J’ai eu dix ans pendant quarante ans grâce à Thierry Roland. Et je ne suis pas le seul. Nous sommes des milliers, des millions, toute une génération en fait. Des années 60 aux années 2000, quand tout changeait autour de nous, Thierry Roland demeurait. Derrière son micro de commentateur de football à la télévision, il incarnait une permanence rassurante, paternelle en somme, pour tous ceux qui étaient nés au football avec sa voix, puis avaient grandi et vieilli avec elle, sans s’en apercevoir. Une génération entière est l’enfant de Thierry Roland. Pour les gamins nés dans les années 60, et même un peu avant, le football à la télévision était inséparable de la voix de Thierry Roland : les Bleus de Suède 1958, c’était déjà lui. L’'épopée des Verts 76, c’était lui. Séville 82, c’était lui. La victoire de la France 98, c’était lui. On l’avait découvert à dix ans, pendant la retransmission en noir et blanc d’une finale de Coupe 1972, à l’antenne de l’ORTF, et on ne l’avait plus quitté. Tout changeait autour de soi, le monde, la France, les présidents, la télévision, les speakerines, Bernard Père, Jean-Michel Larqué, Antenne 2, TF1, Téléfoot, le football lui-même, mais rien ne changeait en fait, parce que Thierry Roland, lui, restait. Que de temps passé à évoquer ses plus célèbres dérapages, du fondateur “M. Foote, je n’hésite pas à le dire, vous êtes un salaud !” à tous les autres, et de disserter des heures, des jours, des mois et des années durant sur le sujet. Combien de journalistes de télévision peuvent-ils se flatter d’être encore l’objet de débats passionnés deux ou trois décennies après leurs boulettes ? Grâce à Thierry Roland, on ne vieillissait pas. Le temps s’était figé avec sa voix dans le football. Et grâce à lui, figure paternelle audiovisuelle, on pouvait verser quelques larmes, les nuits de grande défaite ou les jours de grande victoire, sans avoir honte de se laisser aller à de telles extrémités sentimentales pour les choses dérisoires du football. Si Thierry Roland, ce monsieur d’un certain âge intemporel, pleurait, il n’y avait pas de mal à l’imiter, puisqu’on avait dix ans. Il faut saluer Thierry Roland, parce que durant presque un demi siècle, il a arrêté le temps pour nous. Ce n’est pas rien, et c’est un don qui n’est pas offert à n’importe qui. Etait-il conscient d’incarner cette figure paternelle footballistique pour toute une génération ? Je le crois. Je me souviens d’une émission que j’animais sur Europe 1 Sport, il y a trois ans et demi, et qui s’appelait Langues de sport. Il avait accepté d’en être l’invité, avec beaucoup de simplicité. Il avait opposé à tous les participants, même ceux qui avaient décidé de l’interpeller sans concession sur les faux pas de sa carrière, une gentillesse désarmante. Et l’émission, basculant dans une connivence assumée, parce que dans le fond on avait pas envie d’emmerder un ancêtre du métier, s’était terminée par l’évocation de souvenirs improbables et hilarants, les gamins de quarante ans (mais en fait ils en avaient toujours dix, souvenez-vous) passant leur temps à demander à l’oncle Thierry de raconter ses meilleurs souvenirs. On les connaissait pas cœur, on les avait déjà entendus ailleurs, cent fois, mille fois, dix mille fois, mais on voulait qu’il nous les raconte à nous, rien qu’à nous. On était comme en famille. “Et la fois où j’ai fait passer Vendroux pour Schumacher au mariage de Battiston, vous la connaissez ?” Fort logiquement, ce matin, le réveil est brutal. Prendre trente-cinq ans d’un coup en écoutant la radio, c’est terrible. C’est la fin de l’illusion, c’est comme la mort de ce père que l’on croyait immortel. L’horloge, effrayante et impassible, nous rattrape toujours. Ne reste plus qu’à remercier Thierry Roland, respectueux d’une formule dont il est l’inventeur breveté, de “ne pas avoir fait le voyage pour rien”, puisque d’une certaine façon, nous en étions. Ce fut quand même merveilleux d’avoir dix ans pendant si longtemps. Quoi que l’on en dise, quoi que l’on en pense, et tant pis pour tous ceux qui ne le comprendront pas, la cruelle leçon de ce départ s’impose : perdre Thierry Roland, c’est aussi perdre cette part d’enfance qui nous restait encore et que l’on préservait tant bien que mal. C’est fini. Thierry Roland parti, nous faisons notre âge désormais.
c'est mignon ce billet de blog adulescent - "oh zut la mort existe, oh zut je vieillis, oh zut je le découvre à travers mon petit écran qui contient à peine mon petit nombril".
Juste pour relancer la machine à pop corn, hein, nothing personal
C’est rare que je participe à des mouvements d’hommage, surtout si ils sont consensuel. je ne me suis par contre jamais permis d’intervenir sur les topycs d’hommage de personne que je n’appréciais pas (ou alors seulement quand j’étais un adolescent attardé).
Carton rouge à ceux qui ne respectent pas la douleur des autres.
Krka dit:C'est rare que je participe à des mouvements d'hommage, surtout si ils sont consensuel. je ne me suis par contre jamais permis d'intervenir sur les topycs d'hommage de personne que je n'appréciais pas (ou alors seulement quand j'étais un adolescent attardé). Carton rouge à ceux qui ne respectent pas la douleur des autres.
Si j'ai mis l'article de rue 89, c'est parce que je pense qu'on peut rendre hommage à quelqu'un sans "omettre" ses défauts, ses dérapages. Autrement, on pratique une forme d'auto-censure que je trouve assez discutable... et politiquement correcte non?
Krka dit:C'est rare que je participe à des mouvements d'hommage, surtout si ils sont consensuel. je ne me suis par contre jamais permis d'intervenir sur les topycs d'hommage de personne que je n'appréciais pas (ou alors seulement quand j'étais un adolescent attardé). Carton rouge à ceux qui ne respectent pas la douleur des autres.
Si j'ai mis l'article de rue 89, c'est parce que je pense qu'on peut rendre hommage à quelqu'un sans "omettre" ses défauts, ses dérapages. Autrement, on pratique une forme d'auto-censure que je trouve assez discutable... et politiquement correcte non?
Entre ceux qui trouvent que les adversaires de Thierry Roland sont trop politiquement correct, et ceux qui trouvent que les hommages qui lui sont rendus sont trop politiquement correct, nous voilà bien barrés.
Elle m’a toujours fait marrer, cette expression “politiquement correct”, qui ne veut pas dire grand chose… quoi qu’on pense, celui qui pense différemment est toujours “politiquement correct”.
D’ailleurs, ça marche aussi avec “démago”.
Non, je pense que Thierry Rolland a eu des dérapages, il a eu des petites phrases vraiment drôles et d’autres beaucoup moins drôles. Il incarnait une sorte de France à la papa, le genre de Français beauf qui se balade à l’étranger qui se croit en terrain conquis et qui trouve que tout est forcément moins bien que chez lui. Mais tout ceux qui l’ont côtoyé disent que c’était un homme très simple, charmant et sympathique.
Et puis, y’a une part de nostalgie dans tous ces hommages qui lui sont rendus. Platini l’a dit, “il était la voix de mon sport, de ma passion”. Ce n’est pas tant le personnage de Thierry Roland ni même ses commentaires que l’on regrette, c’est les événements qu’il a commentés.
Espinha de Bacalhau dit:...c’était un vrai Gaulois, il était plus heureux quand la France gagnait que quand la France perdait, et il ne pouvait cacher son bonheur dans le premier cas.
En gros, si on préfère que la France gagne plutôt qu'un autre pays, c'est qu'on est nazionaliste ?
Je comprends mieux maintenant pourquoi il n'y a plus aucun respect du maillot avec un super mercato qui commence dès les moins de 15 ans !!!
Si tu aimes trop tes couleurs, tu es chauvin et si tu ne les respectes pas assez un sale petit con...
Je comprends que les jeunes ne sachent plus à quel sein se vouer !!!
C'est avec des reflexions comme ça qu'on finit par avoir honte de son propre drapeau.
Espinha de Bacalhau dit:...c’était un vrai Gaulois, il était plus heureux quand la France gagnait que quand la France perdait, et il ne pouvait cacher son bonheur dans le premier cas.
En gros, si on préfère que la France gagne plutôt qu'un autre pays, c'est qu'on est nazionaliste ? Je comprends mieux maintenant pourquoi il n'y a plus aucun respect du maillot avec un super mercato qui commence dès les moins de 15 ans !!! Si tu aimes trop tes couleurs, tu es chauvin et si tu ne les respectes pas assez un sale petit con... Je comprends que les jeunes ne sachent plus à quel sein se vouer !!! C'est avec des reflexions comme ça qu'on finit par avoir honte de son propre drapeau.
bah déjà, pour aller se balader sur des blogs du FN à propos de la mort de Thierry Roland, faut être bien atteint déjà.
Elle m'a toujours fait marrer, cette expression "politiquement correct", qui ne veut pas dire grand chose... quoi qu'on pense, celui qui pense différemment est toujours "politiquement correct".
On est bien d'accord, je trouvais juste que parler de Rolland en pourfendeur du politiquement correct et nous reprocher de rappeler ses dérapages, c'est un peu contradictoire à mon avis.
( et d'ailleurs, au fond, je suis plutôt pour certaines formes de politiquement correct à l'américaine-du genre "native american" plutot que "indian"... mais c'est un autre débat )
godassesdor dit: bah déjà, pour aller se balader sur des blogs du FN à propos de la mort de Thierry Roland, faut être bien atteint déjà.
Riposte laïque n'est pas un blog "du FN". A la base si je ne m'abuse ça a été fondé par des gens qui officiaient sur le jounral ReSPUBLICa dont l'adresse est, ça ne s'invente pas: http://www.gaucherepublicaine.org/
Qu'il y ait des gens du FN maintenant dans riposte laïque ok, mais c'est surtout bourré de féministes et d'islamophobes.
godassesdor dit: bah déjà, pour aller se balader sur des blogs du FN à propos de la mort de Thierry Roland, faut être bien atteint déjà.
Riposte laïque n'est pas un blog "du FN". A la base si je ne m'abuse ça a été fondé par des gens qui officiaient sur le jounral ReSPUBLICa dont l'adresse est, ça ne s'invente pas: http://www.gaucherepublicaine.org/ Qu'il y ait des gens du FN maintenant dans riposte laïque ok, mais c'est surtout bourré de féministes et d'islamophobes.
J'aime le sport, j'aime le football. Donc la mort de Thierry Roland ne me laisse pas indifférent.
Que certains viennent aussitôt rappeler ses 'dérapages', je trouve ça moyen. Pas besoin de paniquer : tout le monde est déjà au courant. J'aurais préféré qu'on puisse parler de sa carrière au moins quelques heures.
Mais bon, certains jugent important de se 'payer' Thierry Roland à grands coups de copier-coller.
Ce qui est bizarre quand même, c’est qu’aucune des personnes qui le connaissait vraiment n’a l’air de penser qu’il ait eu des pensées d’extrême-droite. Des formules malheureuses ok, mais ça s’arrête là. Il faut savoir faire la différence entre le chauvinisme allié à la boutade et le racisme.
Pour en revenir à ton article (excuse-moi pour le ratage de quote, comme l’article était juste au-dessus, j’ai pensé que tout le monde aurait compris), si demain Marine Le Pen dit “Espinha de Bacalhau est quelqu’un de génial”. Est-ce que tout le monde va en conclure que tu es du FN ? Tu ne peux empêcher personne de te trouver génial même les gens que tu détestes…
Bref, moi j’arrête là (je sais, j’avais dit ça au post précédent). Je ne participe pas souvent aux topics RIP mais là, c’est du grand n’importe quoi.
En fait, on est peut-être même d’accord sur d’autres choses mais ça me fait juste chier qu’un topic quelconque sur quelqu’un qui vient de décéder tourne au topic politique. Qu’on fasse remarquer ses défauts pourquoi pas, que ça prenne 10 pages et des messages de 50 lignes, je trouve ça très déplacé…
