loic dit:Alors oui, Dieudo devrait mettre la pédale douce sur celui-ci, mais comme dit plus haut, dans le panel des préjugés racistes "Le Juif est pêté de thunes" n'est pas le plus grave. Mais, tu as raison, il faut rester vigilant, car l'utilisation des préjugés peut mener à des choses horribles, mais les taire est une mauvaise chose, selon moi.
Sauf que j'estime que Dieudonné, contrairement à un Desproges ou un Coluche (puisqu'on revient toujours vers ceux-là), entretient et attise ces clichés plus qu'il ne les déconstruit. Si se servir d'un stéréotype pour l'humour n'aboutit à rien de plus que le répéter et le colporter sur scène, alors il ne reste que ça : un stéréotype lancé depuis une tribune.
À aucun moment Dieudonné ne fait mine de prendre le contre-pied du "Juif = pété de thunes". À longueur de spectacles (et de façon systématique depuis Rendez-nous Jésus et Mahmoud), il assène ce qui est devenu une sorte d'évidence, de donnée concrète, de "gimmick" entre lui et son public, à tel point qu'il n'existe plus de réelle distance entre la saloperie énoncée et le fond du message (ce qui, comme l'a précisé Eric, s'appelle "l'ironie" et constitue le moteur de l'humour noir).
Pour le coup du "nègre" de Bernheim (pas Cohen), je trouve que tu uses de mauvaise foi. Le type s'est excusé et a tenté d'expliquer sa démarche, en essayant maladroitement de retourner contre Dieudonné sa propre rhétorique. Ça a fait un gros flop et Dieudonné s'en est longtemps servi comme d'une illustration de la haine raciste à son égard, ce qui est évidemment faux. Exactement comme, dans la récente interview donnée à Causeur, il dit à propos du sketch sur Cohen :"‘Je ne fais que répondre à ses insultes puisqu’il m’a traité de cerveau malade’ ! [...] Traiter un Noir de ‘cerveau malade’, c’est aussi un stéréotype raciste non ?” Difficile de ne pas sentir sa mauvaise foi, non ? On sait bien que Cohen l'attaquait sur son complotisme et sa régurgitation de thèses soraliennes, et sûrement pas sur sa couleur de peau...
loic dit:Et on aura aussi du mal à se comprendre car on ne réagit pas de la même manière à l'humour. J'adore l'humour noir (et donc, j'ai été servi avec ce spectacle) et le sketch final et sûrement celui qui m'a le moins fait rire. On frôle avec l'humour absurde, où, clairement, pour moi, Dieudo est moins bon.
J'adore l'absurde et pas d'accord pour dire que Dieudonné n'y excelle pas, mais c'est un autre débat ! Je trouve surtout qu'il ne s'agit pas là d'humour noir, mais d'humour gras. Ce n'est pas parce qu'on ricane sur des sujets graves qu'on fait de l'humour noir. Ça, c'est du cynisme. On fait de l'humour noir quand, via l'horreur, on libère, on dénonce, on révèle. Dieudonné ne fait, à mes yeux, rien de tout ça. Pire, il happe le public dans une logique communautariste, où tous les stéréotypes y passent sans être remis en cause. Et je trouve surtout le côté systématique de sa méthode pour ses transgressions anti-"sionistes" (il sait parfaitement quand et comment déraper) d'une froideur mécanique glaciale.