Veganisme

Nicky Larson dit :
Proute dit : 

je ne résiste pas surprise

Etant donné que je ne suis pas sensible, peut être, à la même forme d'humour que certains, la caricature de Mme Veggie insolente est elle à prendre au premier degrés ?

Je pense que ce n'est pas pour rien qu'elle s'auto-nomme "insolente" : elle avoue d'elle même (il me semble) utiliser certains raccourcis ou en tout cas ne pas rentrer dans les subtilités car il y aurait beaucoup à dire si on s'attarde sur la manière dont elle exprime les choses à la fois sur la forme et le fond; mais ça ne rentrerait plus dans des cases BD et ça perdrait sa fonction de "pique"... 

Bonsoir à tous :slight_smile:

Tout d’abord, je voudrais remercier Proute pour m’avoir fait rire avec les dessins de Mme Veggie et je dois reconnaître que le trait n’est pas si forcé que cela :slight_smile:

J’en profite d’ailleurs pour présenter toutes mes excuses les plus sincères à Proute pour l’avoir provoquée et donc la faire réagir un peu au dessus du niveau de la mer mais bon, je l’ai bien mérité :slight_smile:

Evidemment, mon intention n’était pas de provoquer mais voilà, j’utilise le vocabulaire dans le sens où je l’ai moi même appris voilà… longtemps et que la sémantique est trop sensible au cours du temps, au gré de l’air en cours et surtout de la manière dont les mots sont souvent déformés de leur usage premier par une bande de journalistes ignares et analphabètes. Oui, je me permets, j’en connais déjà suffisamment avec qui je ne passerai jamais une soirée devant une bière. 

Donc, oui, j’ai insisté, c’est clair mais c’est aussi parce que je suis le fil de mes pensées et que je tiens à ce que mes positions soient plutôt solides même s’il arrive encore trop souvent que je doive consolider au béton armé des fondations qui s’effritent au fil des ans.

Pour répondre à la question : le carnisme est-il une forme de religion ? Pour être tout à fait honnête, je crois qu’effectivement qu’il l’est. Il a des adeptes, des gourous, des défenseurs acharnés ( et pas décharnés) et même une hiérarchie basée sur les rapports sociaux.

C’est un dogme venu du fin fond des temps et qui en est à sa phase paroxystique dans nos sociétés modernes.

Alors pour continuer, je vais utiliser le néologisme suivent : végisme. Vous me direz ce que vous en pensez mais véganisme, ça me semble par trop artificiel.

Donc on a cette opposition entre végisme et carnisme.

Mais en fait, je crois qu’on se trompe de construction. Ne me tombez pas tout de suite dessus. Je vais m’expliquer :slight_smile:

Déjà, comme préalable, on va mettre les sapiens dans le même panier que les autres animaux, sans construire de pyramides alimentaires particulières qui se cassent trop souvent la figure par manque de vision d’ensemble.

Donc l’humain, parmi les autres espèces doit pouvoir vivre avec son régime alimentaire : certains animaux sont des prédateurs, d’autres sont leurs victimes, certaines arrivent à se défendre et d’autres sont vraiment des garde manger sur pattes.

Alors déjà, pourquoi, si le sapiens est un animal comme les autres, ne pourrait-il pas être un prédateur ?

A cause de certaines capacités de son cerveau : il est capable de se projeter dans l’avenir, il a conscience d’être et aussi de mourir, il fabrique des hypothèses… tout cela, ce sont des aspects quasi uniques dans le monde animal. Certains autres peuvent avoir des dispositions dans certains de ces domaines mais dans des états moins avancés et pas dans tous. Mais tout cela est très théorique : l’humain est capable mais dans la pratique, ce n’est pas si courant que ça.

Je ne parle volontairement pas d’empathie car c’est sans doute un des sentiments qui est le mieux partagé dans chez beaucoup d’espèces, pour peu que leurs neurones soient en nombre suffisants.

Il en est de même de la souffrance et du bien être ressenti.

Bref, les possibilités cognitives du sapiens lui permettent de pouvoir choisir son type d’alimentation. On passera rapidement sur les conditions géographiques extrêmes qui aboutissent à une alimentation forcée pour survivre.

Mais, puisqu’il a un choix plus que théorique, pourquoi opter pour le végisme plutôt que pour le carnisme ?

Et là, et malheureusement pour la longueur de ce message, il va falloir faire un peu d’épistémologie.

Bon, vous connaissez l’histoire. Les humains sont faibles de nature mais grâce à leur gros cerveau ont été assez malins pour survivre dans un monde très hostile pour eux, jusqu’à ce qu’ils deviennent les maîtres de la planète, d’y faire n’importe quoi et de la détruire dans un avenir proche.

Or, pendant une période qui débute voici plusieurs millions d’années jusqu’à environ 30 000 ans, les humains ont d’abord été des fourrageurs avant d’être des chasseurs. Faut dire aussi que la chasse était assez compliquée avec les armes disponibles et  ce malgré des techniques qui feraient pâlir d’émotion tout général en manque de stratégie.

Et puis là, paf, l’agriculture s’impose assez rapidement, accompagnée de la sédentarisation et donc de l’élevage pour garder un peu le bétail pas trop loin et aussi, il faut bien le dire, d’une première forme d’esclavagisme. Et là, les ennuis commencent vraiment.

La chasse est d’abord confisquée au profit des classes supérieures, celles qui détiennent les terres, les outils de production sur des critères plus que problématiques.

Et jusqu’au début des temps modernes, manger de la viande, c’était d’une rareté absolument impossible à s’imaginer aujourd’hui, sauf à connaître ce qui se passe dans certaines régions de l’Inde, par exemple.

Les conditions de vie s’améliorent peu à peu. Les humains ont relativement moins de problèmes d’alimentation mais évidemment pas tout le monde. Ils vivent de plus en plus longtemps et en meilleure forme.

Et puis, certains événements ont rendu la chasse à tout le monde. Et manger de la viande devenait un acquis des luttes populaires et comme tout le monde ne pouvait pas passer son temps à chasser, l’élevage s’est intensifié dans des proportions absolument démentielles parce que le troupeau, faut bien le nourrir avant de le manger.

Donc, manger de la viande devient un signe de richesse et en quelque sorte, d’égalité avec les classes hors sol. Sociologiquement parlant, c’est ce qui est constaté même actuellement : une société qui se démocratise mange plus de viande.


Le carnisme est dû, à mon humble avis, plus à des raisons sociales qu’à une prédisposition organique originelle.

Donc, amis du végisme, faire la démarche vers l’égalité du traitement entre les humains et les autres animaux, ça va passer par réfléchir aussi sur l’égalité des humains entre eux.


Je dis ça, je ne dis pas grand chose de nouveau : tant que le niveau des inégalités sera ce qu’il est aujourd’hui, peu de monde sera à l’écoute de l’anti-spécisme.

Et on pourra multiplier les preuves que le végisme est non seulement moralement et éthiquement mais aussi bien meilleur pour la santé et la nutrition, tant que la viande sera considérée comme un élément de richesse, ça coincera sévère.

Donc ce n’est pas une raison pour en vouloir aux carnistes s’ils ne veulent pas devenir végistes.

Alors vous me direz : ce sont surtout ceux qui ont le plus de moyens qui se tournent de plus en plus vers le végisme. Justement pas totalement, car ce serait dénigrer ceux qui sont végistes par conviction plus que par effet de mode.

Et là arrive le gros piège : l’aspect économique.

La viande est devenue un marché gigantesque, complètement ingérable malgré les réglementations, dans lequel les profits sont inimaginables, sauf pour les éleveurs qui ne sont que de simples exécutants, eux aussi esclaves de leurs maîtres.

Ce marché alimente l’illusion de la viande, élément de richesse. Et pour que le système perdure, tout y passe : subventions, politiques agricoles communes, publicité, soutien intéressé des élites dirigeantes. Car oui, la viande est devenue une illusion, simplement car elle est devenue un simple ingrédient dans les produits transformés, quand elle n’est pas dénaturée par les anti biotiques et autres cochoncetés.

Alors avec les progrès de la communications et son corolaire, la désinformation, les affaires sont de moins en moins étouffées. Mais à chaque fois le marché s’adapte : cochonaille sans nitrites, viande garantie sans ogm ni anti biotiques et j’en passe.

Alors, quand L214 vient y ajouter ses documentaires qui finissent mal en général, on pourrait se dire que le moment est bon, allons y pour le végisme…

Sauf que : à l’instar des produits étiquetés bio, les produits dits vegan commencent à envahir les rayons. Le marché récupère encore et encore !

Mais, amis végistes, le souci, c’est que chacun va y aller de sa petite bonne conscience, comme pour le bio en mettant dans son panier quelques produits dits vegan…
Et peut être que le bio et le vegan seront vus comme des produits réservés à ceux qui en ont les moyens…

Génial, non, pour répandre la bonne parole ? pas vraiment, bien sur.

Alors que faire pour non seulement inciter mais convaincre tout le monde à passer du bon côté de la force ?

Comme je l’ai dit un peu plus haut, il faut s’occuper des inégalités les plus criantes. Et si je ne souhaite pas aller jusqu’à une révolte sociale, va bien falloir faire quelque chose pour vaincre la précarité qui se répand et va devenir bientôt la norme.

Parce que sinon, on pourra nous vendre ce qu’on veut, y compris du soleil vert.

Alors, plutôt que de tenter de convaincre sans changer la société dans ses rapports de force, intéressez-vous aux malheurs des gens aussi, sans les culpabiliser parce que, franchement, être dans la pauvreté, ça n’aide pas à faire une démarche intellectuelle et philosophique.

Et c’est bien là, l’aspect militantiste du végisme qui m’éxaspère le plus : s’occuper du bien être animal sans voir que celui des humains ne va pas si bien que ça.

Et pourtant, dans le fond, vous détenez, j’en suis certain, une bonne part de vérité.

Voilà pourquoi, pour ma part, je lie le social à mon combat écologique. L’un ne va pas sans l’autre. Il n’y a pas de raison que le végisme face l’économie de cet aspect.

Bonne nuit :slight_smile:







Arg. J’étais à la fin de mon long long long post quand pouf, j’ai fait une mauvaise manip, je suis trop contente. frown

Je vais essayer de reprendre le tout, mais pffff… ce ne sera pas aussi développé que je l’avais fait, malheureusement.

Tout d’abord, Gabriel, je te remerciais pour le changement de ton.

Et végisme, tu as raison, est plutôt bien choisi, pour notre discussion tout au moins, en tout cas j’aime bien le terme.


Aaaaalors, tu dis plusieurs choses dans ton post ci-dessus.
Je vais te répondre en parlant de nous, notre société occidentale en climat tempéré, non pas des inuits ou des sociétés anthropophages ou je ne sais quelle autre exception fallacieuse dès lors que nous parlons de nos pratiques à nous.

D’abord sur le passé alimentaire de nos semblables. Il y a beaucoup à en dire et beaucoup d’hypothèses sont faites, qui changent au fil de nouvelles découvertes et connaissances, mais je retiens l’aspect sociologique puisqu’il aboutit sur la situation actuelle et en gros, tu dis : la viande est un truc de riches.
On le voit bien dans le documentaire L’adieu au steak où l’on voit notamment un “nouveau riche” chinois qui déclare manger un nombre ahurissant de portions de viande rouge par semaine, se relevant même la nuit pour en manger, signe ultime pour lui de réussite sociale.

Tu poses ensuite le problème que le végisme serait indifférent à l’homme, problème auquel j’opposais plusieurs réflexions :

1) Le végisme est-il néfaste pour l’individu qui le pratique ?
A cela, de nombreuses académies de médecine affirment qu’une alimentation végétale est possible et bénéfique pour tous. Le PNNS n’y figure toutefois pas, et on peut se demander pourquoi.
D’un autre côté, de plus en plus d’études démontrent que nos maladies modernes occidentales sont liées à notre alimentation : accidents cardio-vasculaires, diabète de type II, certains cancers, sont dus à nos excès de produits animaux. Reste à définir ce qu’est un excès, chacun aura son idée, mais ce qui est sûr c’est que ne plus consommer de produits animaux ne nuit pas (cf lien ci-dessus) et que donc végétaliser l’alimentation ne peut être que bénéfique pour l’être humain et de toute façon pas néfaste.
J’ajoute que les conditions d’élevage actuelles envoient un nombre non négligeable de gens à l’hôpital voire à la morgue (cf L’Adieu au steak, plus haut).
Donc il n’y a sur ce point pas d’argument pour dire qu’améliorer la condition animale empirerait la condition de l’homme.

2) Le végisme est-il néfaste pour l’individu qui ne le pratique pas ?
A part la sévère contrariété engendrée chez certains carnistes à l’idée que d’autres ne mangent que des végétaux, j’aurais tendance à trouver que non.
Et à questionner le système carniste : actuellement les éleveurs sont une des professions dans laquelle on se suicide de plus, et ce n’est pas le fait du végisme, mais bien des grands groupes qui, à l’instar de Bigard imposent une consommation de masse et peu chère pour avoir encore et toujours plus d’argent et être le maître du monde, quitte à broyer la base, l’éleveur. A grands renforts de publicités et autres pratiques qui inciteront le consommateur à vouloir toujours plus de produits animaux (je pense qu’il suffit de comparer l’alimentation des foyers des années 50-60 à la nôtre).
Ce système demande aussi à des individus de tuer à la chaîne ou d’envoyer ces animaux se faire tuer à la chaîne ; je ne suis pas persuadée que ces personnes ne soient pas elles aussi des victimes ignorées de ce système, le végisme peut donc aussi être vu comme une amélioration du sort de ces personnes : on ne demanderait plus à quiconque de faire une telle tâche.
On peut aussi voir comment les éleveurs de volaille sont traités par le système dont ils participent, dans Super size me II, de Morgan Spurlock.
Donc là aussi, on peut dire que le végisme serait plutôt une amélioration pour au moins certains individus, mais peut-être auras-tu des exemples de nuisance ?

3) Manger végétal appauvrit-il le foyer ?
A part les plats pré-cuisinés affichant “vegan” en tête de gondole, l’alimentation végétale est bien moins onéreuse que l’alimentation à base de produits animaux, il suffi de regarder le prix du fromage et de la viande. Manger végétal ne signifie pas “remplacer tout ce qu’on connaît par des ersatz végétaux très chers”.
De plus, étant donné que ces plats pré-cuisinés et ces ersatz sont consommés par un nombre moindre de gens qui consomment les produits animaux, on peut gager que le prix de revient pour le producteur n’est pas le même et les subventions non plus. Un peu de la même façon que les produits au blé sont bien moins chers pour le consommateur que les produits que son homologue intolérant au gluten peut acheter.
Manger végétal suppose un changement des habitudes alimentaires, même si l’industrie actuelle profite de la vague pour proposer les mêmes produits mais végétaux et très chers. Au consommateur de ne pas être dupe.
Mais un plat de lentilles avec des pommes de terre et quelques légumes pour les accompagner sera toujours moins cher qu’un steak avec des pommes de terre et quelques légumes pour les accompagner, et meilleur pour le taux de triglycérides et autres boucheurs d’artères.
Quant au goût, considération hautement individuelle s’il en est, n’aie crainte : la cuisine végétale est une cuisine très goûtue et ces lentilles ne seront pas fades mais agrémentées d’épices, oignons, ail… avec un palais qui apprend de plus en plus à apprécier la cuisine végétale, car c’est aussi une question d’éducation.

4) Le végisme nuit-il aux causes humaines ?
a) Déjà, je reste toujours étonnée du nombre de gens qui pensent que si l’on est végiste, on est anti-humain ou qu’à tout le moins on s’en fiche. Il faudrait peut-être que les carnistes se défassent de l’image du misanthrope qui n’aime que son chien (et qui, au passage, de toute façon, mange de la viande) ! On peut vouloir arrêter d’exploiter les animaux et vouloir arrêter d’exploiter l’homme, et d’ailleurs je pense que si ça bloque c’est que les carnistes ont du mal à comprendre que l’homme est lui-même un animal, sauf quand c’est pour sortir leurs histoires de canines.
Rien n’interdit de s’investir dans le végisme et de vouloir améliorer les conditions humaines.
b) Tu l’as dit toi-même, le carnisme est un signe de richesse, et si on y regarde de plus près, je pense qu’on va vite trouver que pour proposer de la viande aux plus riches, on exploite les plus pauvres (cf par exemple les “sans terre” en Argentine, qu’on extermine carrément). Mais bizarrement, les carnistes ne remettent que rarement en cause leur mode alimentaire et le rôle de celui-ci dans le bien-être des autres humains, préférant se dire que celui qui aime les bêtes n’aime pas les hommes. On pourrait lui rétorquer que qui n’aime pas les bêtes n’aime pas les hommes.
Ceci dit, tant en ce qui concerne les animaux non humains que les humains, mon éthique ne se base pas sur l’amour que je pourrais avoir pour eux, mais plutôt sur le respect et sur l’envie d’un monde avec le moins de souffrance possible (et ajoutons le fait de ne pas vouloir participer à ce que je trouve être très loin de l’idée que je me fais de ce qui est humain, à savoir tout ce qu’il faut faire ou faire faire pour pouvoir consommer des produits animaux) ; je ne peux bien entendu parler que pour moi sur ce point, mais gageons que d’autres végistes sont sur le même mode.
c) Et le plus important, selon moi, Gandhi l’a dit : “The greatness of a nation and its moral progress can be judged by the way its animals are treated”. Je pense que si, en tant que société, on traite correctement les êtres sentients, on traitera mieux tous les êtres sentients, et donc les humains, qu’on ne les traite dans un système qui autorise voire banalise la torture dès lors qu’elle est produite sur un animal de bouche et estimée comme nécessaire.
Et bien entendu, que mieux l’humain ira, mieux l’animal s’en portera, cela va dans les deux sens : il est plus facile d’être bienveillant quand on a reçu de la bienveillance. Cela renforce ma conviction qu’opposer bien-être humain (qui est un animal) et bien-être animal non humain ne rime à rien, et que cette opposition n’est motivée que par la peur qu’un individu a à y perdre son plaisir gustatif, ses habitudes, son besoin de réassurance à être “au-dessus” des autres animaux.


Pour finir, je dirais que le végisme est la seule cause* dont on accuse ses militants de ne pas plutôt s’occuper d’autre chose, fut-ce d’écologie ou l’être humain, de choses qui concernent plus directement l’individu carniste, en somme et qui seraient, selon lui, plus morales ou à tout le moins plus importantes, plus prioritaires.
Hors du fait, comme je l’ai montré plus haut, que le végisme ne s’oppose, en rien, ni à l’écologie ni aux causes humanitaires, j’aimerais savoir ce qui empêcherait de s’occuper des causes humaines tout en ayant et prônant un mode de vie végiste ? Être carniste n’empêche pas le temps pris pour faire ses courses, se faire à manger, de discuter, etc., où serait la différence ?

Je vois juste que le végisme et l’idée simple d’un changement d’habitudes grattent tellement les carnistes que la première (et parfois seule) réaction qui leur vient, c’est l’attaque, et de préférence sur un truc moral (hein ? manger des animaux c’est pas respecteux ? je serais méchant ? comment l’autre il pourrait être méchant, hein ? je sais, je vais lui dire qu’il n’aime pas les gens), même si ça n’a pas de sens de mettre ça en opposition au végisme : comme l’a écrit Montaigne, “on n’a pas un cœur pour les hommes et un cœur pour les animaux, on a du cœur ou on n’en a pas”, et c’est à prendre dans les deux sens.


Et pour finir vraiment, je ne saurais que te conseiller la lecture des cahiers antispécistes qui répondront à nombre de tes interrogations factuelles, éthiques et écologiques (d’ailleurs sur ce dernier point, l’élevage est clairement un problème, je pense que même les carnistes auront du mal à nier cela).


*edit : en fait je ne pense pas que ce soit la seule, mais les autres doivent être du même type (abolition de l’esclavage, émancipation des femmes, etc., tout ce qui pourrait coûter par rebond à l’interlocuteur, en somme)

Gabriel Ombre dit : s'occuper du bien être animal sans voir que celui des humains ne va pas si bien que ça.

 

j'aurais aussi pu tout simplement te demander : pourquoi penses-tu cela ?

Peut être par désespoir.

C’est l’histoire d’un brave gars qui n’avait pu trouver mieux que de travailler dans un abattoir, terme le plus approprié pour qualifier ce qui se passe à l’intérieur, pour les bêtes comme pour les humains qui, peut à peu, à force de revêtir leur tablier, laissent tous leurs sentiments aux vestiaires.

C’est l’histoire de cette femme, atteinte d’une grave maladie des os, qui avait trouvé comme seul moyen pour survivre, de trier les poussins et d’envoyer au hachage tous ceux qui avaient la marque, au milieu des pépiements des victimes à peine sortis de l’oeuf, sans qu’elle puisse en sauver un seul.

Ces métiers rendent fous mais c’est parfois les seules choses qu’on propose à ceux qui n’ont pas de qualification et qui sont encore trop jeunes pour profiter d’une retraite.

J’ai entendu leurs récits, leurs mots de souffrance, de peurs et de cauchemars… et leur condition dont la dignité est toute dissimulée par la pauvreté envahissante et leur regard qui, dans un éclat si faible, cherche un peu de chaleur, d’écoute et d’aide.

Pour eux, comme pour tous ceux de ma campagne qui ont échoué loin des villes, dans cette nature si riante au printemps mais dont les drames se lisent sur les êtres cassés par la vie, je ne peux me contenter d’un discours purement écologiste.

Alors, je serai végiste, je me dirai aussi que mon discours, ce ne serait pas la priorité du moment, qu’il y a des urgences plus pressantes que de philosopher mais que, bien sur, toute l’aide que je pourrai apporter serait quand même empreinte de réponses adaptées à mes convictions.

Mais retaper une vieux break diesel pour qu’une famille puisse aller travailler et conduire les enfants à l’école quand il fait mauvais, quelque part, ça me heurte, mais personne ne nous offre d’alternative alors faute de mieux, on peut au moins faire ça.

Parce que les aides, les rares subventions qu’on octroie à l’association pour laquelle je partage mes moments plus libres, ça part dans le rafistolage plus que dans la mise en pratique de toutes nos théories. Et le pire, c’est d’entendre toutes les critiques sur les assistés. S’ils savaient combien ça peut permettre de redonner un d’espoir en l’humanité et qu’il y a entre eux beaucoup plus de solidarité qu’on en trouvera jamais dans les beaux quartiers.

Et pourtant, on arrive à faire passer des messages en proposant par exemple de mettre en place des potagers avec des formations aux techniques responsables de culture et que ça marche.

Dois-je leur reprocher d’avoir des chiens, des chats alors qu’en tant que membre de la LPO, je connais leurs dégâts sur la faune ? Et le poulailler qui leur offre quelques oeufs, admirablement tenu avec un prénom pour chacune d’entre elles et dont aucune n’a jamais fini plumée ?

Ce n’est pas si simple. J’aurais un peu de mal à les renvoyer à des liens internet. Faut pas le prendre mal, surtout. C’est la réalité. Et de toute façon, internet, c’est un peu une grande inconnue pour eux.

Alors, ça donne des microcosmes de société, qui vivent presque en autarcie pour diverse raisons.

Je me dis aussi qu’un végiste pourrait leur apprendre bien des choses mais qu’il devrait quand même laisser quelques remarques dans sa poche.

Je ne souhaite pas culpabiliser ceux qui ont moins de problèmes de fin de mois, ceux qui collectionnent les boîtes de jeu et dépensent leur argent dans le financement participatif. Après tout, ils ne font rien de mal et ils ont le droit de se faire plaisir. Mais qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas les derniers sur l’échelle sociale.

Et ma seule richesse avec eux, c’est de leur être utile : de servir d’écrivain public ou d’avocat devant l’administration, de gérer leurs dossiers d’endettés.  Sans compter que, comme bien d’autres, j’y suis aussi de ma poche, pour faire un peu plaisir quand c’est possible.

Les seuls pour qui ils voteraient, ce serait pour ceux qui les aident et d’ailleurs, ça avait bien fonctionné aux municipales. Et pourtant, je suis comme les autres, loin d’être un héros.

Alors, c’est d’abord l’urgence et puis un peu après, c’est aussi un peu les remettre sur les chemins du savoir : lire, écrire, réfléchir… A partir de là, proposer des solutions écologiques devient vraiment possible et je crois qu’au moins les principes végétariens y trouveraient une écoute attentive.

C’est un long chemin, n’est ce pas ?

Alors, je suis loin de pratiquer le “en même temps”, mais aller vers une société qui adopterait une forme de coopération entre les humains, les autres espèces et la nature, ça aurait plus de gueule qu’une simple image d’Epinal.

Et puis, Epinal, c’est un peu loin pour moi, mais je sais qu’il s’y passe des choses intéressantes.

Donc, voilà ma réponse à ta question, Proute. N’y voit pas du misérabilisme, de la condescendance ou une forme de provocation. C’est juste un témoignage.

Et c’est pour cela que j’ai si peu de certitudes. En fait, j’en ai une seule : celle qu’aider mes semblables, c’est m’aider moi même.



Malgré cette description poignante des gens que tu accompagnes (servie par un talent de plume indéniable, au passage - normal pour un écrivain public, tu me diras^^), je pense que tu perpétues là - même en filigrane - cette confusion voulant que les végé(tariens ou taliens) “méprisent” les carnistes, se sentent supérieurs à eux, les tiendraient pour responsables de la souffrance animale et souhaiteraient qu’ils “changent”.

Or c’est vraiment faux. Pour tous ceux que je connais - et tous ceux que je lis sur ce fil - les végés n’en veulent absolument pas aux gens/carnistes/omnivores/etc (ou alors aux chasseurs les plus bas du front), mais bien au système qui sous-tend ce mode de consommation. Dès lors, cette question systémique - et donc sociale - est au cœur de la philosophie et des choix de vie végé (d’autant plus pour les végans).

Donc il n’est pas question pour eux de fouler au pied la façon dont vivent des gens, surtout les plus précaires. Au contraire : la consommation de viande excessive est tout autant un symptôme d’une société malade de son consumérisme que la misère économique, sociale et affective qui frappe tant de populations - dont ceux que tu aides avec tant d’ardeur.

Bref, pour faire simple : le végétalisme - et même l’antispécisme - est un humanisme ! Et je pense que beaucoup ici - et ailleurs - partagent tes préoccupations et ton constat sur le monde, notamment sur les plus fragilisés d’entre nous.

Gabriel – et tout le monde d’ailleurs –, je pense que la série de vidéos “Votre éthique en 2 minutes” sur YouTube t’intéressera grandement, car elle répond à pas mal de questions/réflexions que tu soulèves, et sans doute mieux et plus concisément que ce dont nous serions capables ici.

C’est un contenu que je ne me lasse pas de recommander – tout comme les cours de Richard Monvoisin, sur un autre créneau.

Mais Gabriel, on dirait que tu penses qu’étendre ta compassion aux autres êtres sentients amoindrirait celle que tu as pour les êtres humains ?

Alors ça…

Franchement, je ne sais pas. Mon intuition me dit que le coeur est assez grand pour tout accueillir mais j’ai tellement appris à douter que la compassion n’a pas réellement d’influence sur moi.

Par contre, l’empathie, oui. C’est un phénomène étrange, que je n’explique pas, qui me fait ressentir la souffrance de l’autre, même à distance : une intonation de voix, une image, un visage, un regard suffisent.

Alors oui, j’ai été testé HPE et ça explique sans doute qu’on puisse avoir des difficultés à me comprendre. Rassurez-vous, c’est la même chose pour moi :wink:

Mais honnêtement, non, je pense que celui qui a de 'empathie pour les humains en a aussi pour d’autres animaux… pour tous les animaux, c’est une autre affaire. Et ça doit fonctionner dans les 2 sens.

Après, je sais aussi qu’il y a des empathies sélectives, dûes autant à des raisons sociales que psychologiques. L’affect est une donnée très importante dans l’explications des comportements humains, je ne t’apprends rien.


Proute dit : 

je ne résiste pas surprise

Moi aussi je ne résiste pas en fait. surprise

Donc on commence et direct, on pose les bases : les carnistes sont des croyants (déjà lol non?) mais surtout ce sont des  gros débiles qui se croient au sommet de cette prétendu pyramide, et SURTOUT, les mâles blanc et hétéros.

Putin rien que la ça envoie du pâté ! (de tofu le pâté hein, camez vous).

Et la personne ne pipe un mot. C'est quand même ultra cocasse.

On est sur la première bulle de l'article et c'est déjà sexiste, raciste et hétérophobe. Mais tant que c'est toujours les mêmes qui trinquent ça PASSE CREME ! J'en ai eu mal aux abdo putin.

Mais la j'me dit c'est bizarre il manque un p'tit qqchose.

T'inquiète frere ça viens.

Bah ouai si tu tape pas sur l'Eglise c'pas normal. Mais il arrive, tranquillement, l'anticatholicisme primaire.

Bon puis une fois le boulot fait on enchaine sur du mépris, de la condescendance et de la caricature. Bon normal, rien de nouveau sous le soleil.

Mais voir autant de certitude et de mépris en un article, c'est beau. Ce qui encore plus beau, et c'est la que j'ai des crises de foie de ouf, c'est quand je voit ceux qui crient au génie. Et quel génie putin. Chapeau bas. Mort de rire.

Quand vous lisez ses torchons, vous laissez vos cerveaux dehors ou quoi ? ou on ne vous a jamais appris l'esprit critique ?
Hahaha, allez dites que je suis aussi méprisant etc..etc.. mais ce qui est sur c'est que je n'arrive pas à la cheville de cet article.

PS : Miss Proute on pourrais limite croire que c'est toi qui à écrit l'article, car franchement le passage sur l'infirmier qui bouffe son entrecôte et part ensuite à la SPA, c'est.... jamais on parle d'infirmier frangine, dans l'inconscient collectif c'est un métier féminin. Bizarre de mettre un homme dans ce rôle. Enfin bref osef en fait.

Lymon Flowers dit :

À titre personnel, ce sont les images de l'abattoir d'Alès qui m'ont ouvert les yeux et mis face à mes responsabilités, sans elles je serais peut-être toujours omnivore.  Et je suis loin d'être le seul dans ce cas.

Bienvenue dans le monde réel Neo. Tu as pris la bonne pilule.
 

Ah, Nicky… Aimes-tu tant te faire flageller qu’il faut venir provoquer Proute ? Elle a du répondant, tu sais, et dans son style, je dois bien admettre qu’elle se défend bien.

Bon, après avoir dit cela, on doit aussi prendre un peu de recul par rapport à nos discours, le tiens, le miens, celui de Proute et les autres aussi.

On suit nos chemins pavés d’incertitudes avec l’assurance au tiers : nos expériences, nos rencontres, tout ce qui nous a construit et aussi quelque peu détruit, parfois.

Et sur la route de nos destins, nous rencontrons encore d’autres spécimens de notre espèce qui parfois pointent le doigt sur quelque chose qui semble clocher sur notre carrosse. Mais comme il faut bien avancer et qu’on ne va pas s’arrêter toutes les 5 minutes vérifier si le coffre existentiel est bien fermé, on fait comme si de rien n’était ou on feint cette attitude d’éternel éclaireur de phare.

Alors parfois, le doigt, il appuie un peu fort et ça fait mal à notre égocentrisme naturel, lequel n’aime qu’être caressé dans le sens du poil, sans mauvais jeu de mots ni d’idée graveleuse sous jacente.

Et là, il faut quand même lui dire, à l’inopportun, qu’il ne pointe pas dans la bonne direction et que la lune, c’est plus haut, là aussi sans vilain sens caché.

Alors peu m’importent ma dialectique, mes sophismes et les autres bagages qui pèsent sur les amortisseurs de ma patience et le châssis de ma sérénité : je constate que le végisme n’est pas mon ennemi, qu’il ne me menace pas et que donc, j’ai vraiment peu d’intérêt à aller chatouiller ses disciples pour des motifs plus que futiles, tant qu’ils ne me brûlent pas au bûcher.

C’est un peu comme les Témoins, ceux qui pensent avoir vu, et qui viennent courageusement sonner à mon portail le dimanche matin, à l’heure ou je feignasse grassement. Et à chaque fois, je les invite à entrer et constater ô combien je vis dans la quiétude béate alors que contrairement à eux, je ne vois absolument rien. Mais bon, ils font oeuvre évangélique et me laissent toujours un petit cadeau en forme de message d’amour.

- Croyez-vous en Dieu ?
- Bien sur, puisque vous m’en parlez.
- Et au Diable ?
- Evidemment puisque sa réalité nait de votre message. Mais je crois aussi que les pierres parlent…
- Pardon, je ne comprends pas.
- C’est que, voyez-vous, vous n’allez pas jusqu’au bout de votre démarche.
- Oui, mais la pierre ?
- La pierre est sans doute la forme parfaite de la philosophie : elle est et témoigne, sans juger ni punir, elle ne tente pas de convaincre mais sa présence nous remet à notre place. Nous ne lui parlons pas car nous n’avons rien d’intéressant à lui dire et leur langage nous est inaudible car il se situe bien au dessus de nos basses coutumes.
- C’est n’importe quoi.
- Vous voyez, en plus, elle domine en toute discrétion. trop fort, trop puissant. Un autre café ?

Alors, me direz-vous, quel est le rapport avec le végisme ?

Chacun se nourrit de sa bonne parole, celle qui vient rassurer, surtout quand la voie prise n’est pas si simple et parfois même à sens unique.

Alors je laisse Proute en paix. Elle vit bien comme elle a choisi.

Et son discours ? Ah oui… un autre café ?





Gabriel Ombre dit :Ah, Nicky... Aimes-tu tant te faire flageller qu'il faut venir provoquer Proute ? Elle a du répondant, tu sais, et dans son style, je dois bien admettre qu'elle se défend bien.

[.....]

Alors peu m'importent ma dialectique, mes sophismes et les autres bagages qui pèsent sur les amortisseurs de ma patience et le châssis de ma sérénité : je constate que le végisme n'est pas mon ennemi, qu'il ne me menace pas et que donc, j'ai vraiment peu d'intérêt à aller chatouiller ses disciples pour des motifs plus que futiles, tant qu'ils ne me brûlent pas au bûcher.

[....]

Alors je laisse Proute en paix. Elle vit bien comme elle a choisi.


 

Je rebondis sur 3 points de ton discours.

1. Boarf, elle ne réponds à rien venant de moi, je suis l'incarnation du mal, euh, du mâle blanc cisgenre qu'elle aime rendre responsable de tous ces maux (surtout qu'elle n'a toujours pas compris que ce n'est pas le fond que je critique mais la forme). Son répondant je ne l'ai constaté qu'en silence (normal le silence est d'or ou ça ne sert à rien de parler aux cons ça les instruits blablabla... pas la peine on connait). Ces sbires, en revanche, sont bien plus loquasse.


2. Le vegisme n'est pas mon ennemi non plus, je n'ai d'ailleurs jamais sous entendu cela. MAIS ça ne veut en aucun cas dire que les veginistes, eux, soient mes amis. Quand je croise, quand j'écoute, ou quand je lis leurs réaction quand à mon régime omnivore assumé, j'ai parfois l'impression que nous ne sommes pas dans la bienveillance mutuelle. Tu vois dans un monde entièrement véginiste je ne suis pas si sur que je ne finirai pas au bucher.


3. Elle vit effectivement comme elle le souhaite, ce n'est pas moi qui souhaite changer son mode de fonctionnement ou qui remet ses croyance en question. Il ne faut pas inverser les rôles. Proute viens ici pour parler idéologie et propager ce qu'elle considère comme la bonne parole, la bonne morale. Elle s'expose donc aux argumentaires de ses détracteurs, et à leurs éventuelles réaction, aussi épidermiques fussent elles (surtout quand on sors un torchon de ce style).

Pour qui ça intéresse, je mets ici les 5 premiers épisodes de “Votre éthique en 2 minutes”

Choix personnel
Végane pour le goût
Végane pour la planète
Végane pour la santé
Végane pour le titre

Merci, c’est pas mal du tout comme chaîne. Synthétique et clair. Bonne pioche

Intéressant !  C’est plutôt synthétique en effet, il faut vraiment commencer par le premier épisode qui pose des bases de vocabulaire.  J’aime bien l’idée de se concentrer sur un aspect vraiment très précis de l’éthique vegan et d’aller à l’essentiel en 2mn.

Certaines vidéos me font penser au livre pointé ici par jmguiche, L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine.

Govin dit :
 



Je ne cherche pas à polémiquer, je veux juste montrer que tu te coupes inconsciemment d'une partie de la réalité, celle qui veut que ton "poulet fermier" a finalement subi les mêmes atrocités terminales que les "poulets industriels".
Certes, elle aura vécu 80 jours au lieu de 40, et ne se sera pas écorché les pattes sur du béton ou sur des congénères morts, mais sur de l'herbe bien verte (pour la photo). Ca reste peu pour un animal qui peut vivre de 5 à 10 ans.

C'est la même chose pour bon nombre de végétaux (pas tous évidemment) : ils sont cultivés dans le seul et unique but d'être détruit pour être mangé. La finalité est la même. 
La seule différence reste donc sur le plan de la souffrance. La finalité de l'agriculture animale entraîne une souffrance individuelle ce qui n'est pas le cas de l'agriculture végétale. Mais dans les deux cas (avec quelques exceptions), on détruit du vivant pour manger (et dans les deux cas, du vivant qu'on a expressément conçu dans ce but).
Et tous les animaux omnivores et carnivores font souffrir pour se nourrir. Donc ce n'est pas une spécificité humaine. 
Et si tu me rétorques que l'humain a conscience d'infliger une souffrance contrairement aux autres animaux, ça montre bien qu'il existe une différence fondamentale entre humains et animaux. Vouloir les mettre strictement sur le même plan est alors philosophiquement peu justifiable.

Proute dit :Mais Gabriel, on dirait que tu penses qu'étendre ta compassion aux autres êtres sentients amoindrirait celle que tu as pour les êtres humains ?

Pour moi, clairement oui. Ma femme m'a souvent répèté cette citation de Didier Bacquet : "L'amour ne de divise pas, il se multiplie. " 
Ça m'a toujours laissé sceptique et plus je vieillis, plus je suis persuadé du contraire. 
Ce qui ne signifie pas que tout le monde réagisse pareil, mais, typiquement, mettre en avant une souffrance animale plutôt qu'humaine, ce n'est pas anodin àmon sens. Le temps que tu passes à dénoncer cette souffrance animale, tu ne le passes pas à autre chose. Tu fais donc clairement un choix conscient. 
D'ailleurs, plus haut, tu as cherché à "justifier" ce choix par une citation de Ghandi. Or, clairement, de nombreuses civilisations ont montré qu'avoir de la compassion pour les animaux n'étaient en aucun synonyme de compassion envers les humains. 

La spécificité est un sujet extrêmement difficile à traiter sans une grande connaissance de différents courants de pensée philosophique, certains, comme le behaviorisme allant jusqu’à nier la conscience de soi, trop attachée à celle de l’esprit pour en faire un phénomène purement mécanique :

la morale de Kant et son impératif catégorique, Husserl et l’intentionnalité, sans parler de David Hume et son traité de la nature humaine, un vrai pavé bien dense fourni avec un tube de paracétamol… des savoirs, donc, qu’il faudrait synthétiser pour avoir une approche à peu près objective de la spécificité humaine.

Savoir si elle existe ou non n’a de sens que par la comparaison avec les autres espèces animales. Or, malheureusement, nos connaissances sur les langages, les rapports sociaux, les interactions avec le milieu, tout cela est relativement peu connu en ce qui concerne le monde animal. Déjà rien que pour notre espèce, c’est difficile de s’y retrouver tant les avis sont divergents et qu’on trouve des arguments de chaque côté des barricades.

Alors, comme je suis loin d’avoir un savoir encyclopédique et que beaucoup de choses échappent à mon esprit pourtant bien affuté, prenons des exemples pragmatiques, certes imparfaits, mais qui permettent des démonstrations bien pratiques et moins prises de tête :

La spécificité n’existe que si elle est partagée par l’ensemble des individus de la même espèce et qu’elle n’est pas révélée chez d’autres espèces.

Alors on a bien Rousseau qui entendait la conscience comme un instinct, entrainant de ce fait que la morale est de source naturelle.

Comme l’instinct est loin d’être une spécificité humaine, on pourrait déjà en conclure que les notions de bien et de mal ne sont pas étrangères à de nombreuses espèces d’animaux car sinon comment expliquer que les carnivores ne se dévorent pas entre eux, que beaucoup d’espèces élèvent leurs petits malgré les contraintes que cela implique ?

Même l’idée de mort n’est pas une spécificité humaine. Sinon, qu’est ce qui pousserait les proies à s’enfuir devant le danger ?

Alors évidemment, je passe par le biais de l’instinct et on pourrait me le reprocher mais à défaut de comprendre autrement les autres espèces animales, je ne sais pas expliquer autrement.

La sentience n’est d’ailleurs pas autre chose qu’un instinct : percevoir par les sens, de façon subjective et donc de ressentir ce qu’on peut qualifier d’émotions.

Donc, si on en revient au sujet du début, la conscience d’infliger une souffrance, c’est plus prosaïquement le sentiment de faire le mal, autrement dit contrevenir à une morale naturelle.

Qu’est ce qui empêche alors de passer à l’acte ? Est ce l’ignorance de cette morale naturelle ? Est ce plus simplement dû à une nécessité à une situation particulière ? Il n’existe pas de bras invisible pour éviter les drames.

Enfin si, il existe : ce sont toutes les constructions de l’esprit nées de tout l’imaginaire autour de forces supérieures, de la formalisation de concepts immatériels, plaqués sur des réalités, des situations, qui font la richesse des civilisations mais aussi qui causent leur perte.

Et le terme de civilisation est aussi une construction toute théorique mais bien sur avec des aspects bien concrets comme la hiérarchisation des individus par exemple.

Or la hiérarchie, ça existe aussi chez nombre d’espèces, ainsi que la spécialisation des tâches.

Donc, hélas, la spécificité humaine, objectivement, on n’en a pas des preuves concrètes.

Il ne faut pas non plus confondre cette notion de spécificité avec le rapport de forces engendré par une supériorité acquise par les humains dans certains domaines.

D’ailleurs on ferait mieux d’être plus modestes quand on s’aperçoit des dégâts que peuvent engendrer un simple virus sur nos vies alors que celles des autres espèces n’ont pas l’air autrement plus impactées.

Je ne dis pas que les virus n’atteignent pas toutes les espèces. Je dis plus simplement que les répercussions dans leur globalité ne sont pas les mêmes.

Alors, opposer aux végistes les spécificités humaines qui engendreraient une supériorité sur les autres espèces et donc une sorte de droit divin à disposer d’elles, ce n’est pas très sérieux et c’est trop facilement opposable.

D’ailleurs, et j’en conclurai aujourd’hui par cela, la série des vidéos “votre éthique en 2 minutes” est surtout une boîte à outils pratique pour que les végistes trouvent une parade raisonnée à des arguments bien trop stéréotypés.

Alors, évidemment, comme tout dogme, le végisme est une construction de discours. Celui là a au moins le mérite de tenir la route, philosophiquement parlant.

Après, il y a ce rapport d’égalité entre espèces que personnellement je trouve beaucoup trop cloisonné dans le sens ou chaque espèce pourrait vivre indépendamment des autres et qui n’est ni manifeste dans l’histoire, ni révélée dans la nature. Fort heureusement, cela n’est partagé que par un tout petit nombre de végistes, que je n’ose à peine appeler fondamentalistes mais plutôt extrémistes.

Je crois plus en une certaine collaboration instinctive, naturelle, entre espèces. Alors, suivant les circonstances, et la faim et les contingences naturelles en sont, cela entraine des souffrances, des rapports de forces qui nuiront à certains individus. Mais, dans ce sens, je ne trouve pas qu’il y a exploitation.

Je crois aussi que les sociétés humaines ne parviendront à cet équilibre relationnel avec les autres espèces que si, au sein d’elles mêmes, l’exploitation de certains par leurs semblables s’atténue considérablement, que le savoir soit beaucoup mieux partagé et que les castes de privilégiés disparaissent.

Je vous remercie pour votre attention :slight_smile:





Gabriel Ombre dit :

Je crois aussi que les sociétés humaines ne parviendront à cet équilibre relationnel avec les autres espèces que si, au sein d'elles mêmes, l'exploitation de certains par leurs semblables s'atténue considérablement, que le savoir soit beaucoup mieux partagé et que les castes de privilégiés disparaissent.
 

Généralement je ne parle jamais de mes convictions personnelles ici, mais je vais faire une exception. Car se point me paraît on ne peut plus nécessaire, voir primordiale, si l'on souhaite arriver à un respect mutuel entre les espèces.

Qu'on ne souhaite plus manger de viande pour ne plus causer de souffrance je le comprends aisément. Mais quand les végans boycott tout ce qui provient de l'animal pour éviter leur exploitation, je trouve cela démesuré. Pour plusieurs raisons que je ne développerais pas ici.

Simplement, quand certains ici avance ces idées et acceptent de vivre dans un monde qui exploite avant tout ses semblables, ou pis encore, que certains ont des job RH ou assimilé... beurk. Ressource Humaines. Depuis quand les être humains sont des ressources ? Comme du bois, du pétrole ou des minéraux.

Bref tout ça pour dire qu'avant de s'occuper des autres ont ferais déjà bien de s'occuper de nous même.
Et comme le dit Loic, on ne peut malheureusement pas être partout.