Arg. J’étais à la fin de mon long long long post quand pouf, j’ai fait une mauvaise manip, je suis trop contente. 
Je vais essayer de reprendre le tout, mais pffff… ce ne sera pas aussi développé que je l’avais fait, malheureusement.
Tout d’abord, Gabriel, je te remerciais pour le changement de ton. 
Et végisme, tu as raison, est plutôt bien choisi, pour notre discussion tout au moins, en tout cas j’aime bien le terme.
Aaaaalors, tu dis plusieurs choses dans ton post ci-dessus.
Je vais te répondre en parlant de nous, notre société occidentale en climat tempéré, non pas des inuits ou des sociétés anthropophages ou je ne sais quelle autre exception fallacieuse dès lors que nous parlons de nos pratiques à nous.
D’abord sur le passé alimentaire de nos semblables. Il y a beaucoup à en dire et beaucoup d’hypothèses sont faites, qui changent au fil de nouvelles découvertes et connaissances, mais je retiens l’aspect sociologique puisqu’il aboutit sur la situation actuelle et en gros, tu dis : la viande est un truc de riches.
On le voit bien dans le documentaire L’adieu au steak où l’on voit notamment un “nouveau riche” chinois qui déclare manger un nombre ahurissant de portions de viande rouge par semaine, se relevant même la nuit pour en manger, signe ultime pour lui de réussite sociale.
Tu poses ensuite le problème que le végisme serait indifférent à l’homme, problème auquel j’opposais plusieurs réflexions :
1) Le végisme est-il néfaste pour l’individu qui le pratique ?
A cela, de nombreuses académies de médecine affirment qu’une alimentation végétale est possible et bénéfique pour tous. Le PNNS n’y figure toutefois pas, et on peut se demander pourquoi.
D’un autre côté, de plus en plus d’études démontrent que nos maladies modernes occidentales sont liées à notre alimentation : accidents cardio-vasculaires, diabète de type II, certains cancers, sont dus à nos excès de produits animaux. Reste à définir ce qu’est un excès, chacun aura son idée, mais ce qui est sûr c’est que ne plus consommer de produits animaux ne nuit pas (cf lien ci-dessus) et que donc végétaliser l’alimentation ne peut être que bénéfique pour l’être humain et de toute façon pas néfaste.
J’ajoute que les conditions d’élevage actuelles envoient un nombre non négligeable de gens à l’hôpital voire à la morgue (cf L’Adieu au steak, plus haut).
Donc il n’y a sur ce point pas d’argument pour dire qu’améliorer la condition animale empirerait la condition de l’homme.
2) Le végisme est-il néfaste pour l’individu qui ne le pratique pas ?
A part la sévère contrariété engendrée chez certains carnistes à l’idée que d’autres ne mangent que des végétaux, j’aurais tendance à trouver que non.
Et à questionner le système carniste : actuellement les éleveurs sont une des professions dans laquelle on se suicide de plus, et ce n’est pas le fait du végisme, mais bien des grands groupes qui, à l’instar de Bigard imposent une consommation de masse et peu chère pour avoir encore et toujours plus d’argent et être le maître du monde, quitte à broyer la base, l’éleveur. A grands renforts de publicités et autres pratiques qui inciteront le consommateur à vouloir toujours plus de produits animaux (je pense qu’il suffit de comparer l’alimentation des foyers des années 50-60 à la nôtre).
Ce système demande aussi à des individus de tuer à la chaîne ou d’envoyer ces animaux se faire tuer à la chaîne ; je ne suis pas persuadée que ces personnes ne soient pas elles aussi des victimes ignorées de ce système, le végisme peut donc aussi être vu comme une amélioration du sort de ces personnes : on ne demanderait plus à quiconque de faire une telle tâche.
On peut aussi voir comment les éleveurs de volaille sont traités par le système dont ils participent, dans Super size me II, de Morgan Spurlock.
Donc là aussi, on peut dire que le végisme serait plutôt une amélioration pour au moins certains individus, mais peut-être auras-tu des exemples de nuisance ?
3) Manger végétal appauvrit-il le foyer ?
A part les plats pré-cuisinés affichant “vegan” en tête de gondole, l’alimentation végétale est bien moins onéreuse que l’alimentation à base de produits animaux, il suffi de regarder le prix du fromage et de la viande. Manger végétal ne signifie pas “remplacer tout ce qu’on connaît par des ersatz végétaux très chers”.
De plus, étant donné que ces plats pré-cuisinés et ces ersatz sont consommés par un nombre moindre de gens qui consomment les produits animaux, on peut gager que le prix de revient pour le producteur n’est pas le même et les subventions non plus. Un peu de la même façon que les produits au blé sont bien moins chers pour le consommateur que les produits que son homologue intolérant au gluten peut acheter.
Manger végétal suppose un changement des habitudes alimentaires, même si l’industrie actuelle profite de la vague pour proposer les mêmes produits mais végétaux et très chers. Au consommateur de ne pas être dupe.
Mais un plat de lentilles avec des pommes de terre et quelques légumes pour les accompagner sera toujours moins cher qu’un steak avec des pommes de terre et quelques légumes pour les accompagner, et meilleur pour le taux de triglycérides et autres boucheurs d’artères.
Quant au goût, considération hautement individuelle s’il en est, n’aie crainte : la cuisine végétale est une cuisine très goûtue et ces lentilles ne seront pas fades mais agrémentées d’épices, oignons, ail… avec un palais qui apprend de plus en plus à apprécier la cuisine végétale, car c’est aussi une question d’éducation.
4) Le végisme nuit-il aux causes humaines ?
a) Déjà, je reste toujours étonnée du nombre de gens qui pensent que si l’on est végiste, on est anti-humain ou qu’à tout le moins on s’en fiche. Il faudrait peut-être que les carnistes se défassent de l’image du misanthrope qui n’aime que son chien (et qui, au passage, de toute façon, mange de la viande) ! On peut vouloir arrêter d’exploiter les animaux et vouloir arrêter d’exploiter l’homme, et d’ailleurs je pense que si ça bloque c’est que les carnistes ont du mal à comprendre que l’homme est lui-même un animal, sauf quand c’est pour sortir leurs histoires de canines.
Rien n’interdit de s’investir dans le végisme et de vouloir améliorer les conditions humaines.
b) Tu l’as dit toi-même, le carnisme est un signe de richesse, et si on y regarde de plus près, je pense qu’on va vite trouver que pour proposer de la viande aux plus riches, on exploite les plus pauvres (cf par exemple les “sans terre” en Argentine, qu’on extermine carrément). Mais bizarrement, les carnistes ne remettent que rarement en cause leur mode alimentaire et le rôle de celui-ci dans le bien-être des autres humains, préférant se dire que celui qui aime les bêtes n’aime pas les hommes. On pourrait lui rétorquer que qui n’aime pas les bêtes n’aime pas les hommes.
Ceci dit, tant en ce qui concerne les animaux non humains que les humains, mon éthique ne se base pas sur l’amour que je pourrais avoir pour eux, mais plutôt sur le respect et sur l’envie d’un monde avec le moins de souffrance possible (et ajoutons le fait de ne pas vouloir participer à ce que je trouve être très loin de l’idée que je me fais de ce qui est humain, à savoir tout ce qu’il faut faire ou faire faire pour pouvoir consommer des produits animaux) ; je ne peux bien entendu parler que pour moi sur ce point, mais gageons que d’autres végistes sont sur le même mode.
c) Et le plus important, selon moi, Gandhi l’a dit : “The greatness of a nation and its moral progress can be judged by the way its animals are treated”. Je pense que si, en tant que société, on traite correctement les êtres sentients, on traitera mieux tous les êtres sentients, et donc les humains, qu’on ne les traite dans un système qui autorise voire banalise la torture dès lors qu’elle est produite sur un animal de bouche et estimée comme nécessaire.
Et bien entendu, que mieux l’humain ira, mieux l’animal s’en portera, cela va dans les deux sens : il est plus facile d’être bienveillant quand on a reçu de la bienveillance. Cela renforce ma conviction qu’opposer bien-être humain (qui est un animal) et bien-être animal non humain ne rime à rien, et que cette opposition n’est motivée que par la peur qu’un individu a à y perdre son plaisir gustatif, ses habitudes, son besoin de réassurance à être “au-dessus” des autres animaux.
Pour finir, je dirais que le végisme est la seule cause* dont on accuse ses militants de ne pas plutôt s’occuper d’autre chose, fut-ce d’écologie ou l’être humain, de choses qui concernent plus directement l’individu carniste, en somme et qui seraient, selon lui, plus morales ou à tout le moins plus importantes, plus prioritaires.
Hors du fait, comme je l’ai montré plus haut, que le végisme ne s’oppose, en rien, ni à l’écologie ni aux causes humanitaires, j’aimerais savoir ce qui empêcherait de s’occuper des causes humaines tout en ayant et prônant un mode de vie végiste ? Être carniste n’empêche pas le temps pris pour faire ses courses, se faire à manger, de discuter, etc., où serait la différence ?
Je vois juste que le végisme et l’idée simple d’un changement d’habitudes grattent tellement les carnistes que la première (et parfois seule) réaction qui leur vient, c’est l’attaque, et de préférence sur un truc moral (hein ? manger des animaux c’est pas respecteux ? je serais méchant ? comment l’autre il pourrait être méchant, hein ? je sais, je vais lui dire qu’il n’aime pas les gens), même si ça n’a pas de sens de mettre ça en opposition au végisme : comme l’a écrit Montaigne, “on n’a pas un cœur pour les hommes et un cœur pour les animaux, on a du cœur ou on n’en a pas”, et c’est à prendre dans les deux sens.
Et pour finir vraiment, je ne saurais que te conseiller la lecture des cahiers antispécistes qui répondront à nombre de tes interrogations factuelles, éthiques et écologiques (d’ailleurs sur ce dernier point, l’élevage est clairement un problème, je pense que même les carnistes auront du mal à nier cela).
*edit : en fait je ne pense pas que ce soit la seule, mais les autres doivent être du même type (abolition de l’esclavage, émancipation des femmes, etc., tout ce qui pourrait coûter par rebond à l’interlocuteur, en somme)