Malgré une jolie enveloppe le jeu reste abstrait et donc se présente par sa mécanique qui, avouons-le, n’est pas ce qu’il y a de plus simple pour se représenter un jeu sans y jouer. Sauf que voilà, avec nos habitudes de consommation matraquées de storytelling, le manque de projection entraîne un manque d’envie et on passe à côté sans s’y arrêter.
Et puis, parce que je suis de nature curieuse, le jeu finit par arriver sur ma table.
L’ouverture de la boîte est refroidissante avec un intérieur plutôt austère. Voilà que les éditeurs nous ont tellement gâtés (ou gavés) des décors internes thématiques, nous ont habitués à des formatages et des rangements que l’on arrive à être déçu avant même d’avoir touché au cœur du jeu, c’est-à-dire sa mécanique.
On renverse les tuiles sur la table et le monde doux, poétique, expressif, attachant de Gorobeï s’étale en fragments colorés d’une fresque qui n’attend que d’être assemblée pour nous en faire apprécier le paysage final.
Une ascension en 15 minutes
Chaque joueur a 3 tuiles en main. Chaque tuile a une position, unique et exacte dans le panorama, donnée par deux informations : son rang via un chiffre, sa hauteur via une couleur.
Impression mathématique d’abscisses et d’ordonnées que Gorobeï réussit à casser d’un coup de crayon joyeux et rond.
Sur la table il y a une rivière de tuiles visibles, elles aussi avec leurs informations de placement. Notre but est donc d’assembler ces pièces dans notre panorama montagneux, et pour cela il faudra trouver une tuile de notre main qui partage un élément en commun (la hauteur ou le rang) avec l’une de celles présentes dans la rivière.
Cette tuile dévoilée depuis notre main capture la tuile convoitée dans la rivière et toutes deux viennent compléter notre paysage.
Si jamais aucune correspondance n’existe, on place alors une tuile de sa main dans la rivière et on bénéfice d’une seconde chance en piochant une tuile au hasard parmi celles de la réserve qui sont restées face cachée depuis le début de la partie.
Re-belote ! Soit ça correspond et on place dans son panorama ces deux tuiles, soit ça ne matche pas mais alors on profite d’une tuile arc-en-ciel, symbole de bonne fortune, que l’on pourra placer en guise de joker dans sa montagne.
Ce petit truc paraît une maigre source de consolation pour les guigneux mais c’est un aspect du jeu sur lequel il faut savoir jouer et miser avec espièglerie et délectation. Il ne s’agit pas seulement de tenter sa chance mais d’observer, de patienter, avant de saisir le bon moment pour poser la tuile inutile de notre main mais qui pourra déclencher l’arriver d’un arc-en-ciel dans notre montagne.
Mon but dans tout ça ?
Faire un voyage vers l’âge adulte en gravissant la montagne pour allumer des feux sur les sommets tout en rencontrant des esprits de la nature.
Bon, clairement on oublie cette histoire de grimpe initiatique mais on s’efforce :
- d’ajouter des tuiles les plus adjacentes possibles pour agrandir sa zone,
- de récupérer des tuiles esprit de la montagne,
- de créer un chemin depuis le bas de la montagne pour atteindre des feux qui sont uniquement présents sur les tuiles les plus hautes.
Car chacun de ces trois éléments apporte des points de victoire.
Par exemple ici, 19 points de zone, 2 points de feu, 7 points d’esprit = 28 PV
Pioches et piolets pour la grimpette vs bonne pioche de tuiles
Et c’est avec tout cela, et intelligemment agencé de surcroît, que le hasard de la pioche est contrebalancé.
Est-ce que j’agrandis ma zone de manière linéaire ou éparpillée en provoquant ma chance pour les connecter ?
Est-ce que je ne prendrais pas cette tuile peu utile dans mon ascension mais qui me permet de récupérer un esprit de la montagne qui me rapporte un bonus ?
J’ai les deux tuiles jumelles qui offrent 3 feux à elles deux. Est-ce que je ne tenterais pas le joli coup de les atteindre ?
Des choix seront évidents quand d’autres seront plus tactiques.
Ascension solo face à la balaguère
Au fil de la montée, une petite brise de fraîcheur arrive, pas de révolution mécanique mais Solstis se dévoile être un jeu intuitif sans fioriture. Ca va droit au but et ça fait du bien dans un monde ludique qui en propose de plus en plus et vire parfois au trop.
L’interaction n’existe uniquement que dans le fait de surveiller la montagne de son adversaire pour savoir si telle ou telle tuile est encore récupérable. Interaction certainement trop faible pour les fous furieux de la chose.
Un des esprits de la montagne est taquin et vient briser en fin de partie l’un de ceux de l’adversaire. Personnellement je ne suis pas fan de ce type de coup bas unique sans défense ou vengeance possible de l’adversaire et cela d’autant plus quand le jeu est mécaniquement basé sur une construction solitaire de son petit paysage. Alors, chez nous, cette tuile a été mise de côté.
Piquée par le virus de la montagne ?
Solstis a cet avantage d’être un jeu rapide à installer, facile à expliquer, court à jouer mais pas sans intérêt tactique et ludique. Une sorte de petit bonbon coloré, acidulé et fruité que l’on retrouve par hasard alors que l’on commençait à avoir faim.
Oui, Solstis je n’avais pas envie de l’aimer. Cela m’avait fait exactement pareil avec Sea Salt & Paper. Par deux fois j’ai eu bien tort ! N’est-ce pas monsieur Le Cerf ?
Post issu du sujet sur Solstis.