi par exemple (désolé pour mon inculture).

Mon inculture rejoint la tienne.Je n’ai rien lu de lui.Miss K pourra mieux te renseigner que moi.


grolapinos dit:Riefenstahl est un exemple intéressant, même si elle ne représente pas directement l’horreur. .

Oui toute à fait. Elle sublime le parti nazi . C’est l’Histoire qui fait de ce parti un symbole de l’horreur. Ce qu’elle ne voyait, ou ne voulait pas voir?
Dans ses photos ou films, il y a occulté ou hors champ tout le contexte et l’histoire que nous connaissons , mais aussi nos convictions qui nous font juger de l’oeuvre autrement.

Il en va ainsi de Picasso et la tauromachie.
Que l’on soit adepte ou non de celle-ci , il est difficile ne pas y voir une sublimation de celle-ci. Ces tableaux sont solaires, au contraire de Guernica;nulle trace de malaise “interne” dans ceux-ci.
Après cela dépendra du “lecteur”
Eric dit:
Et puis l’intervention de mr Phal souligne aussi qu’il y a toute la question de l’intention de l’artiste et de l’intention du public de l’oeuvre, je trouve que la corrida est une horreur, mais peinte par Picasso, elle est belle et épurée de ce qui la rend odieuse. Donc, pour moi, Picasso sublime bien ici l’horreur

grolapinos dit:Bon, vous me dites : "l'art peut sublimer l'horreur". OK, moi je veux bien. Doc a raison dans l'absolu, mais ça reste très théorique.
Z'avez des exemples ? Parce qu'aucun de ceux cités jusqu'ici ne sublime l'horreur. Il y a les oeuvres qui "expriment" l'horreur, celles qui montrent comment le sublime peut apparaître au coeur de l'horreur, mais pas de sublimation de l'horreur.
J'attends :mrgreen:
Je reviens sur cette question en faisant une petite remarque... Deux pages et pas un exemple, sur l'une des scènes les plus utilisées de l'histoire : la crucifixion (bah oui désolé).... Si on évacue le contexte religieux (pas simple) pour l'analyse, c'est la description d'une des tortures les plus dégueulasses qui soient... Et bien cela donne de magnifiques icônes russes, des miniatures médiévales superbes, des magnifiques tableaux sous la renaissance, des poutres de gloire dans les églises gothiques, des versions très doloristes par la suite etc.... Si dans le tas il n'y en a pas une ou deux qui subliment cet acte (même hors contexte religieux)...
Cheesegeek dit:
grolapinos dit:Bon, vous me dites : "l'art peut sublimer l'horreur". OK, moi je veux bien. Doc a raison dans l'absolu, mais ça reste très théorique.
Z'avez des exemples ? Parce qu'aucun de ceux cités jusqu'ici ne sublime l'horreur. Il y a les oeuvres qui "expriment" l'horreur, celles qui montrent comment le sublime peut apparaître au coeur de l'horreur, mais pas de sublimation de l'horreur.
J'attends :mrgreen:
Je reviens sur cette question en faisant une petite remarque... Deux pages et pas un exemple, sur l'une des scènes les plus utilisées de l'histoire : la crucifixion (bah oui désolé).... Si on évacue le contexte religieux (pas simple) pour l'analyse, c'est la description d'une des tortures les plus dégueulasses qui soient... Et bien cela donne de magnifiques icônes russes, des miniatures médiévales superbes, des magnifiques tableaux sous la renaissance, des poutres de gloire dans les églises gothiques, des versions très doloristes par la suite etc.... Si dans le tas il n'y en a pas une ou deux qui subliment cet acte (même hors contexte religieux)...


J'y ai pensé, mais ce qui est sublimé n'est pas la torture mais le sacrifice.

Le lapin pas crétin a répondu avant moi.

grolapinos dit: J'y ai pensé, mais ce qui est sublimé n'est pas la torture mais le sacrifice.


non, non.
dans la sublimation on part d'en bas et on élève.
le sacrifice est déjà une notion morale élevée.
en l'occurence, le sacrifice est magnifié, élévé encore plus haut, et la torture, contraire à la dignité humaine, est sublimée.

kouyne, sémantique.