MrGirafe dit:Mon identité de français je l'ai acquise en plus de 30 ans de vie maintenant, je ne vois pas comment un étranger peut percevoir la France aussi profondément que je la perçois.
On peut entamer un débat où l'on opposerait identité nationale et ouverture d'esprit, mais ça ne m'intéresse pas. J'entrevois trop comment ça pourrait dévier. J'aborderais cependant le sujet un peu plus loin.
MrGirafe dit:Pour la langue, je parle très bien anglais, je me vois pourtant mal faire de l'humour de qualité en anglais.
Es-tu si certain de pouvoir faire de l'humour de qualité en français? Tu le dis toi-même plus loin : "après 30 ans de pratique du français tous les jours, mon français ne me permet pas toujours de dire tout ce que je veux dire". On peut avoir du mal à s'exprimer, à se faire comprendre dans sa propre langue. Mais chaque langue que l'on parle est une richesse. Et une identité.
En vivant à l'étranger, on apprend à relativiser la puissance du langage, surtout au début. Mais du langage verbal, pas de la communication ! Ce qui compte, c'est le message principal, les nuances, on apprend à en faire l'économie. Cela ne veut pas dire qu'on se lobotomise soi-même ou qu'on se retrouve avec le QI d'un sachet de thé, mais qu'on est plus ouvert, plus convivial. On essaie moins d'avoir raison... En partie parce qu'on sait qu'on n'est pas chez soi. (On arrête un peu d'enc... les mouches.)
Maintenant, ma conscience politique n'est pas très développée et je ne suis pas un fin débatteur sur le sujet, et d'autant plus depuis que j'ai compris que gauche et droite n'ont pas le même sens en France et en Hongrie (passif et trauma historiques différents, situation économico-politique différente, etc.). En revanche, pour nombre de mes collègues belges ou français "exilés", la conscience linguistique est plus qu'en éveil et on n'en finit jamais de comparer nos langues d'adoption. Quand on a compris qu'une langue est une approche du réel parmi d'autre, on relativise et on comprend pas mal de choses. [Exemple : en hongrois, il n'y a qu'un seul mot pour traduire 'patrimoine' et 'héritage', or je n'avais jamais fait le rapprochement entre ces deux mots auparavant.] En se confrontant à l'Autre on en apprend beaucoup sur soi-même et sur son identité. Je ne m'étais jamais particulièrement senti "belge" tant que je vivais à Bruxelles, mais je dois reconnaître avoir des comportements, des attitudes et une vision des choses qui seront différentes de celles d'un Hongrois, d'un Français, d'un Suisse, etc.
Je suis en Hongrie depuis bientôt 8 ans (interruption d'un an l'an dernier) et il y a de fortes chances pour que j'y passe toute ma vie.
Comme l'a dit Ubik Liryk, c'est l'occasion qui a fait le larron : la possibilité d'aller enseigner un an durant en université, à Budapest. Un statut un peu privilégié, un peu particulier, un peu isolé dans la foule, un boulot sympa, un pouvoir d'achat plus que confortable et l'amour ont fait que je me suis bien senti dans cette ville et dans ce pays. Et ce au point d'y revenir avec la perspective à moyen/long terme (6 ans) de me retrouver ici comme n'importe quel Hongrois, soutien familial en moins.
Comme cela a déjà été dit, celui qui veut se tenir informé peut le faire, il y a les Instituts français et les Alliances françaises, et Internet (journaux écrits et télévisés + radio en ligne). Le seul truc c'est qu'il faut adopter une démarche active : l'information ne vient pas à soi de manière facile et évidente en allumant TV et radio, c'est à soi à faire la démarche, à aller chercher l'info.
Aujourd'hui, je me sens bien dans ma peau en Hongrie, mieux que je ne me sentirais en Belgique, mais je sais que c'est en grande partie une
question de climat (moins de pluie et plus d'ensoleillement matinal) et que c'est en bonne partie aussi dû à
mon boulot. Mais comme je suis prof et que mon boulot repose en grande partie sur
les rapports et les contacts humains, c'est une manière d'être et de se comporter qui me plaît en Hongrie. Tout est lié, difficile de faire le tri : la cuisine, les activités de loisirs, les mentalités, la langue, ...
En fait, comme ça n'a pas été un choix très volontaire fait en connaissance de cause, je me dis que je me suis plus laissé choisir par la Hongrie (= je me suis montré moins refractaire ou hostile aux moeurs hongroises) que je n'ai moi même choisi ce pays.
Mais je n'ai l'expérience que d'un seul pays...