Ne parlons plus religion

Philippe dit:Etonnant que la question de l'athéisme et de la négation ait pu traîner sur autant de pages.
"athéisme" est un mot formé d'un a privatif, qui porte sur le mot suivant : il signifie donc : doctrine de ceux qui nient l'existence de Dieu.


Je me disais justement ceci hier en discutant avec madame de tout ça. On oublie que les langues modernes de nos région sont nées et ont évolué dans un monde chrétien. Le français à commencer à apparaître et à se former sur base d'un mix de latin et de franc (proto-germanique) au même moment de l'évangélisation de nos contrées. Ainsi donc le vocabulaire même du français est un vocabulaire chrétien de par son empreinte.

Le terme athée n'est pas né de la bouche de athées mais des croyants justement. Ce sont donc les croyants qui nous ont désigné pour la postérité et les siècles à venir comme des atées. De même les termes païens et paganisme n'ont jamais été dans l'esprit ou la langue de ces païens, c'est le vocabulaire du français, impregné de chrétienté qui les a désigné ainsi.

Moi j'utilise le terme athée parcequ'il n'y en a pas d'autre en français.

Moui, si tu veux. Athée est un terme grec, c’est typiquement du vocabulaire d’intellectuels. Païen veut dire étymologiquement : habitant de la campagne. En revanche, je ne serais pas surpris que le terme “athée” existe dans le grec classique, c’est-à-dire avant le Christianisme. Ceci dit, les Grecs anciens croyaient en des dieux, donc cela ne change rien.
Après, en soi, dire que c’est la croyance positive en la non-existence de quelque chose ou dire que c’est la non-croyance en l’existence de quelque chose ne fait pas de grande différence. En termes logique, c’est identique. Soit la proposition a : “Il existe un Dieu”. Tu peux dire :
“Je crois que -a”.
ou :
“Je crois que a a une valeur de vérité F”, avec F = faux.
Dans la mesure ou la table de vérité de a et celle de -a sont exactement opposées…

Mais peut-être veux-tu dire que définir un athée par le fait qu’il ne croit pas en Dieu est réducteur ! Auquel cas il faudrait nous dire quelle est plus précisément ta forme de pensée, que nous puissions savoir si c’est un point central ou secondaire de ce à quoi tu adhères.

Bon, je crois que je vais lâcher le morceau sur le nihilisme, assez volontier d’ailleurs. Je constate que les athées n’aiment pas plus voir leur pensée réduite à une caricature (pas complètement infondée et plutôt moins méchante que ce que j’ai pu lire ici sur le christianisme) que les croyants…

Philippe dit: Mais peut-être veux-tu dire que définir un athée par le fait qu’il ne croit pas en Dieu est réducteur !


RenauD, je ne sais pas mais moi, c’est exactement ce que je veux dire. Quelqu’un ne peut pas définir sa vision de la vie, du monde et tout ça, par ce en quoi il ne croit pas… Or se revendiquer de l’athéisme sans aller plus loin, c’est précisément faire ça…
Mais le problème c’est que le seul point commun des athée, c’est l’athéisme, c’est à dire le fait de ne pas croire qu’il y a un dieu… La principale chose que je reproche à l’athéisme militant, c’est cette volonté d’établir deux camps : les croyants et les athées.
Or, malgrè toutes les dénonciations de “solidarité de la croyance”, les croyants eux ne se voient pas entre eux comme membre d’un groupe. J’ai beaucoup moins en commun avec un animiste africain ou un shaman lapon qu’avec un athée occidental. Et même si je reconnais assez volontier que je prie le même Dieu que les juifs et les musulmans mais nos visions de ce Dieu sont très différents et mon regard sur le monde est souvent bien plus proche de celui d’un athée que du leur (je me sens même plus proches de certains athées que de pas mal de chrétiens)…
Bref, la difficulté de parler religion ne vient pas de la sensibilité des uns ou des autres sur ce points (même si dans cette discussion la réaction épidermique de certains athées n’a pas aidé) mais plutôt de l’ignorance ou de la méconnaissance de ce que croient les uns ou les autres.
Nous croyons savoir que les chrétiens croient ça, que les musulmans croient ci, ou les juifs ça, le boudhistes ceci et les athées encore ça. Et nous commençons à gloser sur la foi de chacun, son origine, ses faiblesse s, ses avantages sans même prendre le temps de poser la simple question : et toi, en quoi crois tu ? Comment vois tu ce monde ?

PS : Il me semble avoir lu quelque part que l’accusation d’athéisme avit été employés par les romains contre les chrétiens. Et d’ailleurs une thèse intéressante de Jacques Ellul c’est que le christianisme a été la religion qui a permi l’athéisme moderne d’exister…

Cher Monsieur Eric,

Eric dit:Je constate que les athées n’aiment pas plus voir leur pensée réduite à une caricature (pas complètement infondée et plutôt moins méchante que ce que j’ai pu lire ici sur le christianisme) que les croyants…


Ben, c’est pas que moi, par exemple, j’aime ou je n’aime pas, juste je ne suis pas d’accord de je ne me reconnais pas. Si vous pensez que je suis nihliste parce que je ne crois pas en Dieu, ben vous le pensez et voilà, ça ne me gènera pas et je ne prends pas ça comme une caricature :wink:

Bien à vous de cordialement

Monsieur Phal

Monsieur Phal dit:Cher Monsieur Eric,
Eric dit:Je constate que les athées n'aiment pas plus voir leur pensée réduite à une caricature (pas complètement infondée et plutôt moins méchante que ce que j'ai pu lire ici sur le christianisme) que les croyants...

Ben, c'est pas que moi, par exemple, j'aime ou je n'aime pas, juste je ne suis pas d'accord de je ne me reconnais pas.


Ben en fait, je crois qu'on est assez pareil (mais je suis moins supervilain ;) ), quand je ne me reconnais pas, je le dis, moi aussi (sauf qu'effectivement, j'aime pas qu'on fasse d'une de mes convictions un portrait dans laquelle je en reconnais pas cette conviction du tout). Et je ne reconnais pas souvent ce que je crois dans le portrait que pas mal d'"athées" dressent des "croyants"

En fait, à par Lexcalvin et RenauD, je me sens parfaitement à l'aise avec tous ceux qui se sont exprimés jusque ici et je ne tiens rigueur à personne de son opinion. Bien au contraire, je ne reviens pas sur ce que j'ai dit au début de la discussion, TT est un lieu où les intégristes athées comme religieux sont plutôt rares...
Simplement, Richard explique d'où vient selon lui la religion. Je lui fait remarquer calmement, parce que c'est un sujet que je connais un petit peu, qu'on trouve des contre exemples suffisament forts pour infirmer ses explications.
Puis Richard dit que le problème à parler de religion, c'est l'intolérance ou la susceptibilité des croyants. Bon la je m'étonne un peu et je décide de voir...
Je n'insulte personne. Je ne me pose pas comme détenteur d'une vérité. Je ne prétend convertir personne. Je lance un truc sur l'athéisme, pas vraiment méchant, relativement argumenté. Je constate que les athées viennent me dire que je me trompe. Ca me paraît parfaitement justifié. Je n'y vois aucune intolérance ni susceptibilité de la part des athées. Si j'avais dis "les athées sont tous des gros pourris amoraux qui ne pensent qu'à eux et ne respectent rien" je pense que les réactions auraient été plus violentes. Et ça m'aurait paru tout à fait justifié aussi...
Alors du coup, je me dis qu'on a tous le même genre de réaction face au même genre d'attitude et que Richard a tort de croire que c'est la susceptibilité ou l'intolérance des croyants qui font que c'est difficile de parler de religion. Encore moins sur TT qu'ailleurs (où, je le maintiens l'intégrisme et la réaction épidermique est plus le fait de certains athées)
Eric dit:
En fait, à par Lexcalvin et RenauD, je me sens parfaitement à l'aise avec tous ceux qui se sont exprimés jusque ici et je ne tiens rigueur à personne de son opinion.


Je me fais pas que des amis dans ce topic :lol:

Eric tu as aussi repris un argument qui m’avait déjà été opposé par des amis devenus croyants sur le tard : Celui qui exprime l’idée que les croyants sont plus altruistes ou que la spiritualité s’accompagne plus souvent de cette valeur que l’athéisme.

Je ne saurais prétendre remplir la liste des personnalités à qui l’on accorde d’un commun accord cette vertu. En fait, je ne me suis jamais posé cette question. C’est à dire que je n’ai jamais cherché à voir une motivation dans l’engagement social, humanitaire, ou autre, qui serait déterminée par la croyance en un dieu ou pas.
J’imagine bien volontiers que nombre de personnalités marquantes de par l’histoire étaient croyantes. Rien que statistiquement cela semble probable.
Dans le même temps, on pourrait faire la liste des bourreaux et assassins en obtenant le même résultat.

Je ne crois pas que l’on puisse tire une leçon de sagesse en établissant de pareils listes.

Tout comme il est assez déroutant de se voir refuser un accès à des valeurs morales ou humanistes pour son athéisme. Je sais que ce n’est pas ce que tu professes habituellement. Mais ce n’est pas la première fois que j’entends ce parallèle entre athéisme et manque d’altruisme.
J’aime à croire que ce n’est pas le cas ^^

Oui surtout que les athées ont justement plus de mérites que les croyants à avoir des valeurs humanistes (valeurs dont je rappelle que les défenseurs étaient pourchassés par l’église catholique).

En effet pour les athées, ni bâton ni carotte ! Ceux qui font le bien, qui ont des valeurs morales, les ont parce qu’ils sont convaincus du bien-fondé de ces valeurs. Pour les croyants il y a toujours la suspicion de faire le bien sous peine de finir au mauvais endroit dans l’au-delà.

Eric dit:...je me sens parfaitement à l'aise avec tous ceux qui se sont exprimés jusque ici et je ne tiens rigueur à personne de son opinion.

+1. Intéressante discussion, même si, de-ci de-là, parfois - parfois - empreinte d'un peu trop de certitudes.
Et encore quelques étiquettes bonnes à jeter... :)
RenaudD dit:Oui surtout que les athées ont justement plus de mérites que les croyants à avoir des valeurs humanistes


Renaud, ouvre les yeux, regarde d'où tu viens. Le christianisme est un humanisme, et se trouve être la "masse de granit" de notre civilisation sur laquelle tiennent ferme tes valeurs, même s'il les tenait lui-même de traditions plus anciennes.

Et n'oublie pas que le compañero Jesús a été un grand revolucionario en son temps, avec un discours très libérateur et très émancipateur. Ce qui s'est passé après la crucifixion est affaire de foi, mais ce qui s'est passé avant est remarquable à plus d'un titre.
El comandante dit:
RenaudD dit:Oui surtout que les athées ont justement plus de mérites que les croyants à avoir des valeurs humanistes

Renaud, ouvre les yeux, regarde d'où tu viens. Le christianisme est un humanisme, et se trouve être la "masse de granit" de notre civilisation sur laquelle tiennent ferme tes valeurs, même s'il les tenait lui-même de traditions plus anciennes.

Faut arrêter la tequila :lol: La chrétienté n'a jamais rien eu d'humaniste sauf depuis quelques années pour continuer à attirer des gens qui eux ont effectivement des valeurs humanistes, pour qu'ils se reconnaissent dans ces religions révélées.
D'ailleurs l'humanisme a été pourchassé longtemps par les religieux les plus intolérants.

Et n'oublie pas que le compañero Jesús a été un grand revolucionario en son temps, avec un discours très libérateur et très émancipateur. Ce qui s'est passé après la crucifixion est affaire de foi, mais ce qui s'est passé avant est remarquable à plus d'un titre.


Ah oui Jésus ... sauf que la chrétienté n'a rien à voir avec le message original de Jésus ... mais ceci est une autre discussion :wink:
Docteur Mops dit:Eric tu as aussi repris un argument qui m'avait déjà été opposé par des amis devenus croyants sur le tard : Celui qui exprime l'idée que les croyants sont plus altruistes ou que la spiritualité s'accompagne plus souvent de cette valeur que l'athéisme.
J'aime à croire que ce n'est pas le cas ^^


En fait, je n'ai fait cette demande de liste à Lexcalvin que pour lui montrer qu'à ce petit jeu des listes des hoerreurs et des bienfait, l'athéisme qu'il défendait risquait fort d'être perdant.
Personnellement, je défend l'idée que l'Evangile auquel je crois est a-moral. Il ne me viendrait donc pas à l'idée de penser que seule la religion puisse apporter une morale ou un altrusime.
En revanche, je pense que si l'athéisme n'empêche en rien l'altrusime, l'éthique ou la morale, il ne la suscite pas (en revanche l'humanisme, ou l'existentialisme ou le rationalisme du même athée, le fera)
RenaudD dit:
Ah oui Jésus ... sauf que la chrétienté n'a rien à voir avec le message original de Jésus ...

Ah tiens là je suis d'accord avec ça.
Mais la chrétienté et le christianisme sont deux choses très différentes.
Je prend ici la définition d'Ellul, pour qui la chrétienté c'est le pouvoir qui s'est exercé sur l'Europe en se revendiquant du christianisme.
Mais le christianisme ne se limite pas à la chrétienté et en dépit de toutes ses trahisons et ses dérives, il est malhonnête de le limiter à celà (aussi malhonnête que de nier trahisons et dérives)
RenaudD dit:mais ceci est une autre discussion

Justement non, c'est , au contraire, toute la discussion. Quand tu lances un "arrêtez ces folklores primitifs", tu ne dénonces pas les crimes commis au nom du christianisme, tu tourne en dérision, le message de Jésus Christ auquel je crois (je ne dis pas que tu n'as pas le droit de le faire, je dis qu'alors j'ai le droit de réagir) Quand tu dis "il n'y a pas de dieu" tu pose un dogme aussi absolu que ceux que je combat au sein de ma propre Eglise.
Quand on parle d'une religion ou d'une conviction quelle qu'elle soit, a-t-on le droit de réduire cette conviction à ses dérives et ses trahisons.
Si oui, alors je reprend mon accusation des dérives de l'athéisme. Dérives qui sont bien plus meurtrières, volontaires et institutionnalisées aujourd'hui que celles du christianisme...
Sinon, alors sans oublier les horreurs commise par un côté comme un autre, discutons sur le fond de la pensée de chacun, essayons réellement de comprendre la conviction qui anime l'autre. Et là, on verra qu'il n'y a pas un front uni des croyants contre un front uni des athées mais des individus, rien que des indvidus...

Et si on s'en fiche de la conviction qui anime l'autre ou d'expliquer sa conviction à l'autre, eh bien ne parlons plus de religion et allons voir un autre topic...
RenaudD dit:Oui surtout que les athées ont justement plus de mérites que les croyants à avoir des valeurs humanistes (valeurs dont je rappelle que les défenseurs étaient pourchassés par l'église catholique).
En effet pour les athées, ni bâton ni carotte ! Ceux qui font le bien, qui ont des valeurs morales, les ont parce qu'ils sont convaincus du bien-fondé de ces valeurs. Pour les croyants il y a toujours la suspicion de faire le bien sous peine de finir au mauvais endroit dans l'au-delà.


Oh, oui, pas un jour sans que je tremble... :roll: :lol:

Les "humanistes" étaient des chrétiens convaincus. Et si je prends humanisme dans un sens large, je trouve encore les chrétiens en force - Saint Irénée : "La gloire de Dieu, c'est l'homme debout".

Merci Eric et Philippe pour l’explication sur le nihilisme. C’est une définition (“croire qu’il n’y a aucun absolu”) qui est propre à Eric si j’ai bien suivi. Du coup, il est peut-être difficile de discuter sur cette base.

Pour Sartre, je l’enlève volontiers de ma liste.


Il y a un point que je voulais discuter : dans le fait de croire en Dieu, il y a deux (au moins) choses différentes. La première est le fait d’adhèrer au message de Jésus Christ pour ses valeurs, valeurs que l’on retrouvent d’ailleurs en partie dans notre civilisation actuelle, c’est l’héritage du christianisme. La seconde est le fait de croire que c’est le message d’autre chose que le message d’un ou plusieurs homme(s).
Il y a donc le message lui-même et la nature de celui qui a exprimé ce message.
Je conçois qu’il est difficile de séparer les deux. Pour certains la valeur du message vient du fait que c’est celui de dieu. Qui plus est, il me semble que le message décrit la nature du messager (je n’ai aucune éducation religieuse :().

Pourtant, le message a une valeur intrinsèque, qui aura été discuté, développé…etc au fil des siècles par nos penseurs. Il est d’ailleurs commun d’adhérer en partie au message de Jésus Christ sans croire le moins du monde en dieu. Du coup, j’ai tendance à penser que la distinction entre un croyant et un non croyant n’est pas affaire de valeurs mais uniquement de croyance.

xavo dit:
Pourtant, le message a une valeur intrinsèque, qui aura été discuté, développé...etc au fil des siècles par nos penseurs. Il est d'ailleurs commun d'adhérer en partie au message de Jésus Christ sans croire le moins du monde en dieu. Du coup, j'ai tendance à penser que la distinction entre un croyant et un non croyant n'est pas affaire de valeurs mais uniquement de croyance.


C'est d'autant plus vrai que antérieurement à Jésus d'autres penseurs et philosophes défendaient le même genre de valeurs sans pour autant croire en un dieu unique. Ainsi il est probable que Jésus a eu connaissance des philosophies héritées de Bouddha, de Zarathoustra et de Confusius.

La valeur du message de Jésus n'était d'ailleurs pas d'ordre religieux mais philosophique d'après ce que j'en ai compris. Au risque d dire une énormité, je le vois d'ailleurs comme une sorte de philosophe pré-humaniste et pas du tout comme un prédicateur missionnaire.
Philippe dit: il est rarissime de trouver un chercheur ayant une double formation d'historien et de scientifique. L'été dernier, j'ai cherché des ouvrages d'histoire des sciences, et j'en ai trouvé une poignée...

Je ne peux que te conseiller "le chiffre et le songe" de Jacques Emile Blamont, un de mes anciens professeurs d'histoire des sciences.
RenaudD dit:C'est d'autant plus vrai que antérieurement à Jésus d'autres penseurs et philosophes défendaient le même genre de valeurs sans pour autant croire en un dieu unique. Ainsi il est probable que Jésus a eu connaissance des philosophies héritées de Bouddha, de Zarathoustra et de Confusius.

Au contraire, c'est très improblable. Le monde chinois est vraiment à part, et si tu t'y intéresses, tu verras que les bases de la pensée chinoises sont très différentes du message de Jésus. Idem pour Bouddha. En revanche, une influence de la pensée iranienne est non seulement probable, mais démontrée. Par contre, dire que Zarathoustra est un philosophe, c'est employer un vocabulaire inadéquat : c'est un réformateur de la religion mazdéiste.
La valeur du message de Jésus n'était d'ailleurs pas d'ordre religieux mais philosophique d'après ce que j'en ai compris. Au risque d dire une énormité, je le vois d'ailleurs comme une sorte de philosophe pré-humaniste et pas du tout comme un prédicateur missionnaire.

Ca me semble en effet tout à fait anachronique, ou déplacé. Le message de Jésus est au contraire fondamentalement religieux : "Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est proche"... C'est le début de sa prédication. La pensée philosophique telle qu'on la voit à l'oeuvre chez Socrate n'a pas les mêmes préoccupations (c'est encore plus net chez les présocratiques). Un point commun qui explique la confusion : l'impact que cela doit avoir sur le comportement individuel.
En revanche, le terme "missionnaire" est lui aussi trop daté pour être utilisé. Disons un prédicateur itinérant qui, pour les Juifs de l'époque, évoquait irrsistiblement les figures des prophètes.
xavo dit:Il y a un point que je voulais discuter : dans le fait de croire en Dieu, il y a deux (au moins) choses différentes. La première est le fait d'adhèrer au message de Jésus Christ pour ses valeurs, valeurs que l'on retrouvent d'ailleurs en partie dans notre civilisation actuelle, c'est l'héritage du christianisme. La seconde est le fait de croire que c'est le message d'autre chose que le message d'un ou plusieurs homme(s).
Il y a donc le message lui-même et la nature de celui qui a exprimé ce message.
Je conçois qu'il est difficile de séparer les deux. Pour certains la valeur du message vient du fait que c'est celui de dieu. Qui plus est, il me semble que le message décrit la nature du messager (je n'ai aucune éducation religieuse ).
Pourtant, le message a une valeur intrinsèque, qui aura été discuté, développé...etc au fil des siècles par nos penseurs. Il est d'ailleurs commun d'adhérer en partie au message de Jésus Christ sans croire le moins du monde en dieu. Du coup, j'ai tendance à penser que la distinction entre un croyant et un non croyant n'est pas affaire de valeurs mais uniquement de croyance.


C'est une interrogation assez actuelle que tu as là. Je veux dire par là à la fois qu'elle est intéressante pour l'homme d'aujourd'hui, mais qu'elle ne se posait pas dans ces termes il y a deux mille ans. Déjà, l'emploi que tu fais du mot "valeurs" est à mon avis très récent, je pense du XXe siècle. Jésus part souvent d'attitudes concrètes : rendre visite à un prisonnier, guérir un malade, remettre ses dettes... Les "valeurs" sont des concepts forts, comme la liberté individuelle, la tolérance, par exemple. Evidemment, les deux devraient se rejoindre, mais le pragmatisme de Jésus est intéressant. De plus, quand on l'interroge sur le coeur de la Loi juive, il répond (ou plutôt il approuve celuiqui répond) : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton être, de toutes tes forces, et ton prochain comme toi-même. Une seule valeur, si l'on veut, mais plutôt une pratique encore une fois : l'amour. Amour de Dieu et de celui que l'on rencontre sur son chemin. Difficile d'escamoter Dieu dans ses conditions.
Et, effectivement, le message décrivait le messager, puisque les accusateurs de Jésus l'ont condamné pour blasphème parce qu'il se disait "le fils de Dieu".
RenaudD dit:
Au risque de dire une énormité, je le vois d'ailleurs comme une sorte de philosophe pré-humaniste et pas du tout comme un prédicateur missionnaire.


Il me semble que l'humanisme est une invention qui prend le message de Jesus à "rebrousse poil".

Avant l'humanisme, c'est sur sa brutalité, sa ruse, son intelligence, son niveau de pouvoir ou ses richesses que la valeur d'un homme était jugée. L'humanisme est une tentative d'introduire la vertu dans les valeurs humaines. Mais au fond c'est encore une façon d'établir une hiérarchie entre les hommes, plus aboutie, plus mûrie mais sans doute aussi plus perverse.

Pour ma part c'est tout à fait le contraire que je perçois dans le message de Jesus : tous les hommes sont dignes d'être aimés. C'est un message profondément révolutionnaire, amoral et généreux, qu'on a bien du mal à faire sien.

Et en ce sens c'est effectivement le même message que celui de Bouddha.

[EDIT] Ce qu'enseigne d'ailleurs le bouddhisme, c'est que tous les êtres, et pas seulement les hommes, sont dignes d'être aimés. [/EDIT]

Bon je vous renvoie à la discussion sur la critique des religions pour les détails, mais en gros selon un nombre appréciable d’auteurs Jésus s’adressait à des croyants pratiquants, pas à des populations à “évangéliser”. Ainsi son discours s’inscrit dans une réforme du mode de pensée et pas dans une optique de conversion religieuse.

Jésus était juif et ses croyances étaient les mêmes que celles de ceux à qui il s’adressait. Ce n’était pas le cas de Mahomet par exemple et il ne faut pas confondre les deux contextes historiques.

Il faut aussi considérer que Jésus s’exprimait en araméen et que ses propos ont été traduits en grec puis de grec en latin. Les traducteurs n’étant pas des habitants de la région et ne connaissant pas les coutumes en usage en ces lieux, des situations ont été rendues et des textes traduits en dépit du bon sens.

Le message originel de Jésus, selon certains auteurs, était d’ordre spirituel uniquement et usait de paraboles pour amener les gens à se poser des questions. Le problème c’est que s’exprimant à partir de paraboles, son message laissait place à l’interprétation personnelle de l’auditeur et en particulier des apôtres.

Ainsi par exemple selon Eric Edelmann le royaume des cieux n’a rien à voir avec un quelconque paradis mais à rapport avec une illumination intérieure, une prise de conscience individuelle.

C’est ainsi qu’il faudrait interpréter l’épisode du bon berger qui va rechercher sa 100e brebis et qui revenant avec elle est félicité par sa famille et ses amis. Il ne s’agirait pas d’un message de conversion visant à amener dans le droit chemin une brebis égarée, c’est-à-dire un incroyant ; mais à trouver en soi ce centième de conscience qui manquait à l’individu pour accéder à une compréhension supérieure du monde et de soi.

On pourrait en discuter plus parce que le sujet est intéressant, mais un autre exemple historique celui-là me permettra de conclure : Jésus a été crucifié parce qu’il visait à remettre en cause l’ordre social juif, c’est à dire à remettre en cause l’ascendant sur le peuple qu’avaient les autorités religieuse juives. Il les dénoncait en fait comme étant plus préoccupés par leur dogme que par les hommes (si je ne m’abuse). C’est à ce titre que je parle de pré-humaniste parce que Jésus a toujours été plus préoccupé par les hommes, qu’il place au centre de son discours, que par dieu. N’est-il pas d’ailleurs appelé parfois l’archange des hommes ? (à moins que ce ne soit que dans INS/MV ? :wink: [EDIT]apparemment oui uniquement dans INS/MV :mrgreen: [/EDIT])