La situation politique française actuelle est le résultat de 40 ans d’abandon des couches populaires par les grands partis politiques et particulièrement par la gauche.
A partir du milieu des années 1980, la rigueur budgétaire et la construction européenne ont primé sur tout. Il s’agissait de rester avec des finances qui ne s’effondraient pas et participer à bâtir un marché économique européen commun.
La droite historiquement et sociologiquement, parle aux nantis, aux possédants, aux riches, aux notables. Elle leur promet la stabilité sociale et la liberté de faire leurs affaires. Ok avec ça.
Le souci est que la gauche a trahi ses valeurs. Sous Mitterrand, il y avait encore une certaine couleur sociale. Sous Jospin, on a profité de la prospérité soudaine liée à l’émergence d’Internet pour avoir des années un peu moins tendues (c’est à cette époque qu’a été supprimée la vignette automobile, sous prétexte que les finances le permettaient, par exemple) mais sans creuser plus.
Hollande a été le fossoyeur de la gauche.
Ce qui s’est passé est que la gauche a totalement méprisé les classes populaires, basant son assise électorale sur les classes moyennes. Le calcul était que c’était les classes moyennes (employés, fonctionnaires, profs, cadres intermédiaires) qui se développaient le plus vite et que c’était un vivier électoral dont il fallait s’assurer les votes. Les ouvriers, les habitants des banlieues, ceux touchés par le chômage et la crise en premier lieu avaient un petit filet d’aides pour les maintenir à flot.
Surtout, les cadres politiques de la gauche étaient devenus incapables de parler aux couches populaires. Le dernier responsable politique issu du monde ouvrier était Bérégovoy. Tous les autres ont fait des études supérieures, Science-Po, l’ENA, Polytechnique. Cette rupture n’a fait que s’accentuer.
Quand Hollande arrive au pouvoir, la gauche contrôle la présidence, l’Assemblée, le Sénat, les régions. Bref, il avait les coudées franches pour rattraper le coup. Qu’est-ce qu’il fait ? Au lieu de bétonner les acquis sociaux, de travailler à redistribuer les richesses, à corriger les inégalités qui n’ont fait qu’exploser depuis 30 ans, à essayer de panser les plaies de crises économiques mais aussi sociales, il fait, comme première mesure de son quinquennat, le mariage pour tous. Personnellement, je n’ai rien contre, je trouve normal que tout le monde puisse vivre en couple comme il le souhaite avec les mêmes droits que tous les autres. Symboliquement, c’est aussi remettre la France en avant dans les luttes pour l’égalité.
Mais franchement. Ca concerne combien de personnes en France ? A côté de ça, il y a des millions de chômeurs, des gens qui ont pris la crise de 2008 dans la figure ou la politique anti-sociale de Sarkozy. C’est pas plus important de prendre soin des pauvres et des sans-grades ? Non. Après, il balance les lois El-Khomri, qui sont des cadeaux aux entreprises. Le rapport de force entre employés et patrons ne cesse de profiter à ces derniers.
Et pour finir qu’est-ce qu’il fait, il met le pied à l’étrier à un jeune banquier d’affaires arrogant qui va prendre sa place.
Alors forcément, quand tu as une droite qui joue son rôle, à dire que les méchants c’est les chômeurs parce qu’ils ne veulent pas bosser et que seuls les entrepreneurs ont le droit de ne pas payer d’impôts, que tu as une gauche qui fait du libéralisme à outrance pour plaire aux marchés et à une Europe de droite (vous en faites ce que vous voulez, mais il y a eu récemment dans Le Monde Diplomatique, un article de François Ruffin qui racontait comment Delors a abandonné l’idée d’une Europe sociale pour la laisser aux mains des industriels. C’est ici), les gens se sentent perdus. Quand en plus ces parties clament à chaque élection qu’ils ont compris la détresse des gens et qu’ils vont tout arranger en se montrant à l’écoute et exemplaires, puis que les faits démontrent l’inverse, ça rend furieux. Ajoutez à ça un réel déclassement social et un appauvrissement des classes moyennes, une précarité grandissante chez ceux qui étaient déjà en bas de l’échelle et voilà, tu as des électeurs désespérés prêts à tout essayer.
Le souci, est j’en suis intimement persuadé, est que le RN est absolument incapable et ne veut même pas résoudre les problèmes des gens. Ses dirigeants restent bloqués sur leur idéologie xénophobe, anti-libérale ou ultralibérale selon les saisons et sont essentiellement mus par la rancoeur et un esprit revanchard obtus.
Surtout, ils prétendent apporter la sécurité, mais depuis que la parole d’extrême-droite est libérée (ce qui a commencé déjà sous Sarkozy, rappelons-le) on a une montée, documentée et véritable, des actes violents de militants extrémistes.
Ce n’est pas en se recroquevillant sur soi, à ne plus écouter autre chose que le son de sa propre voix qu’on va arranger les choses. Malheureusement, la société actuelle, dirigée par l’idéologie capitaliste de la Silicon Valley ne fait que ça : des individus auto-centrés qui communiquent à leur groupe par Internet. Il n’y a plus d’échanges, plus d’ouverture, plus de lien. Et bientôt plus de société, j’en ai peur.