Mathias dit:Mais Cassiel, j'espère que tu n'as pas attendu l'affaire Dieudonné pour te rendre compte qu'en France, depuis, disons, la création de la République ou presque, et malgré la séparation des pouvoirs, les politiques ont toujours essayé d'influencer la justice. On peut le déplorer, je le déplore d'ailleurs, tout autant que toi.
On en a eu une illustration avec Valls et Dieudo mais ce n'est qu'un épisode de plus, c'est tout. Tiens, dans son édition de la semaine dernière, Le Canard enchaîné a sorti que Christiane Taubira a voulu mettre au placard le procureur général de Paris car il est proche de Sarko. C'est bizarre, personne ne s'en offusque, ça doit être parce que François Falletti est bien moins connu que Dieudonné.
Je trouve qu'il y a confusion sur la nature des faits dénoncés, et leur portée associée.
- C'est une chose que de constater la présence du Politique dans la sphère judiciaire :
Le Ministère public est une tierce partie, garante de l'intérêt général _ principe fondamental de la République française, que l'on pourrait parfois qualifier de fiction juridique
.
L'esprit est le suivant : il existe un intérêt "commun" supérieur à la somme des intérêts particuliers. Il doit donc être servi et représenté. En terme juridique, il n'y a là aucun scandale.
Je ne me fais pas d'illusion quant aux dérives 'permises' et surtout pratiquées [pouvoir & réseaux d'influence], notamment en coulisse. Certains avocats, dont le déjà cité Eolas, plaident à ce titre pour une refondation. Mais si les parquetiers sont pris 'de haut', ils défendent une conception toute aussi valable de la justice. Et si l'idée, c'est de transposer derrière, le modèle libéral anglo-saxon pour se protéger des déviances judiciaires dénoncées à juste titre, je crois qu'à choisir je préfère encore nos vilénies aux leurs.Cela étant, c'est un sujet que je n'ai jamais abordé.
- C'en est une (toute) autre que "le premier flic de France", pour citer amèrement ses lettres de noblesse usurpées, s'octroie le statut de procureur.
On parle alors de justice d'exception, dont les tribunaux militaires sont un exemple. Ouais, ce sont de bien grands mots. D'une certaine manière, on parlerait désormais de tribunal médiatique. Je cherche toujours le devoir de réserve de notre flic number one. On peut penser que c'est secondaire à l'invocation de la dangerosité de Dieudonné. Je n'en pense pas un mot : c'est un préalable à la bonne tenue du contrat social.
Mathias dit:Alors oublie un peu le contexte politique et revient à la vraie question du débat : la décision du Conseil d'Etat est-elle scandaleuse ? Je ne parle pas du contexte politique dans lequel elle a été rendue, je parle bien de la décision en elle-même.
Elle pourrait très bien ne pas l'être. La République française n'est, à l'évidence
*, pas un mode d'organisation impartial.
* cf le premier tiret précédent, contrairement à la vision libérale atomisée d'un ensemble d'intérêts égocentristesElle a toute légitimité, et les moyens nécessaires, pour interdire un meeting politique raciste qui se prétendrait être un spectacle. Ou encore pour interdire des passages
jugés racistes dans un spectacle, ce qui est le cas présent.
Ensuite, on peut toujours discuter du bien-fondé de ces moyens. J'avais proposé N.Chomsky et J.Bricmont en ce sens. Curieusement, les deux lascars sont régulièrement repeints en brun... par des-mêmes (ils ne sont pas sur TT, mais dans la petite lucarne ; ça viendra un jour, quand TT dominera le paf

) qui voudraient partir en croisade contre l'antisémitisme. Au moins, pour Jérusalem, il y avait des panneaux de signalisation.
Mais quand le Conseil d’État est saisi n'importe comment, juge à l'emporte-pièce dans une parodie de justice - que n'aurait pas reniée Alfred Jarry - quelle valeur a sa décision ? Et quel sens lui donner ensuite ?
Ou quand le forme est un fond qui s'ignore.Les moyens prédéterminent toujours la fin. Donc pour moi, en l'état, la décision du Conseil d’État est belle et bien scandaleuse... et dangereuse. Là où je veux en venir : chaque fois que l'on donnera du grain à moudre aux idées racistes, elles progresseront.
Comment explique-t-on que le Front National (lui qui a été si longtemps ardent atlantiste et "unioniste") se réveille soudainement promoteur :
- de la laïcité ?
- de l'adversité au néolibéralisme ?
- anti-UE ?
Et surtout, comment expliquez-vous que ces impostures criantes puissent parler et trouver adhésion ? Quand on a recours à des méthodes de voyou, il ne faut pas s'étonner ensuite que l'on fasse le jeu des voyous. C'est sûr que recoller les morceaux à l'appui d'une leçon de morale ou d'histoire, ça risque d'être un peu juste.
Ceux qui parleront de "dictature socialiste" (on ne se moque pas s'il vous plaît

) n'hésiteront pas une seconde à se gargariser de ce pataquès juridique. Et ça parlera à des personnes, justement parce que ça s'adressera à un bout de leur raison. C'est entre autres pourquoi je considère M.Valls, et secondairement le Crif, plus dangereux qu'un "bouffon".
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Albumine Tagada dit:D'autant qu'il faut distinguer les deux facettes du judaïsme :
- la religion juive
- l'ethnie ou communauté juive (d'où la racine de "sémite", soit appartenant au peuple, à l'ethnie sémite)
- Sans oublier la facette politique.
L'État d'Israël est un (le ?) État démocratique qui mélange les notions de nationalité et de religion : on parle d'État juif. La question du langage est effectivement importante. L'usage du terme "juif" est tellement fourre-tout qu'il ne peut qu'entretenir la confusion. Je reste indécrottablement persuadé que les quelques momies du genre Faurisson n'en demandaient pas tant. Culture, religion, politique : sacré cocktail !
Notre
identité nationale , c'était du pipi de chat à côté de la politique israélienne de "l'identité juive".
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grolapinos dit:Je me contrefous que les ennemis de Dieudonné soient "méprisables" ou "de mauvaise foi", je sais juste que lui, l'est.
Je pense l'inverse depuis le début, à savoir : je me contrefous que Dieudonné soit "méprisable" ou "de mauvaise foi", je sais juste que M.Valls et le Crif nouvelle version le sont.
Tout dépend de l'importance accordée à chaque partie. Si ce qui est demandé, c'est de se positionner pour ou contre Dieudonné, alors on ne peut aboutir qu'à le mettre au pilori ou le porter au pinacle. Fantasmatiquement, les uns l’éviscéreront sur la place de Grève, là ou les autres lui érigeront une statue au Panthéon.
Je ne vois pas comment l'on pourrait démasquer
raisonnablement & efficacement une imposture (racisme sous couvert d'anti-communautarisme/anti-sionisme) à partir d'une autre (tenants de l'instrumentalisation de l'antisémitisme à des fins politiques).