Pile de la honte

C’est quoi la “honte” ?
C’est une question sérieuse. Je rejoins Prince-Baron sur l’importance d’utiliser les mots correctement et d’avoir recours au mot juste pour définir quelque chose.
Si dans le cas de la “pile de la honte” on est dans l’exagération pour l’effet comique, la question de la définition de la honte reste. On peut aussi se demander pourquoi c’est ce mot, honte ou shame, qui a été utilisé en premier lieu. Qu’est-ce qu’il signifie ?

Je fais un peu mon philosophe à deux balles sur ce coup, mais ce mot de “honte” fait écho à des lectures récentes, et particulièrement à l’essai de Günther Anders “Sur la honte prométhéenne”, où il développe le sentiment de honte qui étreint l’homme moderne qui constate son infériorité face aux machines qu’il a lui même conçues.
A un moment, il écrit ceci : “Avoir honte” signifie donc ne rien pouvoir faire, parce qu’on y peut rien.

Quand on se retrouve face à sa pile de jeux qui n’ont jamais été touchés quel est le sentiment qu’on éprouve ?

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Définition de honte

Source Larousse

nom féminin

(francique *haunipa, de même radical que honnir)

    1. Sentiment d’abaissement, d’humiliation qui résulte d’une atteinte à l’honneur, à la dignité : Couvrir quelqu’un de honte.Synonymes :affront - déshonneur - flétrissure - humiliation - ignominie - infamie - opprobre - turpitudeContraire :honneur
    1. Sentiment d’avoir commis une action indigne de soi, ou crainte d’avoir à subir le jugement défavorable d’autrui : Rougir de honte.Synonymes :confusion - embarras - gêne - pudeur - retenue
    1. Sentiment de gêne dû à la timidité, à la réserve naturelle, au manque d’assurance, à la crainte du ridicule, etc., qui empêche de manifester ouvertement ses réactions, sa manière de penser ou de sentir : N’avoir aucune honte à avouer ses sentiments.Synonymes :componction - remords

Sans doute un mélange de pas mal d’émotions dont (pour toute personne sensée, je pense) un peu de culpabilité et c’est sain. L’étape d’après, c’est de se passer de l’acte d’achat. C’est le plus difficile. J’ai réussi pendant plus d’1 an et demi; j’ai beaucoup de progrès à faire, je ne médite pas encore assez à mon goût pour me détacher de certaines choses même si l’essentiel est fait sur beaucoup du reste des choses matérielles de l’existence.
Je vous conseille la lecture de « plaidoyer pour le bonheur » de Matthieu Ricard. Ces bouddhistes ont quand même bien des choses à nous apprendre en terme d’observation de l’esprit et son retro-contrôle.

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La culpabilité et la honte c’est pas tout à fait la même choses.

Quand j’achète un jeu sans l’utiliser ( du moins dans l’immédiat) je me dit peut-être que c’est con et que c’est une erreur de jugement de ma part.
Mais certainement pas un truc coupable ni honteux que je dois cacher.

De plus si tout ces jeux achetés mais pas encore joué n’avaient pas été pris, n’y aurait-il pas un manque à gagner et un risque pour leurs éditeurs?

Parce que cette pile elle alimente l’économie du secteur ludique. Jusqu’à quelle niveau?

La pile de la honte, quand elle existe, est le symptôme de l’incapacité de l’homme à réfréner ses pulsions consuméristes, sa soumissions à la pub, à l’injonction d’acheter…
Donc… philo à deux balles, pile poil dans la honte si elle signifie « ne rien pouvoir faire parce qu’on n’y peut rien ». Ne rien pouvoir faire parce qu’on ne peut rien contre ses propres pulsions consuméristes et sa soumission au marketing…
A mon avis c’est une source de honte bien plus légitime, parce qu’elle parle uniquement du sujet qui a honte face à ses propres actions et non pas face à des machines conçues par d:autres généralement.

On parle d’une même chose « pile de la honte » mais à des degrés divers (hauteur de la pile) et à des degrés divers de conséquences directes et indirectes (principalement ici, économiques et environnementales).

Quelqu’un qui a un ou deux jeux dans sa pile, n’a déjà pas du tout le même comportement, au final, que quelqu’un qu’en a une centaine. Le premier à sans doute passer des étapes (ou n’a pas encore eu une seule fois à le faire mais a un style de vie qui lui permet de vivre beaucoup de jds par divers moyens) que le second peine à traverser.

Ensuite l’argument économique pour dire que ça fait vivre telles entreprises, c’est toujours un peu bancal : on n’a pas d’études sur qui achète combien de jeux à qui ou quelle société ?, pour combien ? Combien sont d’occasions et donc quelle quantité d’argent va être réellement réinvestie dans le circuit du jds ?

Le plus important de nos jours, c’est de comprendre que quel que soit le domaine de divertissement, à partir du moment où il commence à y avoir beaucoup de choix, on a une tendance naturelle à l’accaparement pour tout un tas de mauvaises cognitions/émotions. Or nous vivons au dessus de nos moyens en terme de ressources naturelles et il est donc important de comprendre que :

  1. Nous aurons toujours le même niveau de bonheur et de satisfaction qu’il y ait ou non pléthore de divertissements. Ca s’appelle l’adaptation hédoniste et c’est très bien documenté psychologiquement chez l’homme.
  2. le fonctionnellement de l’économie actuelle ne tient aucunement compte de ce qui est pris à la nature car historiquement, la notion d’économie a été architecturé avec comme facteur limitant l’homme et non la nature. Tant qu’on considérera tout emprunt ou exploitation de la nature comme gratuit, les considérations économiques seront toujours un peu casse-gueule; ce que je veux dire par là par extension, c’est que c’est pas parce que sur le papier en consommant plus sur le moment, ça fait une bonne action économique apparente pour le pib français à court terme que c’est vraiment le cas dans les faits comparé à ce qui ce serait passé si il n’y avait pas eu ces actes d’achats (à court terme comme à long terme).

Je suis fatigué, j’ai fait des raccourcis mais j’espère avoir été compréhensible… désolé si c’est pas le cas, je m’expliquerai plus en detail plus tard :relieved:

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Pourtant je trouve qu’on se rapproche de cette définition :

L’action “indigne de soi” étant de ne pas avoir su refreiner notre besoin de consumérisme.

Alors pourquoi culpabiliser avec le terme honte dans le jeu de société un comportement qui est humain et présent dans beaucoup de domaines?

Attention je ne dis pas que c’est super intelligent d’acheter des jeux que l’on n’utilise pas. C’est bon pour l’économie du secteur mais moins pour nos finances et la pollution.

Mais c’est pas l’action que je défend. Juste le terme honte et la démarche de culpabiliser qui me semble malsaine et hypocrite.

Mais s’inscrire dans une démarche de production et consommation raisonnable me va très bien.

Pile de jeux inutile ou pile d’indigestion ludiques à pas le même caractères moralisateur et d’imposer aux gens un jugement

D’autant que je pense que personne ne se dit : tiens, si j’empilais plein de jeux pour faire vivre les éditeurs ?

Tu ne te le dis pas ( toujours) consciemment.
Mais c’est la conséquence de nos achats

Inconsciemment je pense que c’est tout simplement pas du tout un déclencheur d’achat (quand c’est le cas c’est parfaitement conscient).
J’ose espérer par ailleurs que les éditeurs vivent des jeux joués et non de ceux dans la pile de la honte des gens (puisque c’est quand même ça le sujet).

Je crois pas que quelqu’un ait parlé de culpabiliser ceux qui ont une pile de jeux inutilisés.
C’est plus ceux qui ont une grosse pile qui se mettent la pression, me semble-t-il.

Tu dis aussi :

D’accord avec ça.
La culpabilité naît de quelque chose qu’on sait préjudiciable à l’autre. La honte est plus personnelle.
On peut être coupable sans avoir honte, on peut avoir honte sans être coupable.
C’est la nuance que je trouve entre les deux termes.

Les (2?) seuls jeux dans mon étagère auxquels je n’ai jamais joué et que je n’ai même pas ouvert, sont malheureusement des jeux que l’on m’a offert.
J’ouvre systématiquement les jeux que j’achète et j’y joue rapidement, justement pour ne pas les poser puis les oublier en me disant “on verra plus tard, refaisons une partie de Parks”
Ce qui me fait aussi penser qu’il ne faut offrir que des jeux auxquels nous voulons jouer.
Que ce soit un jeu que l’on connait déjà ou un jeu que l’on a envie de découvrir.

Si pile de la “honte” pour les jeux avec 0 partie.

Quid des jeux qui doment depuis longtemps sur nos étagères après une ou deux parties?

J’ai l’impression que tu es le seul à mettre autant de négativité là-dedans.
De ce que j’observe, j’ai l’impression que les premiers à utiliser le terme “pile de la honte” sont justement ceux qui ont une grosse pile de jeux non-joués chez eux. Si c’était si honteux et inavouable, je ne crois pas qu’ils le crieraient autant sur les toits.
Parler de “pile de la honte”, c’est un moyen de faire un peu d’auto-dérision sur un comportement qu’on sait être un peu irrationnel et pas très vertueux, mais qui la plupart du temps ne fait de mal à personne.
“Ah là là, regardez tout le loot que j’ai ramené d’Essen, ça ne va pas arranger ma pile de la honte tout ça”. Je ne pense pas que le terme “honte” est pris très au sérieux ici (sinon on n’irait pas montrer son loot d’Essen à tout le monde).

Mais je ne suis pas d’accord avec ça. Ne rien pouvoir faire édit : d’efficace pour s’en libérer face à ce qui vous écrase, c’est le désespoir, pas la honte.
Pour avoir honte, il faut être concerné par l’action qui cause la honte.

Ce que tu met en évidence, c’est que la honte n’est pas bien forte.
Qualifier cela de pile de la honte, c’est savoir que le comportement n’est pas glorieux. Ne pas prendre cette honte trop sérieusement c’est en effet relativiser et de l’autodérision.

Mais… le mot qui vient à l’esprit, c’est bien pile de la honte. Il y a une compréhension qu’il y a quelque chose de problématique dans ce comportement consumériste.

N’empêche que j’ai bien regardé mon listing de la honte à cause de vous (jeux non joués depuis + de 5 ans OU jamais avec ma boîte OU jamais tout court).

Le bilan est clair.

Je sors Morgenland cette semaine (pas joué depuis 2005, c’est la boîte qui dort depuis le plus longtemps).

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Justement, il y a un petit livre, relatant un entretien entre Matthias Greffarth et Günther Anders qui s’appelle “Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ?”.

Je ne suis pas certain que le désespoir soit lié à l’impuissance. On peut parfaitement agir même dans une situation que l’on pense perdue.
De même, je ne sais pas si la honte est forcément le résultat d’une action. Pour Anders, c’est plutôt la prise de conscience d’une situation. Celle où l’homme voudrait être l’égal des machines parfaites qu’il a conçues mais ne le peut pas car il est né homme et pas machine.

“L’étagère de la poussière”.
“La multiplicité de l’unicité”.
“Le monde d’une fois mais pas deux”.