Aventuriers du Rail : Suisse - Super Simplon

Intro

Cet article fait partie d’un dossier essayant de couvrir la gamme des Aventuriers du Rail pour les 20 ans du jeu. Voici quelques liens :

Attaquons-nous désormais au plateau Suisse !

Les infos

:wrench: Alan R. Moon
:paintbrush: Cyrille Daujean, Julien Delval
:card_index_dividers: Boite seule (2007) puis Map Pack #2 avec l’Inde
:stopwatch: 30-60 minutes
:calendar: 2007

  • La fiche Tric Trac de la version 2007
  • La fiche du map pack avec l’Inde
  • Les règles sur le site de Days of Wonder


La première version parue en 2007, avec un simple plateau

La version multilingue de la nouvelle version avec la suisse associée dans un “map pack” à l’Inde

Les composants:

  • 46 cartes Destination
  • 1 plateau

En un coup d’oeil

Nb de joueurs Nb de wagons Nb de tickets dans le jeu Tickets à distribuer Tickets à piocher Bonus de fin de partie
2-3 40 46 Au moins 2 parmi 5 Au moins 1 parmi 3 Chemin le plus long

Rappel des règles spéciales

Tunnels

Les Tunnels sont des routes spéciales, reconnaissables à leurs contours spécifiques. Pour en prendre possession, le joueur joue d’abord le nombre de cartes de la couleur requise, comme à l’accoutumée. Puis il retourne les trois premières cartes du sommet de la pioche de cartes Wagon. Pour chaque carte ainsi révélée se trouvant être de la couleur des cartes utilisées pour traverser le Tunnel, le joueur doit maintenant rajouter une nouvelle carte Wagon de même couleur (ou une Locomotive).


Jaune joue 6 blancs pour prendre possession du tunnel vers Locarno. Il y a une locomotive parmi les 3 cartes piochées, il faut donc “payer” un blanc de plus.

Les tunnels sont une composante essentielle de la carte avec aussi de petites routes que des longs tronçons recouvrant le sud-est du pays. Les locomotives ne pourront être jouées que sur des tunnels, ce qui rend la gestion des routes traditionnels assez tendue, avec une offre de pioche ouverte moins attractive.
Certains tronçons, notamment autour de Sion sont particulièrement dangereux, ce qui peut amener à délaisser cette partie du plateau.

Pays voisins

Certaines cartes Destination indiquent le nom d’une zone (comme des pays voisins) à la place d’un nom de ville (ou des deux). Chaque route menant à une de ces zones est une voie sans issue qui ne peut donc servir de liaison entre villes. Des routes différentes menant à la même zone ne sont pas considérées comme connectées.

Les pays voisins sont un vrai moteur stratégique du jeu puisqu’un tiers des tickets sont connectés à un pays frontalier. Il y aura donc un intérêt à rayonner dans toutes les directions et chercher à trouver des cartes Destinations et, a contrario, d’empêcher l’adversaire d’établir toutes ces connexions.


Connexions vers l’Autriche et l’Allemagne.

Chemin le plus long

Le joueur qui a le chemin continu le plus long reçoit la carte bonus du Chemin le plus long et marque 10 points supplémentaires. En cas d’égalité entre plusieurs joueurs, tous les joueurs concernés marquent 10 points. Ne sont pris en compte que les wagons faisant partie du chemin le plus long en continu (si le chemin bifurque, la bifurcation ne compte pas).

Pour contre-balancer la possibilité de trouver de nombreux tickets, il faudra faire preuve de créativité pour récupérer un bonus qui offre un différentiel de 20 points soit l’équivalent de 3 Destinations. En cherchant à empêcher l’adversaire de connecté les pays voisins, on pourra essayer de gagner le bonus. Un beau moyen de découvrir les subtilités de cette carte Suisse.


Analyse

Editée en 2007, le plateau Suisse ont été la première extension propre aux Aventuriers du Rail, et la première carte nécessitant les trains d’une boîte de base pour y jouer. La Suisse incorporera par la suite la série des “map packs” de la gamme en 2011, avec l’ajout de la carte Inde au verso. La Suisse est devenue au fil du temps la carte de référence pour le jeu à 2 et aussi la préférée de son auteur jusqu’à la parution de la carte Iberia.

Des évolutions de règles

La Carte Suisse offre d’abord une expérience réservée à 2 et 3 joueurs, avec un terrain de jeu plus condensé. Même si des libertés ont été parfois prises avec la localisation des différentes villes, Alan Moon a toujours voulu s’inspirer des spécificités des pays visités pour ses propositions mécaniques. C’est donc tout naturellement que nous retrouvons les tunnels, représentant des tronçons montagneux, qui ont été aperçus pour la première fois sur la carte Europe, sur une large moitié sud de la carte notamment.

La position enclavée de la Suisse en Europe de l’Ouest a donné l’idée des Destinations avec le système des Pays Voisins. L’accès aux pays limitrophes peut se faire via de multiples tronçons différents donnant plus de liberté aux joueurs pour la construction de leur réseau ferroviaire.

Particularité : il est possible de relier le pays destination au pays de son choix avec une récompense en points variable selon la difficulté.

Carte ramassée, dit aussi plus petits tronçons. Exit les grandes parallèles à 6 trains de la carte USA. Seuls 4 tronçons de 5 et 6 trains, 2 de chaque, demeurent. Le nombre de trains dans la réserve personnelle diminue aussi logiquement : nous avons 40 trains à notre disposition.

Enfin, nous découvrons la première altération aux règles de pioche, avec la possibilité de prendre deux locomotives en pioche ouverte. Avec une autre limitation : la pose des locomotives se fait exclusivement sur les tronçons des montagnes et ne peuvent donc plus être utilisées pour poser des tronçons normaux

Pour le reste, on reste en terrain connu, avec un bonus de 10 points attribué en fin de partie.

Pourquoi de tels changements ?

Lors de ses séances de playtesting, Alan Moon a relevé le plaisir et l’excitation des joueurs au moment de piocher des nouveaux tickets.

Avec une large part de tickets Pays, le scénario semble déjà écrit : je connecte la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie et gavage ! Oui, mais non. La route est semée d’embûches. Piocher un ticket demeure une prise de risque, l’ADN du jeu.

Dans des contextes où les joueurs préfèrent éviter de mettre des bâtons dans les roues de leurs adversaires, ce sera la stratégie gagnante. Jouer d’une telle façon nous prive de l’étendue des leviers d’action offerts par l’auteur.

Pour ces considérations stratégiques, je vais me focaliser sur une configuration à 2 joueurs, de loin, également, la plus intéressante.

Rappel : si vous adorez le jeu tel que vous le jouez, il vaut mieux passer votre chemin. Le but néanmoins d’une telle analyse n’est pas tant de fournir une réponse définitive sur la stratégie à suivre que d’explorer la richesse du jeu lui-même.

Une victoire à 2 joueurs se joue entre 60 et 80 points, alors qu’on sera en bonne position avec un pactole aux alentours de 120 points aux USA ou en Europe, aussi bien qu’à 2 ou 4 joueurs. Au-delà de 90 points, la victoire sera probablement jouée à la pioche des tickets.

Le premier instinct sera donc de connecter les différents pays limitrophes et d’aller à la pioche.

N’oublions pas cette règle essentielle pour éviter d’être spectateur d’une orgie adverse : mettre fin à la partie le plus rapidement possible. Je l’avais évoqué dans ma série d’articles sur la stratégie aux Aventuriers du Rail USA.

En possession de destinations dans la moitié sud de la carte, où notre progression sera inlassablement ralentie par les différents tunnels jonchés sur notre chemin. Chaque carte payée en supplément donnera une chance de plus à notre adversaire pour aller piocher des tickets. Il faut donc prendre son destin en main. Il reste donc 2 sources pour scorer des points : les tronçons et la route la plus longue. Il faudra également tenir des spécificités de la carte : des possibilités de blocks évidentes pour éviter les connexions Nord-Sud/Est-Ouest.

Quelques considérations stratégiques:

1. Jouer la route la plus longue

Gagner la route la plus longue, c’est non seulement engranger 10 points (l’équivalent de 2/3 petits ou d’un gros tickets) mais aussi d’en priver l’adversaire de 10. Un différentiel donc de 20 points. Si on arrive à contenir la progression adverse, la route peut représenter jusqu’à 1/3 des points nécessaires vers la victoire.

Un exercice pas si évident à réaliser sur une carte moins linéaire que sur la Carte USA, avec pas mal de “connexions couperets” qui empêchent l’extension d’un réseau, à Brieg, Neuchâtel ou Solothurn par exemple. La route devient le nerf de la guerre et la dimension duel en sera d’autant plus prégnante.

Jouer la route la plus longue permet aussi d’abord le jeu d’une autre manière. Moins comptable, moins généreuse. Plus stimulante et stratégique.

2. Jouer des gros tronçons.

Prendre 15 points avec un tronçon de 6, c’est aussi faire un grand pas vers ces fameux 60/70 points. Prendre les deux, encore mieux.

L’équation n’est pas si évidente.

Viser les gros tronçons, c’est passer du temps à construire sa main. Avec des locomotives exclusivement réservées au tunnel, trouver 6 cartes assorties pour construire Genève-Delémont peut être coûteux en temps et causer de la frustration. Il sera préférable de viser le tunnel de 6 en direction de Lugano, qui sera plus facile à réaliser grâce aux locomotives.

C’est aussi perdre de vue d’autres objectifs comme la route plus longue, relier ces tronçons n’est pas si évident. Le tout en réalisant nos objectifs et en gardant un œil sur le jeu adverse ? Beau défi !

3. Bien gérer sa main

Construire sa main sur la carte Suisse est un exercice assez périlleux.

Sans l’aide précieuse des locomotives pour pallier des couleurs manquantes, il faudra bien anticiper le choix de ses couleurs, notamment pour les tronçons neutres/gris et encore plus sur les longs tronçons.

  • Ex : si je joue 6 blancs, difficilement acquis, à Genève, vais-je pouvoir retrouver 3 blancs pour connecter Olten à Zurich ?
  • 6 bleus/6 violets : quid de mon option vers Interlaken en cas d’embouteillage à Lucerne ?
  • 6 noirs ? C’est se priver de l’autoroute Zurich-St-Gallen pour ma connexion à l’est.

La gestion de la pioche ouverte est donc essentielle, pour trouver les cartes optimales. La différence avec le jeu à 2 plus stéréotypé (mais pas moins riche) de la carte US est assez flagrante.

Prendre des couleurs dans la pioche est utile et nécessaire mais donne aussi une information précieuse à notre adversaire. Comme tout joueur n’est pas immune à l’aléa de la pioche, ce quatrième noir vers St Gallen ne sortira peut-être que trop tard.

Même constat pour les locomotives. Il est assez facile de faire l’impasse avec des trajets Ouest-Est. C’est néanmoins laisser l’adversaire prendre une option sur l’ensemble des tunnels de la partie sud de la carte et pouvoir dicter le rythme de la partie.

Côté face : un surplus de locomotives en main ne permet pas de trouver de la flexibilité pour contrer les velléités adverses.

Les points de tension principaux.

  • Je pense d’abord à Neuchâtel-Bern (2 rouges) puis Solothurn-Olten-Zurich, qui rendent les connexions Ouest-Est plus difficiles.

  • Interlaken-Brieg permet aussi d’étendre un réseau à l’Ouest vers les gros tronçons du sud.

  • Sargans et Wassen sont les deux points névralgiques d’une stratégie Nord-Sud vers l’Italie.


La prise de la route vers Wassen force un détour vers Sargans ou Brieg, connexions elles aussi difficiles.

Encore une fois, il n’y a pas de recette magique pour gagner aux aventuriers du rail. Il faut savoir naviguer avec un flot d’informations changeant, tout en optimisant ses coups et en sentant le jeu adverse.

En résumé

La carte Suisse est un ajout indispensable encore aujourd’hui pour qui aime le jeu. Avec l’inde au verso, on a là un package cohérent et excitant pour 2 et 3 joueurs. La tension du jeu à 2 reste encore inégalée dans la gamme, pour un temps de jeu de 30 minutes.

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