[Tiki]
Ca Vaut le Coup !
L’article d’aujourd’hui allant potentiellement être légèrement conséquent (dédicace à toi @macnamara ), je vous propose un petit chapitrage :
- Annonce préliminaire
- Evaluer une position (Introduction)
- La vie passionnante de MasterMindM
- Le retour de la théorie analytique
- Résumé des indicateurs théoriques d’évaluation
- Le retour de 3615 ma vie de MasterMindM
- Conclusion
Annonce préliminaire
…
Car oui, le nombre à deux chiffres est atteint - non sans mal - pour cette série d’article Ca Vaut le Coup !, et dizaine oblige, c’est le moment de parler un peu du futur.
Comme vous avez peut-être pu le voir, l’objectif annoncé d’un épisode par semaine n’a pas vraiment été tenu, avec des pauses plus ou moins longues selon la cadence d’écriture…
Il me semble donc tout a fait pertinent de préciser que, tout comme la désormais fameuse Semaine du Pouic, le format Ca Vaut le Coup ! a lui aussi vocation à être ouvert à toutes les contributions de la communauté. Chaque trictracienne ou trictracien souhaitant participer peut le faire !
D’ailleurs, on me souffle dans l’oreillette qu’un certain @sysyphus-0 , l’homme de tous les combats, débarque à la prochaine gare avec dans sa besace des articles bien sentis sur les Aventuriers du Rail…
Si vous aussi vous vous sentez de partager autour de ce format sur des jeux qui vous intéressent, n’hésitez pas à me le faire savoir, qu’on puisse intégrer vos futures réalisations au planning - et surtout qu’on évite des doublons malencontreux si vous voulez vous réserver un sujet.
Je précise qu’il n’y a pas forcément besoin d’être un expert du jeu ou même de parler de stratégie pure et dure pour rédiger un article Ca Vaut le Coup !. C’est certes mon axe principal, par attrait personnel, mais d’autres aspects tout aussi intéressant à développer sont aussi possibles (comparaison d’une gamme, mise en place de variantes spécifiques, réflexions en tout genre sont aussi potentiellement acceptables, vous pouvez sans problème soumettre vos éventuelles autres idées pour en discuter ).
Déjà il y avait la reprise éhontée du titre, et là du logo de l’émission éponyme
de France TV, mais où est passé le respect ?
Ainsi se clôture cette annonce à la population, et retour à notre article du jour !
Evaluer une position
(On met la fausse moustache et la casquette, et on fait comme si on venait d’arriver…)
Bienvenue dans ce dixième épisode de Ca Vaut le Coup ! , la série hebdomadaire (sauf quand l’article est trop long à écrire ) qui vise à présenter des aspects tactiques et/ou stratégiques précis sur des jeux spécifiques.
L’article de cette semaine sera un petit peu spécial, car il contiendra en plus des habituels concepts sur le jeu un peu plus de narration sur mon parcours personnel avec Tiki, et comment j’ai pu essayer de développer une réflexion autour de la méta de ce jeu.
Parallèle Echecs : plusieurs fois dans cet article, des parallèles avec les Echecs vont être réalisés, car je suppose que ce jeu centenaires parlera à plus de monde que nos entités divine de l’île de Manami.
Il est donc nécessaire pour comprendre ces comparaison de savoir qu’il existe un système basique aux échecs pour évaluer une position via la valeur total des pièces encore en jeu pour chaque joueur :
- Une Dame vaut 9 points
- Une Tour vaut 5 points
- Un Fou ou un Cavalier valent 3 points chacun
- Un pion vaut 1 point
Ce système, bien que très simpliste, a l’avantage de permettre une première macro évaluation d’une position, et c’est ce vers quoi nous allons essayer de tendre aujourd’hui avec le jeu Tiki…
La vie passionnante de MasterMindM…
Je découvre Tiki par hasard en 2016, lors du festival Paris est Ludique, auquel je me rends cette année-là pour la première fois. Je suis en règle générale un bon client de ce genre de jeu pour deux joueurs dit abstrait. On s’attable donc avec une amie pour faire 1 ou 2 parties, après avoir reçu les explications des règles de la part d’une personne que j’identifie désormais comme Nicolas Sato, l’auteur du jeu .
Tout se passe bien, le jeu me laisse une bonne impression, mais en discutant ensuite avec Nicolas, je comprends que le jeu n’est pas encore disponible, mais qu’une campagne de financement va être lancée pour le produire. A cette époque, bien que déjà joueur régulier, je ne suis par contre pas du tout au fait de l’actualité ludique, et encore moins de tout ce qui touche au monde du participatif (et ça n’a pas énormément changé )
Donc l’expérience Tiki aurait tout à fait pu s’arrêter là pour moi.
Mais par un deuxième hasard, suite à un sujet Tric Trac qui la mentionne, je décide d’essayer de m’inscrire sur la plateforme de jeu en ligne Board Game Arena (BGA) courant de l’été 2017. Et en parcourant la liste (bien moins grande qu’aujourd’hui ) des jeux disponibles à cette époque, je retrouve le fameux Tiki dont je garde un bon souvenir.
C’est l’occasion d’y revenir plus d’un an après ma découverte, je saisis donc cette perche tendue par le destin. Et le 1er septembre 2017 (merci l’historique BGA de t’en souvenir à ma place ), je démarre mes premières parties en ligne sur le site.
J’aimerais entretenir le mythe et vous faire croire que, tel un génie, j’ai tout de suite réussi à prendre en main le jeu et à en maîtriser ses subtilités. Mais je viens de regarder mes premières parties grâce au replay BGA, et ce n’est pas fameux !
Mon expérience des jeux abstraits me permet de m’en sortir assez bien sur le calcul des coups à court terme, mais je constate bien en visionnant de nouveau mes parties qu’à cette époque je n’avais pas d’autre stratégie que celle d’essayer de gagner 1 point dès que l’occasion se présentait. Une méthode de jeu somme toute très logique pour débuter, mais qui me fait sourire aujourd’hui.
Parallèle Echecs : essayer de gagner 1 point à tout prix à Tiki reviendrait presque à essayer d’absolument capturer une Tour adverse aux Echecs. Si vous y arrivez, mais que vous avez du sacrifier vos deux Fous pour ça, le résultat n’est finalement pas en votre faveur, car vous avez échangé 6 points de matériel contre 5 points.
Même si vous avez l’impression d’avoir réussi votre objectif, vous dégradez en réalité votre position vous même.
Toutefois, la plupart des joueurs sur BGA que je rencontre à cette époque n’ont pas non plus un niveau extraordinaire. Et si je me fais littéralement massacrer par la numéro 1 du classement du moment à ma cinquième ou sixième partie, j’ai sinon un beau taux de réussite. Un très beau taux même, car sur 6 mois de jeu et 52 parties réelles, je totalise 50 victoires pour 2 défaites :
- La première comme mentionné juste avant.
- La secondre face à un adversaire d’un niveau sensiblement égal au mien quelques mois après mes débuts, avec un compte global à 2-1 en ma faveur.
Petite dédicace à la joueuse belge power14 qui a stoppé net ma belle série avant même qu’elle ne commence, et que je ne croiserai plus jamais par la suite. Elle m’avait gentiment encouragé en disant que je jouais bien lorsque j’avais fait remarquer qu’elle était clairement meilleure que moi !
Et petite dédicace aussi à Manzaa qui était le joueur à qui je dois mes plus belles parties de l’époque, mais que je ne recroiserai plus non plus ensuite, tout du moins sur Tiki !
Un palmarès très correct donc, et pourtant je crois me souvenir que ma stratégie au cours de cette période n’est toujours pas très développée :
- poser un maximum de tikis sur le terrain
- entourer les villages à points, en particulier le village (+2)
- improviser le reste
Mais le jeu Tiki ne doit (très logiquement) pas être très connu en fin d’année 2017. Donc même si le nombre de joueurs n’est pas si faible, personne n’a de réelle expérience, et assez peu s’impliquent au delà de l’étape de découverte.
Les vraies oppositions sont donc assez rares, et ce plan de jeu très sommaire suffit à enchaîner les victoires.
Cette route pas spécialement semée d’embûches débouchera finalement le 15 mars 2018 par l’obtention de la fameuse place de numéro 1 au classement ELO de Tiki sur BGA. Une place potentiellement légèrement usurpée à l’époque, car récupérée sans affronter les tenants du titre, mais qu’importe la manière, le badge est néanmoins récupéré sur le profil !
Un badge obtenu en battant tout de même des joueurs respectables
Finalement, fin mars 2018, je croise au détour d’une partie un joueur allemand répondant au pseudo de hertelwulf, numéro 2 du classement ELO de l’époque. Choc des titans à venir ou pétard mouillé ? La confrontation se lance après les salutations d’usage dans le chat, accentué d’un We finally meet each other ! (ou quelque chose du genre…)
On démarre en réalité sur la deuxième option, avec un gros misclick de mon adversaire qui ruine complètement sa partie !
Mais on est tous les deux là pour jouer, donc après un abandon collectif, et la relance d’un nouveau match, l’orchestre reprend sa musique dramatique et la tension redevient palpable (bon on jouait en tour par tour il me semble, mais il y avait quand même un petit stress à chaque coup mine de rien hein ).
Les prémices de la théorie
Après une trentaine de coups, on arrive finalement dans la situation suivante, où mon adversaire (en violet) réussi à obtenir le premier fruit de la partie, en déplaçant le tiki du village nord vers le village nord-est :
Pour les non-connaisseurs du jeu - qui ne font donc pas partie de la poignée de lecteurs des sujets que j’ai pu ouvrir sur Tiki sur le forum - il faut savoir que ce coup, qui semble bon pour Violet car il gagne un point, n’est en réalité pas terrible, car il donne trop d’espace à Jaune (mais ce sera une grosse partie de la suite de l’article).
Que ce type de coup puisse être vu sur un match entre les supposés deux meilleurs joueurs du jeu montre bien qu’on avait encore en ce temps-là de la marge de progression !
Après une série de coups discutables, j’ai quand même un minimum de sang froid pour ne pas me jeter aveuglément sur les points sans réfléchir. Et dans la situation ci dessous, je fais le choix de ne pas directement faire un déplacement du village ouest vers le village nord-est, pour privilégier la prise de contrôle du terrain en posant un tiki sur le village nord :
Mon adversaire voudra alors essayer de m’empêcher de récupérer ce fameux fruit en déplaçant le totem du village nord-est vers le village nord-ouest :
C’est cependant l’occasion rêvée pour moi d’éliminer la plupart de ses totems :
Bilan des derniers coups : je n’ai donc pas réussi à gagner de point, Violet mène toujours 1 à 0, avec en plus un nombre de fruits qui diminue en réserve (plus que 4) suite à l’activation des villages (-1).
Mais en échange, on constate que désormais le terrain présente beaucoup plus de totems Jaune que de totems Violet, et que donc mon contrôle sur le terrain en ressort renforcé. Je me permets d’insister sur ce point, car sans l’avoir déjà formalisé explicitement à l’époque, j’ai déjà conscience que prendre un point à tout prix n’est pas une stratégie gagnante, et je commence d’ailleur à le partager timidement sur le forum (souvenirs souvenir ).
Quelques coups de plus nous conduisent à cette situation :
Là encore, surement dans l’optique d’éviter au maximum de perdre un point ou de me laisser en gagner un, mon adversaire choisit de déplacer son totem est vers le village nord :
Son idée est vraisemblablement que je n’ai pas nécessairement intérêt à jouer ensuite moi-même mon totem nord-est vers la gauche car cela me permet certes gagner un point sur le village nord, mais me force à en reperdre un immédiatement sur le village nord-ouest.
Cependant, j’ai évidemment d’autres possibilités pour jouer ce totem nord qui est menacé, par exemple en me redirigeant vers le village sud-est :
Je récupère ensuite 2 fruits sur le village (+2), passant le score à 1-2 en ma faveur avec 2 ananas restant en réserve, et menace d’en la foulée d’infliger un (-1) à mon adversaire :
Fidèle à sa philosophie d’éviter toute perte de point, il choisira de déplacer son tiki du village nord-est sur le village est pour déplacer le Shaman, puis de casser mon totem central pour éviter de se faire détruire son ananas.
Cependant, on constate rapidement que, si à court terme l’écart de score n’a pas évolué, les totems Jaune sont de plus en plus majoritaires sur le terrain. A ce stade, la partie est déjà perdue, et très rapidement l’occasion de remporter un nouveau point se présente, lorsque le trait sera Jaune dans la position suivante :
Une fois à 1-3 en termes de fruit en ma faveur, avec un seul ananas restant en réserve, je peux même me permettre de donner le point final à mon adversaire, pour être sur de clôturer la partie sur ma victoire 2-3 avant qu’il ne réussisse éventuellement à me faire perdre un fruit :
Le tournant principal de cette partie a donc été à mon sens la décision de mon adversaire de tout faire pour absolument m’empêcher de gagner un point. Quitte pour ça à sacrifier sa présence sur le terrain, me laissant ensuite la possibilité de contrôler le jeu.
Ce type de situation, que je vois se répéter au fil des parties, conduit naturellement à s’interroger sur la valeur d’un point. A partir de quel coût peut-on considérer que gagner un point est un coup vraiment rentable et pertinent ?
Parallèle Echecs : Il s’agit toujours d’une problématique d’évaluation pour estimer si un échange est équivalent ou avantageux/désavantageux. Les points de matériel sont l’outil pratique (bien qu’imparfait) pour guider le joueur dans ses choix, et l’objectif est d’avoir une outil similaire pour Tiki
Par exemple, si je prends une situation que j’ai rencontré récemment en partie :
(information non visible sur l’image : le trait est au joueur Jaune
et il reste encore 4 ananas en réserve)
D’un point de vue purement mathématique, Jaune mène au score par 1-0. Pourtant, un rapide coup d’œil sur le terrain permet de conclure que c’est Violet qui va remporter la partie :
- il dispose d’un contrôle quasi absolu du terrain,
- il peut à tout moment infliger un (-1) au joueur Jaune sur le village nord-est,
- il peut facilement récupérer deux points sur le village ouest à (+2).
Le score n’est donc évidemment pas un indicateur suffisant pour évaluer une situation à Tiki. Ce constat est flagrant sur cet exemple extrême, mais tout l’enjeu pour moi alors est d’essayer de trouver des seuils plus précis, des règles mesurables et quantifiables. En bref, des indicateurs faciles à utiliser pour faire une première évaluation d’une position à Tiki. Un algorithme dans l’idéal pas plus compliqué que le comptage des points de matériel aux Echecs.
La présentation de ma démarche pour essayer d’y parvenir et les conclusions que j’en ai tirées seront détaillés dans les sections suivantes. Mais avant, une dernière analyse de cas concret parce que cette introduction me parait un peu courte non ?
Exemple de mise en oeuvre
On se retrouve désormais début avril 2020 (oui je sais, début du Covid, association fermées, soirées jeux annulées, désolé de vous rappeler ça ), et de mon côté, j’ai déjà établi la plupart des réflexions qui me serviront de base pour déterminer mes fameux indicateurs.
D’ailleurs, j’ai commencé à les partager dans un sujet [Tiki] - Guide Stratégique fourre-tout pas du tout organisé, où les détails anecdotiques côtoient les bases essentielles). Mais cette fameuse partie va me conforter dans mes théories et m’aider à formaliser mes indicateurs d’évaluation.
Dans la situation suivante, Violet vient de jouer sur le village sud :
Le trait est donc à Jaune, et celui-ci va choisir de menacer un coup direct, en contrôlant le village est pour placer le Shaman entre les villages nord et nord-est. Son objectif est de supprimer toutes les liaisons de Violet avec le village nord (+2) et tenter de récupérer deux points :
A ce stade, Violet n’est pas sans réponse possible : il peut déplacer un de ses tikis sur un de ceux de Jaune, éventuellement d’ailleurs celui du village nord, pour parer la menace.
Mais Violet ne le fait pas, et Jaune réussit donc à mettre son plan à exécution et à gagner ses deux premiers points :
Pourquoi Violet ne s’est-il donc pas défendu ? Comme vous êtes malins, et que vous avez évidemment tout bien lu avec attention jusqu’ici (deux points sur lesquels je n’ai aucun doute ), vous avez peut-être commencé à analyser et comparer le terrain AVANT et APRES cette séquence de coup :
Faisons un petit bilan rapide des deux choses importantes :
- les points,
- le contrôle du terrain.
Et parce que je suis sûr que ça vous manquait terriblement depuis le début de cet article, un petit tableau récapitulatif :
Donc en résumé, Jaune a pu s’emparer de 2 points en laissant en échange 3 totems supplémentaires d’avance à Violet (voire 4 si on considère le coup de préparation pour déplacer le Shaman qui a coûté un totem supplémentaire à Jaune).
Or, d’après mes estimations de l’époque, j’étais arrivé à la conclusion que le prix normal d’un point en début de jeu était de plus ou moins un totem d’avance. Ici, pour remporter ses 2 points, Jaune a environ payé le double de cet investissement, et se retrouve donc avec un énorme déficit de contrôle du terrain.
J’ai donc sciemment choisi de laisser mon adversaire (car spoiler alert : j’étais le joueur Violet ) la possibilité de réaliser cette séquence de coups car, d’après mes théories, même si cela lui rapporte quand même deux points, il doit normalement s’agir d’une mauvaise série de coups pour Jaune qui dégrade sa position.
Bien qu’à cette époque, je suis beaucoup moins serein qu’aujourd’hui sur cette affirmation, donc légèrement stressé derrière mon écran, la suite de la partie me donne rapidement raison. Aidé de plus par le fait que mon adversaire ne veut absolument pas placer de tiki sur le village nord (+2) pour ne pas me laisser reprendre moi aussi 2 points, je garde le contrôle du jeu.
En détruisant des fruits au fur et à mesure que mon adversaire en gagne, j’en diminue le stock global. Puis, au moment du rush final, mon emprise sur le plateau me permet de m’accaparer à mon tour le village (+2) pour une victoire 3-2. Match apparemment serré au regard score mais en réalité sans suspense car avec la main mise sur le déroulement du jeu, en étouffant les possibilités adverses grâce à l’avantage du contrôle du plateau.
Je vous épargne une nouvelle interminable suite de captures d’écran pas spécialement intéressantes, la partie est disponible sur BGA si ça vous intéresse, pour les gens ayant accès au replay : partie de Tiki
Mais ce résultat me conforte définitivement dans mon idée de base sur la valeur des mes indicateurs, en montrant que récupérer même le village (+2) en début de partie peut être un mauvais coup s’il demande trop de sacrifice.
Avec ces quelques exemples en tête, le moment est donc venu de basculer sur un peu plus de rigueur analytique, pour théoriser de façon concrète sur le jeu Tiki.
Le retour de la théorie analytique
Quelques généralités sur la notion d’indicateur
Je vais reprendre un instant pour donner ma définition du mot indicateur dans le contexte d’une évaluation de position sur un jeu. Je précise bien ma, car il s’agit de considérations purement personnelles non normalisées.
Un indicateur est un élément simple à suivre ou à compter, qui permet pour n’importe quelle position d’avoir une première idée relativement fiable du joueur ayant actuellement l’avantage.
Un indicateur doit donc répondre pour moi aux 3 critères mentionnés :
- Simple : il faut qu’il puisse s’estimer ou se calculer facilement et rapidement de tête, sans analyse complexe.
- Universel : il faut qu’il fonctionne pour l’ensemble des positions possibles, où à minima un sous-ensemble de position clairement identifié.
- Fiable : il faut que l’optimisation de cette indicateur puisse servir d’objectif au joueur, pour a priori arriver dans une position avantageuse s’il réussi à maximiser cet indicateur
Il s’agit forcément d’une première estimation très macro, qui ne tient pas compte des spécificités d’une position donnée. Il faut comprendre la lecture d’un indicateur de la façon :
Toute chose égale par ailleurs (position neutre en dehors de l’indicateur estimé), alors le joueur ayant un meilleur score sur l’indicateur est très probablement le joueur en situation avantageuse.
Cette macro-évaluation ne tient donc pas compte des éventuelles tactiques et/ou spécificités possibles de la position donnée, qui resteront forcément à l’appréciation du joueur.
Parallèle Echec : le calcul des points de matériel aux Echecs entre typiquement dans cette catégorie :
- Simple : il s’agit juste d’additionner les valeurs des pièces - quelques valeurs à retenir par coeur et un calcul trivial.
- Universel : les valeurs des pièces sont identiques quelque soit la partie.
- Fiable : enchaîner les échanges de matériel avantageux permet à priori au joueur de prendre l’avantage.
Cependant, si la position n’est pas neutre, cet indicateur pourra perdre son sens. Par exemple, si un joueur a une pièce de moins, mais une bonne attaque de mat en cours, la position devra être évaluée plus précisément.
Mais en cas de position neutre, sans menace ou initiative particulière, et avec des positionnements de pièces classiques, alors le joueur en situation dominante est probablement le joueur avec le plus de points de matériel (indicateur maximisé).
En résumé, l’objectif est d’avoir une règle facile à appliquer qui permet de synthétiser l’avantage (ou le désavantage) du joueur dans une position.
Identification des ressources
Avant de pouvoir établir un quelconque algorithme pour notre indicateur, une première étape est déjà de réussir à déterminer les variables qui interviendront dans le calcul, et qui permettront donc de lister toutes les ressources du joueur dans une position donnée.
Les fruits
De façon assez évidente, la première chose à prendre en compte, c’est le nombre de fruits que le joueur a actuellement en sa possession. Pour un même placement des tikis sur le plateau, avoir 3 ou 0 fruits n’est évidemment pas identique. Le nombre de points sera donc une des ressources.
Les totems
Les exemples présentés au cours de la très (trop ? ) longue introduction ont pu montrer que le contrôle du terrain est aussi un critère déterminant dans l’évaluation d’une position. Mais comment retranscrire cet élément de façon chiffrée ?
Un réflexe naturel, instinctif, serait de simplement prendre en compte le nombre de tikis de chaque joueur présents sur le plateau. Cependant, cette modélisation rencontre très vite des incohérences. Un cas extrême illustre parfaitement cette problématique :
Dans cette position, Jaune et Violet possède le même nombre de tikis sur le terrain (8, le nombre maximum), mais on constate tout de suite que c’est le joueur Jaune qui domine la partie. Il peut facilement infliger (-1) à son adversaire tout en faisant (+1), puis récupérer le village (+2) au tour suivant.
Il est donc aberrant de se baser sur le nombre de tikis pour évaluer le contrôle du terrain par un joueur.
La deuxième possibilité, c’est de compter non pas les tikis en eux mêmes mais les totems que chaque joueur contrôle.
Pour rappel : le tiki, c’est la petite tête jaune ou violette, et un totem c’est un empilement de 1 ou 2 tikis, contrôlé par le jeu avec un tiki à son sommet (les totems de 3 tikis ne sont pas considérés ici vu qu’ils sont directement résolus à leur création et retirés du plateau ensuite).
Cette modélisation fait a priori sens, vu qu’à son tour, le joueur peut entre autre déplacer les totems sous son contrôle. Donc plus il dispose de totems à sa couleur, plus il a de liberté dans ses coups.
Cette modélisation est aussi bien représentative que parfois le fait que des tikis adverses soient présents sur le terrain va au contraire aider le joueur à gagner des points ou à en faire perdre à son opposant, via le déclenchement des villages.
De plus, elle décrit à merveille la situation extrême présentée plus haut, car le joueur Jaune contrôlait 8 totems et le joueur violet zéro, indiquant la supériorité écrasante de la position jaune.
Le nombre de totem sur le terrain est donc une ressource beaucoup plus parlante que le nombre de tikis du joueur pour évaluer son contrôle du jeu.
Parallèle Echecs : compter le nombre de tikis, indépendamment de qui contrôle les totems, reviendrait presque à évaluer une position aux Echecs en comptant uniquement le nombre de pièces du joueur, en valorisant à l’identique un pion et une dame par exemple (le cas est beaucoup plus extrême aux Echecs, mais il s’agit d’une illustration).
Nous avons donc listé les ressources qui devront être utilisées dans notre indicateur d’évaluation de la position :
- les fruits
- les totems
Remarque : il est très important de bien questionner les choix de paradigmes lors de l’évaluation des ressources qui serviront au calcul d’un indicateur. Comme dit plus haut, cet indicateur doit pouvoir servir d’objectif pour se rapprocher de la victoire. Donc si l’indicateur choisi est faux, mais que le joueur joue quand même de façon à le maximiser, il pourra être persuadé de joueur des bons coups tout en dégradant en pratique sa position, et il sera très difficile pour lui de se rendre compte, car son indicateur personnel lui donne pourtant l’impression de bien jouer.
C’est l’exemple typique plus haut d’un indicateur qui est bêtement : le nombre de points. En voulant maximiser cet indicateur trop simple qui ne tient pas compte du contrôle du terrain, le joueur va évidemment faire de gros sacrifices juste pour gagner 1 ou 2 points, et dégrader sa position sur le long terme tout en ayant l’impression (biaisée) de gagner.
Le plus difficile reste cependant à faire, car il est désormais nécessaire de mettre en place des règles de calcul permettant de synthétiser ces deux ressources en un seul indicateur consolidé.
Calcul de l’indicateur
L’objectif est donc désormais de combiner les deux valeurs fruits et totems en une seule.
Aparté sur l’avantage du zéro point : ne pas encore avoir gagné de fruit est une situation assez confortable à Tiki. En effet, ne pas avoir de point en stock est en pratique le meilleur moyen de ne pas avoir à craindre les villages (-1) faisant perdre un ananas.
Un point crucial dans un jeu en duel est de savoir mieux gérer ses ressources que l’adversaire. Dépenser une partie de ses ressources en tiki pour gagner un fruit, mais le reperdre aussitôt sur un village maudit peut permettre à votre opposant de créer un différentiel de ressources à son avantage.
Mais tant que vous n’avez pas de fruits, les villages (-1) ne seront pas une vraie menace pour vous. Bien sûr, je ne dis pas qu’il faut EVITER de gagner des fruits à Tiki ! Mais réussir à différer leur gain, et la dépense en totem généralement associée peut être une bonne stratégie.
Afin de s’aider dans la détermination des règles de calcul de notre indicateur, intéressons-nous à ce que le joueur peut attendre d’un tour.
Il est toujours utile sur un jeu, lorsqu’on veut l’analyser, de réfléchir à quel est le réactif limitant que le jeu donne au joueur pour réaliser ses actions. Dans certains jeux, ce sera une trésorerie (argent ou mana), un nombre de carte piochées par tour, un nombre d’actions, très souvent un mélange d’un peu tout ça…
Dans Tiki, on est sur une situation relativement simple, au sens où la seule limite que le jeu impose au joueur, c’est de réaliser une action par tour.
Remarque : en réalité le jeu limite aussi le nombre de tiki du joueur à 8, mais bien que cette restriction ne soit pas négligeable dans le jeu, elle sera purement ignorée aujourd’hui car non significative dans les aspects abordés.
Encore une fois, lorsqu’on s’intéresse à la liste des actions possibles, celle-ci est assez simple :
- poser un tiki sur une case vide,
- déplacer un totem, et résoudre ensuite les éventuelles créations de totem de 3 tikis.
Si vous avez déjà quelques parties au compteur, vous avez constaté que si les deux joueurs choisissent de poser un maximum de tikis sur le terrain, il arrivera un moment où l’un des joueurs (a priori le 2nd) devra jouer son tour alors qu’il n’y aura plus aucun village libre. Il ne pourra donc plus poser de tiki sur le plateau, et sera alors obligé de déplacer un de ses totems.
Regardons en détail les conséquences sur les ressources de chaque joueur (du point de vue du joueur Violet) pour les cas simples, à savoir la pose d’un tiki ou le déplacement d’un totem constitué d’un seul tiki :
Remarque : le déplacement de totem taille 2 comporte beaucoup de sous-cas à traiter, suivant qu’il s’agisse d’un totem bicolore ou unicolore, et selon les totems présents ou non sur les cases d’arrivée. Son traitement exhaustif donnerait donc un tableau à minima 10 fois plus volumineux, je n’ai donc pas fait l’exercice jusqu’au bout…
Notre action de référence sera l’action la plus simple du jeu, à savoir la pose d’un tiki sur un village vide. Par référence, j’entends que son résultat pourra servir de mètre étalon pour déterminer un seuil normal d’efficacité d’une action.
La pose n’a pas d’impact sur les points, et permet au joueur de créer un totem supplémentaire pour lui, sans changer le nombre de totem de l’adversaire, c’est donc une action (+0;+1) en différentiel pour lui.
Le premier constat ensuite, c’est de voir que déplacer un totem de 1 tiki vers une case vide n’a pas d’intérêt en termes de ressources, car ce coup ne rapporte rien au joueur. C’est une action (+0;+0) : aucun point gagné, aucun changement en nombre de totem.
La conséquence, c’est que cette action est donc a priori mauvaise, vu qu’elle ne rapporte pas autant de ressources que d’autres actions potentiellement accessibles. Elle est donc à éviter, et il ne faudra donc a priori pas jouer de coups de ce type.
Parallèle Échecs : évidemment, il existera comme toujours des exceptions à la règle, qui dépendront du contexte. Il est relativement fréquent aux Echecs de jouer un coup de type sacrifice par exemple, qui ne maximise pas les ressources du joueur (points de matériel), mais qui vise d’autres avantages non quantifiés dans un indicateur (développement, attaque, etc.).
Pour rappel, les analyse sur notre indicateur ne considèrent pas tous ces cas particuliers, relatifs au détail de la position.
Concernant les déplacements de totem de 1 tiki vers des cases occupées, les cas sont très variables. Globalement :
- si aucun village n’est déclenché (déplacement uniquement vers une case d’arrivée avec un totem de 1 tiki), alors :
- il n’est pas efficace de se déplacer vers un totem de sa propre couleur : très logiquement cela conduit à n’avoir plus qu’un totem au lieu de deux, soit une action théorique à (+0;-1), bien en-dessous de l’action de référence (+0;+1) de pose.
- il est efficace de se déplacer vers un totem adverse : le joueur n’augmente pas son nombre de totems, mais diminue celui de l’adversaire de 1, ce qui en différentiel revient bien à un résultat (+0;+1)
- si un village est déclenché, alors :
- il n’est pas du tout efficace de se déplacer vers un totem de sa propre couleur si aucun point n’est gagné (perte de totem de aucun gain),
- il n’est pas très efficace de se déplacer vers un totem de sa propre couleur même pour gagner 1 ou 2 points (coût en totem par point élevé),
- il n’est pas très efficace de se déplacer vers un totem de la couleur adverse si aucun point n’est gagné (action de type (+0;+0)),
- il est pas très efficace de se déplacer vers un totem de la couleur adverse si 1 point est gagné, voire très efficace pour 2 points (action de type (+1;+0) voire (+2;+0)).
Aparté sur les totems doubles : les totems doubles (composé de deux tikis de la couleur du joueur) sont particuliers. En effet, ces totems peuvent permettre des coups beaucoup plus efficaces que les autres totems, en recouvrant par exemple deux totems du joueur adversaire à 1 tiki, donnant une action (+0;+3)
belle action pour le joueur Violet !
En faisant en bilan global, le résultat serait donc satisfaisant, pour le joueur, s’il parvient à enchaîner les deux actions :
- une action (+0;-1)
- une action (+0;+3)
Ça représente finalement un total de deux actions pour un résultat à (+0;+2), équivalent à une série de deux actions (+0;+1).
Cependant, les totems doubles peuvent aussi être des cibles de part l’investissement de construction qu’ils représentent. En effet, en regardant la séquence de coups suivante :
Violet joue donc une action (+0;-1), et Jaune enchaîne avec une action (-1;+0) ou même (+0;+0) s’il n’a pas encore de fruit à perdre (cf aparté précédent ). Dans ce dernier cas, l’enchaînement est donc favorable au joueur Jaune, qui se retrouve in fine avec un totem de différence gagné par rapport au début de la séquence vis à vis du joueur Violet.
Les totems doubles méritent donc une considération particulière dans leur évaluation, supérieure à celle d’un totem simple ou d’un totem bicolore. Cependant, le joueur adverse aura souvent intérêt à l’éliminer rapidement, et la séquence pourra même lui être favorable comme dans l’exemple ci-dessus.
Par facilité, le totem double sera cependant évalué comme un totem classique pour éviter la complexité.
Evidemment, la rareté du village (+2) fait que l’adversaire évitera normalement de vous laisser récupérer deux fruits sur ce village sur un totem de sa propre couleur.
Par contre, la présence de nombreux villages (+1), et le fait que les joueurs seront de toute façon obligé à termes de déplacer des tikis rendra la possibilité de gagner un fruit sur un totem de la couleur adverse assez fréquente.
Il faudra principalement retenir :
- les actions pose sont des actions basiques efficaces à (+0;+1),
- les actions résultant en (+0;+0) sont donc a priori à éviter,
- les actions déplacement vers un tiki seul adverse sont équivalentes à une pose et valent aussi (+0;+1).
Remarque : il est donc théoriquement plus efficace de jouer un déplacement à (+0;+1) vers un tiki adverse sur un village (+1), quitte à ce que l’adversaire gagne un point au tour suivant, plutôt que de déclencher un village (+0), qui est une action à (+0;+0).
- récupérer des points sur des totems de sa propre couleur est à éviter car il s’agit d’action type (+X;-Y) avec Y un coût trop grand pour 1 point par rapport au gain classique +1 totem d’une action de base
- récupérer 1 point sur un totem adverse est une action classique à (+1;+0),
- récupérer 2 point sur un totem adverse est une action excellente à (+2;+0), meilleure qu’une action classique (mais comme dit extrêmement rare car l’adversaire ne vous laissera a priori pas cette opportunité le coquinou ).
Le constat est donc que les actions classiques que les joueurs peut espérer réaliser sont de la forme (+0;+1) ou (+1;+0). Il n’est donc pas aberrant dans ce contexte de simplement considérer un fruit comme valant un totem dans les valeurs de notre indicateur. Ainsi, l’indicateur d’évaluation d’un position à Tiki serait tout simplement la somme des deux ressources.
INDICATEUR D’EVALUATION
Valeur de l’indicateur : nb fruit + nb totems
Il est à noter que cette formule n’est PAS un résultat mathématique démontré scientifiquement : toutes les explications précédentes avaient pour but de partager mes démarches d’observation et de réflexion, mais restent de simples constats. Cet indicateur est donc déterminé de façon complètement empirique. Cependant, son application dans mes parties à pour l’instant donné des résultats satisfaisants.
Les limites de l’indicateur
Comme souvent, l’évaluation théorique apporté par notre indicateur nb fruit + nb totem doit être délimité au sein d’un périmètre de validité.
En effet, en prenant le cas extrême, si un joueur dispose de 4 fruits face à un joueur disposant de 8 totems et 3 fruits, on constate directement à quel point notre indicateur est aberrant :
- Le joueur à 4 fruits à une valeur de 4.
- Le joueur à 3 fruits et 8 totems à une valeur de 11.
Le 2eme joueur a donc une valeur d’indicateur beaucoup plus forte. Et pourtant le premier de ces joueurs a déjà gagné (mêm pas besoin d’analyse ici, les règles le stipulent directement ).
Evidemment, il s’agit d’un cas extrême. Cependant, il met bien en lumière que notre indicateur est incomplet. Pour essayer de l’expliquer un peu mieux, il faut bien comprendre certains points qui ont déjà été rapidement abordés, a savoir que dans Tiki, plusieurs choses sont importantes :
- avoir un grand contrôle du terrain est un permet de pousser son avantage en contrôlant le jeu adverse,
- il est relativement difficile d’empêcher l’adversaire de gagner 1 point si ce dernier est prêt à en payer le prix fort.
Ce premier point a déjà été vu, notamment dans les exemples de parties plus haut, et illustre bien que l’avantage de laisser l’adversaire prendre un point en payant trop cher, pour ensuite maîtriser son déploiement sur le terrain et récupérer le retard en point avec un coût en totem plus faible.
Le deuxième point entraîne en quelque sorte une limite à l’application du premier. En effet, l’effet de seuil induit par la limite de la victoire à 4 fruits (ou la majorité des fruits avec une réserve vide, que je vais simplifier en seuil des 4 ananas) fait qu’il est nécessaire de ne pas non plus laisser l’adversaire approcher trop près de cette limite.
Car il pourrait ensuite mettre la pression en tentant le tout pour le tout, diminuant ses ressources et gagner des fruits normalement trop cher pour être efficace, mais pertinent ici car permettant de gagner.
Parallèle Echecs : une situation équivalente aux Echecs serait d’avoir une ou deux pièces d’avance, mais un Roi très faible soumis à une grosse attaque. Si la partie devait s’éterniser et les échanges continuer, le joueur avec l’avantage matériel finirait par dominer l’adversaire. Mais la limite est ici la faible de son Roi : si l’adversaire réussit un échec et mat, l’avantage matériel longs termes ne pourra pas s’exprimer.
C’est une situation identique dans Tiki avec le seuil des 4 ananas qui équivaut à l’échec et mat : si l’adversaire peut sacrifier ses ressources pour gagner, le fait que vous puissiez reprendre l’avantage matériel ensuite n’a plus d’importance.
Il faut donc comprendre que les deux situations suivante le sont pas équivalentes :
Situation 1 :
- J1 : 1 fruit, 2 totems = 3 ressources (valeur de l’indicateur),
- J2 : 0 fruit, 4 totems = 4 ressources (valeur de l’indicateur),
- 6 fruits restant en réserve, trait à J2.
Situation 2 :
- J1 : 1 fruit, 2 totems = 3 ressources (valeur de l’indicateur),
- J2 : 0 fruit, 5 totems = 5 ressources (valeur de l’indicateur),
- 1 fruit restant en réserve, trait à J2.
Mathématiquement selon notre indicateur, les deux situations devraient être profitables pour le joueur J2, et la deuxième devrait même être encore meilleure, avec un écart en ressources plus conséquent en sa faveur.
Cependant, on constate aussi que dans la Situation 1, la marge de latitude est beaucoup plus grande. Il reste encore beaucoup d’ananas en réserve, l’avantage en ressource à donc de grande chance d’être valable et de pouvoir s’exprimer.
Dans la Situation 2, on observe qu’il ne reste qu’un seul fruit en réserve. Donc :
- Si J1 arrive à gagner ce fruit avant J2, il gagne.
- Si J2 arrive à gagner ce fruit ou à faire perdre son fruit à J1, mais que J1 en récupère un nouveau il gagne.
- J2 doit donc réussir à enchaîner deux gains sans que J1 ne puisse en faire un seul.
En résumé, moins il reste de fruits en réserve, plus ces derniers prennent une valeur importante par rapport aux totems dans le calcul des ressources. Et plus la situation devra être examinée au cas par cas.
Notre indicateur, pour avoir de bonnes chances d’être valables, doit donc respecter une certaine condition de distance suffisante vis à vis de la fin de la partie. Cette distance peut par exemple être matérialisée par le fait que le joueur soit à un minimum de deux fruits restants de la victoire (limite arbitraire mais efficace en pratique).
Ainsi, en excluant la possibilité de rush du le village (+2), cela veut dire que si le joueur sacrifie ses totems en masse pour gagner 1 fruit, il lui en manquera encore au moins un dernier pour gagner. Et s’il était déjà en retard en termes de ressources, et qu’il a encore investit des totems plus que de raison pour gagner un nouveau fruit, alors il n’aura vraisemblablement plus grand chose sur le terrain. Son adversaire devrait alors pouvoir contrôler la partie pour renverser la situation à termes, quitte à lui même sacrifier à son tour ses totems pour rusher vers la victoire.
Notre indicateur reste identique, mais voit donc son domaine de validité légèrement restreint :
INDICATEUR D’EVALUATION : valable uniquement si les joueurs sont à au moins 2 fruits de la victoire
Valeur de l’indicateur : nb fruit + nb totems
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